Production: M.O.L, 1944, G.B, Brihsh Ministry of Information Réalisation: Alfred Hitchcock Scénario: J,O,C Orton, Angus McPhail, d'après un sujet original de Arthur Calder-Marshall. Directeur de la photographie: Gunther Krampf, Décors: Charles Gilbert, Studios: Associated British. Interprétation: John Blythe, The Moliere Players (troupe d'acteurs français réfugiés en Angleterre). |
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Synopsis |
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Le film commence dans un bureau des services de renseignements Français à Londres. Un officier, du deuxième bureau, assisté de son homologue anglais interroge John Dougall, sergent de la RAF, qui s'est enfui d'Allemagne en compagnie d'un autre détenu, sur les conditions de son arrivée dans la capitale londonienne. John Dougall s'exécute de bonne grâce. A Reims, Stéphane, le codétenu avec lequel il s'était évadé, alors qu'il tente de prendre contact avec un réseau de résistants, est repéré par un homme de la milice. Il réussit à abattre l'individu et à rejoindre John Dougall qui l'attend à l'entrée de la ville. Après une brève discussion, les deux hommes décident de revenir sur place afin de faire disparaître le corps. Mais la résistance est passée avant eux. Finalement, les deux résistants qui se sont chargés du mort leur fournissent des indications qui les conduisent jusqu'à une ferme d'où John Dougall s'envole pour L'Angleterre. Dans la deuxième partie du film, l'officier révèle à John Dougall que les événements ne se sont pas déroulés comme il le croit, que sous l’apparente réalité se cache une autre réalité! En fait Stéphane était un agent de la Gestapo et s'il a abattu un membre de la milice ce n'était que dans le but d'attirer l'attention de la résistance. Ainsi la Gestapo a pu infiltrer le réseau de combattants et le démanteler. Si John Dougall a pu regagner Londres ce n'est pas parce qu'il n'y avait qu'une place dans l'avion mais parce que Stéphane ne pouvait pas quitter la France et parce qu'il voulait utiliser John Dougall comme messager. |
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De l'invisible... |
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Ce film, ainsi que L'aventure Malgache, fut tourné en 1943. Pour les réaliser Hitchcock se rendit à Londres et fit appel au Ministère de l'information. Bien évidemment les moyens, dont il disposa, furent dérisoires (à cette époque Londres était soumise aux bombardements) et il ne put consacrer que deux mois à la réalisation de ces deux films. On remarque, particulièrement, le peu de moyens, dont disposait le cinéaste, dans la scène qui se déroule dans un wagon. Bien sûr, celle-ci n'est pas tournée dans un train, elle est filmée en studio et le paysage qui défile est un trompe-l'œil. Mais celui-ci n'est même pas une transparence, il s'agit d'une toile peinte comme on en utilisait au temps du cinéma muet. Pourtant ce dénuement n'empêche pas le cinéaste de tourner quelques scènes qui ne déméritent pas. L'assassinat de la jeune résistante en fait partie. Intriguée par le fait que les deux fugitifs ne soient pas passés par la filière habituelle, la jeune femme décide de contacter un membre du réseau. Elle décroche le téléphone et demande un numéro. Une main apparaît à droite de l'écran. Le regard de la femme se pose sur cette main qui s'avance paisiblement jusqu'à se poser sur le micro du téléphone. Aucune violence ne s'est exprimée et la scène continue sur un ton semblable. La caméra pivote légèrement vers la droite et nous découvrons Stéphane. Le regard de la femme se détourne vers le bas. Que fixe-t-elle ? Hitchcock répond aussitôt par le gros plan d'un revolver. La jeune femme comprend que ses soupçons étaient fondés, que Stéphane est un traître, qu'elle va mourir. Mais comment transcrire ce cheminement mental en images ? Par un simple gros plan sur son visage quasi immobile. Nous ne voyons plus que ce visage et nous ne pouvons qu'imaginer le hors-cadre, tout comme nous ne pouvons qu'imaginer ses pensées. Les yeux de la femme quittent le revolver pour se poser sur le visage de Stéphane. Puis, elle tourne ses yeux vers la gauche avant de les reposer sur Stéphane. Une détonation retentit, la femme crie et, en même temps que la caméra s'éloigne pour ramener dans le champ Stéphane, elle disparaît de l'image en s'effondrant sur le sol. « Le cinéma, comme la peinture, montre l'invisible » disait J L Godard (L'Express du 03/05/2001). Et c'est bien de ceci dont il s'agit. Hitchcock filme dans cette scène le hors-champ puisqu'il doit montrer la trajectoire de la pensée et que celle-ci ne peut être qu'invisible. |
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De la propagande... |
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Dans son entretien avec Truffaut, Hitchcock explique pourquoi il a réalisé ce film, ainsi que L'aventure Malgache : « Je sentais le besoin d'apporter une petite contribution à l'effort de guerre, car j'étais trop âgé et trop gros pour prendre du service dans l'armée » Alors Hitchcock se tourne vers la propagande qui depuis les années 30 était un terrain de lutte entre les régimes fascistes et les vieilles démocraties. En 1937 'Scipion l'Africain' de Carmine Gallone reçoit 'la coupe Mussolini du meilleur film étranger italien' au festival de Venise, trophée qui dura de 1934 à 1942. Ce film, qui s'inscrit dans la tradition italienne des péplums, met en scène un épisode de l'histoire romaine : la revanche des Romains, sur les Carthaginois. Le parallèle entre la conquête de Carthage par Scipion et celle de l'Éthiopie par Mussolini y participe de la glorification du Duce et hisse ce film à grand spectacle au rang de chef d'œuvre de la propagande. Un an plus tard, c'est au tour du documentaire 'Les dieux du stade' de Leni Riefenstahl d'obtenir ce prix. Dans ce dernier, ce n'est pas l'image d’un homme qui est exalté mais la ‘race aryenne’. La Mostra de Venise devenait la machine de propagande des régimes fascistes, les démocraties ne pouvaient que tenter de contrecarrer l'influence de ce festival. En France, le ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts, Jean Zay, décide de créer un festival dont le but sera « d'encourager le développement de l'art cinématographique sous toutes ses formes et créer entre les pays producteurs de films un esprit de collaboration. » Le 1er septembre 1939, Gary Cooper, Mae West, Tyronne Power, Douglas Fairbanks arrivent à Cannes. Sous la présidence Louis Lumière s'ouvre le premier Festival de Cannes par la projection du ‘Bossu de Notre Dame'. Malheureusement l'heure n'était plus à la seule propagande : à cette même date Hitler envahissait la Pologne. |