Une lecture de PAUL MAUGENDRESilence, on tourne, et ce n’est pas du cinéma ! Jules se réveille péniblement dans un lit d’hôpital. Tout tangue autour de lui, il ressent de violentes céphalées, mais surtout il n’entend plus rien. Selon le personnel soignant, il sort d’un coma qui a duré trois jours. Peu à peu la mémoire lui revient, comme des décharges électriques dans le cerveau. Mais difficile d’avouer à ses parents venus le voir qu’il était en compagnie de ses amis Alf et Faouzi, de sa copine Camille et de Lucille. Difficile de dire qu’ils étaient tous allés à la fête foraine de la Saint-Michel, Jules sur le scooter emprunté à la sœur de celui-ci en compagnie d’Alf. En catimini, sans prévenir qui que ce soit, sachant que leurs parents auraient opposé leur véto. Mais le but final était de participer pour la première fois à une rave. Afin de passer le temps, ils font des tours d’auto-tamponneuse, une bagarre s’ensuit avec d’autres jeunes, Alf reste seul à affronter les belligérants, Camille fait la tête à Jules, bref une soirée qui débute mal. D’autant que Jules avait prévu passer la nuit avec Camille et s’était procuré des préservatifs au cas où. Le plus grave, c’est que Jules, dépité et en colère, a acheté lors de la rave deux cachets d’ecstasy qu’il a avalé concomitamment contrairement aux recommandations du vendeur. Et il a été retrouvé le lendemain matin dans le coma, affalé contre les baffles de la sono. Bonjour l’ambiance ! Damien, l’interne qui le soigne lui apprend que les cachets étaient frelatés, contenant un produit toxique. Il a l’air malin Jules dans son lit à communiquer avec Damien, les infirmières et le toubib à l’aide d’un tableau, puis d’un bloc-notes. Il peut parler, crier parfois puisqu’il ne s’entend pas, mais pour ouïr, c’est fini pour lui. Plus de musique. Ces parents sont loin d’être satisfaits, et les deux policières de la brigade des Stup jouent l’une à la gentille, l’autre à la méchante, comme dans les films. Elles veulent savoir ce qu’il s’est réellement passé, que Jules leur donne le nom du revendeur, leur révèle tout ce qui pourrait mettre les policiers sur une piste quelconque. Non, Jules ne peut décidemment pas jouer à la balance, avouer que c’est un copain au grand frère d’Alf qui lui a proposé et vendu les cachets. Ses parents lui font cadeau d’un téléphone portable, alors qu’ils avaient toujours refusé de lui en acheter un, afin qu’il puisse communiquer par texto avec ses copains. Alf rechigne à lui répondre, Camille ne se donne même pas la peine de le faire. Elle l’a oublié. Or c’est justement à cause d’elle qu’il se trouve dans cet état. Lui qui avait déjà des cœurs pleins les yeux. Seul Faouzi communique avec lui Cette histoire simple (mais pas simplette) de Benoît Séverac me fait penser à une vieille comptine que chantait (chante encore ?) les enfants en maternelle et reprise par Guy Béart : Sur le pont de Nantes, un bal y est donné… Braver les interdits, c’est un sport auquel s’adonnent volontiers les jeunes adolescents, sans en mesurer les conséquences. Et Jules, quinze ans, ne faillit pas à la règle. Il est puni par un traumatisme auditif, mais ce n’est pas pour autant qu’il dénonce ceux par qui cela est arrivé. Il possède le sens de l’honneur et entend bien assumer les conséquences de sa désobéissance. Mais Benoît Séverac ne joue pas dans le pathos, dans le larmoyant, dans une histoire où la morale est sauve malgré tout, où tout est bien qui finit bien et ils eurent beaucoup d’enfants. D’ailleurs il abandonne en cours de route Camille, la pimbêche, par qui tout arrive ou presque. Une fois de plus ce roman pour adolescent n’est pas destiné qu’aux jeunes. Et s’il fallait spéculer sur les droits et devoirs des parents envers les enfants, et vice versa, l’on s’aperçoit que c’est lorsque quelque chose est défendu qu’il est tentant de contourner l’interdit. Benoît Séverac est un auteur à suivre : j’ai appris que l’un des ses deux romans, Les Chevelues, publié en 2007 chez Tme, « petit » éditeur toulousain, avait été traduit en anglais et édité par les éditions Enigma Books aux USA. Ce n’est pas si souvent qu’un ouvrage passe de l’autre côté de l’Atlantique et il était bon de le souligner.
PAUL MAUGENDRE |
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