Une lecture de PAUL MAUGENDRE Shangai passage – 1929. Traduction Pierre Bonvallet. Illustrations de Psim. Collection Bibliothèque Verte. Editions Hachette. Parution 1952. 254 pages. Ohé! Ohé! Matelot, Matelot navigue sur les flots… Renvoyé de l’école militaire de West Point, sis dans l’Etat de New-York, le jeune Stuart Ormsby n’a pas l’intention, et encore moins l’envie, de rentrer chez son père, un officier militaire strict et rigide. Orphelin de mère, Stuart décide alors de quitter le pays et au bout de cinq mois à parcourir le Canada comme trimardeur, il arrive enfin à Vancouver. Il est racolé sur le port par un marin qui lui demande un petit service afin d’échapper aux douaniers. En récompense l’homme l’emmène en canot jusqu’à un cargo, le Nankin, qui mouille au large. Mais là où il n’est pas chic, c’est de le présenter un peu plus tard comme passager clandestin au capitaine du navire, le capitaine Jarvis. Franchement Bashford n’est pas un type sympa, et comme il est le second du capitaine, il s’octroie le beau rôle. Et Stuart n’a plus qu’à obéir et effectuer des tâches subalternes. Il se lie d’amitié avec deux autres jeunes matelots, Toppy, un Londonien gouailleur, et surtout Ted Moran, surnommé Joe Macaroni, dont ce n’est pas le premier voyage en compagnie du capitaine Jarvis. Il apprend à Stuart, devenu Alabam, contraction d’Alabama état dans lequel il est né, que le navire traîne dans son sillage une mauvaise réputation. Lors des trois précédentes traversées vers la Chine, via Yokohama au Japon, les trois capitaines sont décédés dans des conditions douteuses. De nombreux incidents se produisent. Stuart surprend une conversation en pleine nuit, conversation qui ne manque pas de l’inquiéter. De plus il assiste en compagnie de Moran à une tentative d’assassinat du capitaine. Un couteau est lancé par un hublot de la cabine du marin. Mais d’autres événements se produisent et un début de mutinerie est enclenché par Bashford aidé par quelques-uns de ses séides. L’équipage est partagé en deux clans. Le voyage se poursuit dans des conditions houleuses, aussi bien à cause de la météo que de la vindicte de Bashford et ses hommes. Et un jour, le capitaine Jarvis disparait et Bashford en tant que second du navire se proclame capitaine, à la place du capitaine. En compagnie de Moran, de Toppy, du cuisinier chinois qu’il a longtemps soupçonné, et de deux ou trois autres marins, Stuart effectue sa petite enquête, et il va aller de surprise en surprise. D’abord Ted Moran qui disparait, probablement tombé à la mer et noyé. Un marin décède dans des conditions mystérieuses et le capitaine Jarvis essuie des coups de feu tirés d’un sampan. Ce roman, publié aux Etats-Unis en 1929, s’inscrit durant la tentative de prise du pouvoir par le Kuomintang, parti nationaliste chinois qui perdure toujours à Taïwan. Mais le pouvoir en place combat cette révolte en important par exemple des armes du continent américain. Or ce n’était pas la mission première du Nankin, chargé de convoyer des médicaments et des denrées, et autres. Les épisodes malheureux, les tentatives d’assassinat aussi bien auprès du capitaine que d’autres membres de l’équipage, des attaques maritimes, un typhon, des personnages inquiétants rencontrés lors de l’escale à Yokohama et à Mijo, au Japon, puis la rencontre avec des Chinois, des pirates, le travail ingrat des Gueules noires ou soutiers, s’enchaînent à un rythme soutenu. Les Chinois ne sont pas systématiquement dénigrés, comme c’était usage courant à cette époque qui ressentait la phobie du péril jaune. Certains, dont Stuart, affichent nettement un à-priori envers notamment Wu Sing, le cuisinier chinois, lequel est toujours flanqué de son petit singe. Mais Ted Moran prend la défense du cuistot et de ses compatriotes en déclarant : J’ai connu un grand nombre de Chinois en Californie, où j’ai toujours vécu. Ce sont en général des hommes loyaux, des travailleurs courageux et habiles, des amis fidèles. Ce qui change de l’opinion souvent professée par bon nombre d’auteurs. Et n’oublions pas non plus que des milliers de Chinois furent mis à contribution à la fin du 19e siècle pour la construction du chemin de fer transcontinental américain dans des conditions préjudiciables à leur santé. Mais Howard Pease n’est pas toujours tendre envers ses compatriotes. Ainsi, lors de l’escale japonaise, les marins n’ont pas manqué de fréquenter débits de boissons et lorsqu’ils rentrent péniblement à bord, ils sont fin saouls. La façon dont les marins se comportaient aux escales devait en effet donner aux Japonais une fière idée de la supériorité Occidentale ! Wu Sing était le seul à ne pas être rentré à bord en état d’ivresse. Quant à Billy Sanders, le steward qui est préposé à l’habillement et infirmier sur le Nankin, il donne une définition du toubib qui est plus celle d’un profiteur et d’un opportuniste que d’un véritable homme de l’art médical. Asseyez-vous, reprit le steward, et retroussez la jambe de votre pantalon, pendant que je vais préparer de la gaze et du mercurochrome. Vous allez voir, il n’y a pas meilleur infirmier que Billy Sanders pour guérir toutes les petites écorchures que peut se faire un marin. Si j’avais suivi ma vocation, je ne serais pas steward mais médecin. Parfaitement, docteur en médecine, avec une moustache et une petite barbiche, comme il se doit, et je gagnerais des milliers de dollars à persuader les jolies femmes qu’elles doivent se faire soigner pour des tas de maladies qu’elles n’ont jamais eues.
PAUL MAUGENDRE |
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