Une lecture de PAUL MAUGENDRE Être réveillé en pleine nuit par un fantôme au visage blafard, n’est pas du tout du goût de Wiggins, lequel est apeuré par cette apparition. Après tout ce n’est encore qu’un gamin impressionnable même s’il vit des aventures dangereuses. Wiggins se rend rapidement compte que son prétendu spectre n’est autre que Sherlock Holmes, le détective le plus génial qui ait jamais existé ! Sherlock doit s’absenter pour une durée indéterminée et il confie à Wiggins la mission de surveiller quelques anarchistes dont certains membres se sont glissés dans les rangs de l’aristocratie. Un Prince Russe en ferait partie. Et cela inquiète fort le gouvernement de sa Gracieuse Majesté (avez-vous remarqué que les majestés féminines sont toujours gracieuses ?) qui a demandé à Sherlock d’enquêter. Seulement il ne peut surveiller tout ce petit monde seul aussi il a pensé à Wiggins et à ses camarades, les Irréguliers qu’il a déjà prévenus. Une anticipation qui ne plait guère par ailleurs à Wiggins qui n’aime pas être devancé. Wiggins doit surveiller plus particulièrement Robert, l’un des fils du Comte Petticoat, qui se conduit d’une façon étrange. Par exemple, lorsqu’il sort de chez le Prince, Robert note dans un petit carnet quelque chose. Quoi ? Sherlock aimerait bien le savoir. De son côté Sherlock est sur la piste du plus grand criminel de tous les temps, c’est lui qui l’affirme, surnommé le Napoléon du crime. Seulement Wiggins ne peut se promener dans le quartier huppé de Knightsbridge où réside Robert Petticoat ni le filer affublé de ses loques. Alors il invente un prétexte auprès de sa mère, qui est cuisinière chez de riches personnages, et celle-ci lui promet de lui dégotter à la cave des vêtements qui ne servent plus et sont en meilleur état que ceux qu’il porte. Sa filature est exténuante car l’Honorable Robert marche beaucoup, court souvent, allant de Chelsea, le quartier des artistes, jusqu’au port, sur les docks, prenant des notes, puis se rendant dans un théâtre pour finir dans une arrière salle d’un cabaret assister à des combats de coqs. Et ces pérégrinations peuvent s’avérer dangereuses, surtout lorsqu’une grue laisse un ballot s’échapper qui manque l’écraser. Et c’est ballot ! Wiggins consigne dans un petit carnet tous les personnages avec lesquels a échangé quelques mots l’Honorable Robert et cela va d’un docker étranger à un spectateur de combats de gallinacés, en passant par une ouvreuse de théâtre et un policier. Le lendemain, alors qu’il reprend péniblement sa filature, un gamin lui dérobe un mouchoir de soie constituant sa panoplie. Et Wiggins est embêté car lorsqu’il devra rendre les effets empruntés, sa mère s’apercevra du manque. Alors il poursuit le jeune rouquin et parvient à le rattraper. Allan est un petit Irlandais exilé qui pensait gagner sa pitance à Londres, formé à l’école des pickpockets. Wiggins propose alors à Allan de l’aider, le matin à vendre les journaux, ce qui constitue son principal moyen de revenus, mais aussi de l’assister dans sa filature. Il lui offre même de dormir au dessus de sa chambre chez son voisin, un Ecossais. Un Ecossais, le comble pour Allan qui lui est Irlandais ! Malgré sa répugnance affichée il se laisse convaincre. Soulagé Wiggins peut continuer le travail à lui confié par Sherlock et suivre l’Honorable Robert dans ses déplacements qui sont toujours divers et variés. Eprouvants aussi, et heureusement que Wiggins possède en Allan une aide efficace. Au bout de quelques jours, l’Honorable Robert décide de se rendre à la National Gallery. Wiggins le suit, bien naturellement mais pas de rencontre ce jour là ni de discussion avec un inconnu. Ils baguenaudent l’un derrière l’autre, Robert examinant les tableaux, Wiggins tentant de se cacher derrière les piliers afin de ne pas se faire remarquer. Jusqu’à l’heure de la fermeture, prévenus par un gardien. Le lendemain, Wiggins se rend chez Sherlock afin de lui demander de lui octroyer une avance, car les « faux » frais montent vite, mais seul Watson est présent. Le bon docteur se montre bon prince et lui accorde une petite avance. En rentrant à Whitechapel, soit à plus de six kilomètres de Baker Street, à pied, pas de dépenses inutiles, il est abordé par un de ses camarades qui lui annonce qu’un tableau a été dérobé durant la nuit à la National Gallery. Ô my God, pourrait s’exclamer Wiggins, car le directeur du musée offre 50£ à qui retrouvera Le Cardinal Richelieu, la peinture dérobée. Un véritable pactole s’il pouvait mettre la main dessus. Et pendant ce temps, que devient Sherlock ? Il vaque probablement, sûrement même, à ses affaires, mais je ne vous en dirais pas plus. Si on veut apprécier un roman, mieux vaut ne pas trop en savoir au départ afin que le suspense soit préservé. Si tout tourne autour de Wiggins, une fois de plus, c’est normal : après tout Béatrice Nicodème a décidé que ce serait lui le héros de ses histoires, qui, entre parenthèses, prennent de plus en plus de consistance. Mais le lecteur se trouve également dans une ambiance à la Charles Dickens. Le jeune Allan nous fait penser un peu à Oliver Twist et son apprentissage auprès de Fagin de voleur à la tire. Mais le décor s’impose, un décor qui selon les tableaux entraine le lecteur dans les quartiers miséreux de la capitale ou dans les secteurs chics. Sans oublier la misère subie par les gamins des rues, obligés de chaparder car ils sont orphelins et n’ont généralement pas d’autres moyens de subsistance. Une aimable récréation pour les adultes qui cultivent la nostalgie de leurs lectures juvéniles, et apprécient les histoires mettant en scène Sherlock Holmes.
PAUL MAUGENDRE |
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