Une lecture de PAUL MAUGENDRE Les Lutins urbains tome 1. Illustrations Godo Lutins du matin, malin ! Lutin du soir, espoir ! Il va falloir s'y faire. Toutes les institutions publiques sont en passe d'être privatisées, avec les inconvénients que cela comporte. Ainsi dans quelques années, comme dans la Grosse Cité, les commissariats risquent d'être parrainés financièrement. Dans le quarter du commissariat Adnike®, un mystérieux kidnappeur de pizzas dévalise les livreurs et il en est déjà à sa 132ème agression. Cela fait trois mois que Gustave Flicman, nouvellement nommé policier, traque ce malfaiteur, et il pense mettre en joue l'indélicat personnage avec son pistolet électrique. Comment définir ce vieux débris ? L'appellation est de Flicman lui-même, et il ne sait trop comment l'interpeller. Singe savant en pyjama ? Nain barbu à barboteuse ? Lutin grimacier ? Quelle que soit la définition que Flicman veut lui donner, il n'en est pas moins embêté car il est en face d'une situation inédite. Le bonhomme tend le bras et le véhicule de Flicman, qui ne lui appartient pas puisqu'il s'agit d'une voiture de service, explose. Une enclume vient de tomber sur le capot, pulvérisant, écrabouillant, éparpillant moteur, tôle, boulons, écrous et autres accessoires indispensables pour un bon fonctionnement. Flicman se retrouve la partie charnue et postérieure de son individu sur le trottoir et le... appelez-le comme vous voulez, a disparu. Son collègue Pticop, le benjamin du commissariat, arrivé immédiatement sur les lieux tente de le rassurer, un peu gêné quand même. Arrivent alors les pompiers, précédés d'une étrange sirène composée de dancefloor (parquet de danse, lequel doit sûrement couiner lorsque les danseurs s'activent dessus) et de pin-pon, ce qui est normal puisque les hommes du feu ont un contrat avec le producteur de Lady Gaga. Au commissariat, Flicman est énervé. Son supérieur hiérarchique n'a pas daigné lire son rapport. Pticop tente de le rassurer et pour le calmer l'enferme dans un placard, qui s'avère être une pièce de réunion. Derrière une lampe qui éblouit notre héros se cache un homme dont il ne distingue pas les traits. L'inconnu lui fait la leçon et lui demande s'il connait les Lutins Urbains. Pour Flicman, ce ne sont des que des êtres de légende mais son interlocuteur se réfère à la théorie du grand Cassave selon laquelle pour prendre vie, une créature a simplement besoin d'avoir un jour été imaginée. Rentré chez lui, Flicman n'a pas le cœur à manger, malgré le succulent repas de nuggets d'autruche purée préparé par sa mère. Ses cinq sœurs se moquent de lui et seule Chloé, la cadette semble intéressée, lui signifiant tu comprendra ça quand tu s'ras p'tit. A la télévision, un présentateur vedette annonce l'arrestation du seul représentant du gang des pizzas. Il s'agit d'un vieil homme, habillé d'un pyjama, chantant la Danse des canards en rap, soupçonné d'être le malandrin. Il a quand même fallu six policiers pour l'arrêter, lui qui se promenait tranquillement avec un chariot de supermarché contenant, entre autres objets divers et variés, une enclume. Le pauvre homme a beau déclarer être innocent, rien n'y fait. Il est emmené manu militari au poste, et sa petite chienne Margot, une boule de poils noirs est abandonnée sur place. Le lendemain, alors qu'il compulse les différents fichiers recensant les personnes susceptibles de ne pas être nets vis à vis de la justice, Flicman reçoit un mystérieux appel téléphonique émanant du Professeur B. Il en parle à Pticop qui lui avoue que le professeur B. est le meneur de Lutins. Et qu'il réside à l'Université d'Onirie, située en banlieue. Aussitôt Flicman se rend à cette Université d'Onirie (Onirie soit qui mal y pense !) et il va vivre des aventures abracadabrantesques. Vous l'aurez compris, ce roman pour juvéniles n'est pas forcément accessible aux adultes, sauf ceux qui ont gardé leur âme d'enfant. L'adulte est trop cartésien, trop terre à terre, tandis que l'enfant sait s'approprier le monde merveilleux des Lutins, urbains ou ruraux, urbains ou malpolis. Ils possèdent cette chance de pouvoir se plonger dans un monde merveilleux, fantastique, fantasmagorique tout en restant ancrés dans la réalité. Renaud Mahric l'a bien compris en revisitant cette lutinerie et comme j'ai gardé mon âme d'enfant, quoique ma chevelure chenue pourrait faire croire que je suis plus vieux que je le suis d'esprit, j'ai aimé me plonger dans cette historiette, qui j'en suis persuadé aura une suite. Quand ? Seul le lutin écrivain pourra vous renseigner.
PAUL MAUGENDRE |
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