Une lecture de LEO LAMARCHE Un roman noir impressionnant Un homme enjambe la fenêtre de son bureau et se jette dans le vide. Le concierge qui sort ses poubelles, la femme qui emmène son petit à la crèche, le conducteur qui patiente au feu rouge, sa collègue, son supérieur hiérarchique chez Violet Telecom, tout le monde assiste au drame et personne n’a le temps de réagir. Dix mois plus tard, Lewis, lycéen hagard et révolté se remet – mal – du suicide de son père. Il a eu droit au “parcours du combattant” du deuil, assorti d’une aide psychologique. Le psychologue s’est évertué à lui faire admetttre que “la vie continue”, comme on dit, et qu’il doit s’accrocher à un projet pour continuer, lui aussi. Dont acte. Son projet s’appelle Julia, fille du directeur de Violet Telecom. Comme une araignée tend sa toile, Lewis se rapproche imperceptiblement de la jeune fille jusqu’à se lier d’amitié avec elle. Son but, ou plutôt son obsession : parvenir à se faire inviter dans la grande propriété bourgeoise et atteindre celui qu’il pense, à tort ou à raison, être la seule et unique raison de la mort de son père. Sa mère ne l’a pas attendu pour “refaire sa vie” avec un type que Lewis excècre au premier regard et à qui il attribue le doux sobriquet de Vache Qui Rit. Mais le bellâtre a quand-même son utilité car, par son intermédiaire, Lewis va apprendre à tirer, puis se procurer en douce une arme et deux balles. Pourtant, lorsque le moment tant attendu arrive, lorsqu’il tient enfin, l’abominable Muller au bout de son arme, Lewis se rend compte que la vérité est beaucoup plus complexe que dans ses fantasmes de vengeance. Alors, va-t-il tirer ? Une narration étourdissante qui mêle les réactions de l’adolescent écorché, le récit du drame passé, la vision d’un couple en déroute et de liens familiaux qui s’effilochent, la critique d’une société consumériste qui glorifie profit et réussite professionnelle, l’histoire d’une dépression, aussi, dans un ballet d’amour, de haine, de trahison et de révolte, sans jugement à l’emporte-pièce. Et sans morale bien-pensante. Un beau roman, sans concessions, criant de vérité – et d’une brûlante actualité
La vie est belle, de Christophe Léon, éd. La Joie de Lire, coll. “Encrage”, 152 pages, 14 euros. À partir de 15 ans et pour tous.
LEO LAMARCHE |
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