Une lecture de PAUL MAUGENDRE L’une des rares professions où l’on peut lire sur son lieu de travail en toute impunité ! Les cours de français de monsieur Pennac ( !) seraient-ils si soporifiques pour que le jeune Guillaume s’endorme sur son pupitre ? D’autant qu’il se fait remarquer en ronflant bruyamment. La réalité est tout autre. Si Guillaume est fatigué, c’est parce que depuis quelque temps, il espionne de la fenêtre de sa chambre, un appartement situé de l’autre côté de la rue. Une vieille dame écrit durant des heures et il se demande bien ce qu’elle peut rédiger. Or un soir, alors que la vieille dame éteint sa lumière, peu après il aperçoit une jeune fille vêtue d’une cape sortir de l’immeuble et s’éloigner. Il décide la suivre et pénètre à sa suite dans la bibliothèque par une porte dérobée. Mais la lumière allumée et le bruit engendré par les appels de Guillaume alertent le gardien. Ils s’enfuient précipitamment et se retrouvent le boulevard désert. Ils devisent tranquillement et Guillaume apprend que la jeune fille se prénomme Ida. Elle a de beaux yeux et il tombe sous le charme de cette adolescente qui paraît n’avoir qu’une quinzaine d’années. A sa grande surprise Ida lui révèle que la vieille dame, c’est elle. Elle avoue être âgée de quatre-vingt-quatre ans, avoir été bibliothécaire durant des décennies, et que son rêve était d’être romancière. Mais elle n’a jamais pu trouver le grimoire qui lui aurait permis de réaliser son souhait le plus cher. Mais deux ou trois jours plus tard, pas de lumière chez la vieille dame. Il apprend que celle-ci vient de décéder. Il ne verra plus Ida. Aussi, armé de son seul courage et d’un canif, il entre dans l’appartement et découvre le fameux cahier. Il se met en tête alors de découvrir le grimoire en compagnie de son ami Doudou, un Noir qui ne parle pas mais s’exprime tel un rappeur, et d’ectoplasmes farceurs. Dans une ambiance très fantastique, ce roman pour adolescent est un hommage aux bibliothécaires et aux documentalistes, à tous ceux et celles qui œuvrent afin que les adolescents se plongent dans la lecture et la littérature. C’est frais, c’est charmant, c’est enjoué, et l’on aimerait être à la place de Guillaume lorsqu’Ida lui fait une bise sur la joue. Mais au-delà de cette intrigue menée rondement, ce sont les aveux d’Ida à Guillaume qui en font le support de l’histoire. En effet, à la remarque de Guillaume qui demande pourquoi Ida a choisi de n’avoir que quinze ans lors de sa recherche du grimoire, la jeune fille répond : Les seuls livres que j’ai négligés, lorsque j’étais bibliothécaire, ce sont ceux destinés aux jeunes. Je ne les trouvais pas intéressants. Adulte, il me manquait la fraîcheur d’âme nécessaire pour les apprécier. Ce fut sans doute mon erreur. Une erreur que je tente désespérément de réparer aujourd’hui… AVANT QU’IL SOIT TROP TARD ! Car elle n’a plus longtemps à vivre, elle en est consciente, malgré les dénégations de Guillaume. Une réflexion qui conforte, s’il en était besoin, de lire ou relire des ouvrages pour adolescents, alors que je suis dans le même état ou presque que la vieille dame. Un plaisir de redécouverte, de se plonger dans une littérature d’évasion, policière, fantastique, de science-fiction, sans violence, sans psychologie de comptoir, sans étalage d’une érudition factice ou réelle, voire sans prise de tête avec certains auteurs pour adultes. Gudule, alias Anne Duguël lorsqu’elle signait des romans pour adultes justement, nous fait revisiter, grâce aux personnages qu’elle invente pour accompagner Guillaume et Doudou dans leurs recherches du grimoire, nous permet de retrouver avec un émerveillement non feint, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Poil de Carotte de Jules Renard, Gavroche de Victor Hugo ou encore le Petit Prince de Saint-Exupéry, qui vivent leurs aventures transposées dans l’univers de nos deux adolescents. Et comme l’affirme justement le Petit Prince à une déclaration de Guillaume qui affirme détester les livres où les gens meurent : Ce qu’il y a de bien dans les histoires, c’est qu’on peut toujours revenir en arrière. Que veux-tu dire ? C’est l’avantage qu’ont les livres sur la vie réelle. Dans la vie réelle, quand un drame arrive, on se dit : comme j’aimerais retourner dans le passé, profiter du bonheur d’avant ! La lecture nous donne cette possibilité : il suffit de reprendre les chapitres précédents, et on revit les moments que l’on aime chaque fois qu’on le désire. A tous ceux qui se sentent honteux de lire ou relire des romans dits juvéniles, se sentant trop vieux pour ce genre d’exercice, qui méprisent même ceux qui le font c’est-à dire se plongent dedans avec délectation, les jugeant attardés, ce petit roman devrait les exonérer de cette pensée déshonorante et au contraire les inciter a se plonger ou replonger dans la lecture jeunesse qui souvent se montre plus enrichissante que celle pour les soi-disant intellectuels méprisants. La Lecture doit rester un plaisir et ne pas devenir un pensum !
Le Livre de Poche Jeunesse N°547. Parution novembre 2007. 192 pages. ISBN : 978-2013224062
PAUL MAUGENDRE |