Une lecture de PAUL MAUGENDRE Réédition Editions Lire c'est Partir. Parution 2010. 96 pages. 0,80€. Première édition Collection Pleine Lune. Parution 17 avril 2001. 88 pages. C'était la bande aux Bonnot ! Ils ne sont pas méchants, les Bonnot, mais ils dérangent. Surtout le directeur du supermarché qui veut agrandir son parking, afin d'accueillir encore plus de chalands, et par voie de conséquence, engranger plus d'argent. Naturellement, cette dernière assertion, c'est moi qui l'affirme, mais ce n'est pas innocent, avouez-le. Les Bonnot sont arrivés un beau jour, venant d'on ne sait d'où, dans une vieille fourgonnette déglinguée, et se sont installés sur le terrain vague à côté du supermarché. Il y a le père et la mère, et une tripotée d'enfants qui ont perdu leurs prénoms et ont été surnommés à cause de leurs particularités physiques évidentes. Ainsi la fratrie est composée de Bonnot-la-Morve, Bonnot-deux-fois (parce qu'il bégaie), Bonnot-Bossu, Bonnot-Boiteuse, Bonnot-Bigleuse... Thomas, le narrateur, est copain avec Bonnot-Beau, le moins moche des frères et sœurs. Et ils se retrouvent souvent à pêcher ensemble dans un cours d'eau, qu'ils trouvent beau à cause des reflets irisés produits par l'essence qui y stagne. La pêche est souvent fructueuse en boites de conserves, un guidon de vélo, une botte caoutchouc et autres frivolités dispersées par des individus qui n'en avaient plus besoin. De toute façon, les Bonnot sont habitués à récolter ce genre de détritus car pour survivre ils récupèrent des objets en ferraille, en plastique, en carton, et il les revendent à des brocanteurs pour une poignée de dollars, je veux dire d'euros. Tom, il préfère qu'on l'appelle ainsi car ça fait plus héros, est également copain avec quelques élèves de son école. Et lorsque Bonnot-Beau lui apprend que lui et sa famille vont déménager, le directeur du supermarché venant d'acquérir le terrain vague, il décide de les engager dans la défense des pauvres démunis. Ce sont encore des enfants qui ne pensent pas et ne réagissent pas comme des adultes. Aussi les propositions émanant de Carlos, Maxime, Nadège, Lucas fusent mais ne sont pas toujours adaptées, même s'ils empruntent les idées des grands. Ils s'enchainent aux chariots, brandissent des pancartes "Laisser nous nos Bonnot" (oui, je sais il y a une faute d'orthographe, mais ce n'est pas moi qui ai rédigé l'inscription), ce qui rend le directeur furieux, les chalands embêtés, et la police débouler. Un coup d'épée dans l'eau. Ainsi lorsque Carlos émet l'idée de faire sauter le supermarché avec de la dynamite, Maxime lui rétorque que cela coûtait très cher et qu'on n'en vendait pas aux enfants qui n'étaient pas Corses ! Alors, Tom, qui est plein de ressources, déclare : Faut faire une manif, comme celles qu'on voit à la télé, on s'enchaine au caddies et on refuse de bouger tant qu'il n'y aura pas eu d'accord avec le patronat. Seulement il ne sait pas trop quoi répondre à la question qui lui est posée : C'est quoi le patronat ? Il ne peut que répliquer : C'est des méchants. Bon d'accord, c'est un peu abrupt comme répartie, mais pas tout à fait inexact. On ne le dira jamais assez la vérité sort de la bouche des enfants. Amusant, ce roman, certes, mais donnant à réfléchir, et pas seulement qu'aux gamins, même s'il est destiné à une tranche d'âge de dix à douze ans. Le thème du rejet d'une famille, voire plus, par des adultes pour des raisons diverses, incompatibilité d'humeur, racisme, sectarisme, ou ici pour des raisons strictement financières, a toujours été plus ou moins traité par Pascal Garnier dans ses romans pour adultes et adolescents. Mais il ne le fait pas ici brutalement, en énonçant des faits, mais par la bande, avec humour, corrosif parfois. Il faudra un petit coup de pouce malicieux du destin pour que tout se débloque. Car il faut bien une morale positive dans un roman pour juvéniles. Dans la réalité, ce n'est pas toujours ce genre de morale qui prévaut. Pascal Garnier, que ce soit pour les adultes ou les enfants, ne s'est jamais trompé de cible, et ses propos ont toujours été empreints de cet humanisme qui souvent fait défaut aux adultes, et principalement aux politiques, aux économistes, et aux financiers dont l'esprit obtus se limite au nombre de voix qu'ils peuvent récolter par leurs déclarations qui vont dans le sens du poil du plus grand nombre, ou qui privilégient le portefeuille de ceux qui en ont déjà assez.
PAUL MAUGENDRE |
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