Une lecture de LEO LAMARCHEIls sont trois, à vivre en enfer. Pélagie d’abord, lycéenne sérieuse qui prépare son bac de Français. En revenant d’une soirée entre amis, elle s’est fait enlever en pleine rue par un individu affublé d’un masque de Mickey. Droguée, jetée dans une voiture, elle se réveille menottée dans ce qui ressemble à une cave insalubre. Elle est assaillie de questions terribles, Pélagie : pourquoi elle ? que fait-elle là ? que lui veut ce type étrange qui ne lui donne que le minimum pour survivre ? tiendra-t-elle encore longtemps avec le froid, la faim, la saleté et l’envie d’abdiquer, de cesser de se battre faute de comprendre ce qui lui arrive ? Il y a aussi Arturo, qui a abandonné ses études pour le miroir aux alouettes de la vie active et s’en mord les doigts. Son enfer à lui, c’est de livrer des pizzas pour un patron qui l’exploite, sans oser espérer autre chose. Le fait d’apercevoir Pélagie, qui se rendait à une soirée, a creusé son cafard. Chaque jour passé sur sa vespa, à tenter de faire du chiffre, est un boulet de plus à porter. Dans son esprit, l’équation est simple : Pélagie est en passe de réussir sa vie et Arturo est un raté, point barre. Il y a enfin Angst qui, à la suite d’un malheureux coup de volant, a tué sa propre femme ainsi qu’une passante et blessé grièvement un adolescent, dans le coma depuis des mois. Angst, fraîchement sorti de l’hôpital psychiatrique, tente de renouer, avec son thérapeute, les fils de sa mémoire. Son enfer, ce sont tous ces trous dans ses souvenirs immédiats, qui l’empêchent de vivre. Entre ces trois là se tissent des fils imperceptibles… Lorsqu’Arturo assiste impuissant à l’énlèvement de Pélagie, lorsque le ravisseur tente de le tuer, lorsque Angst découvre, parmi ses affaires, un masque de Mickey, des clés de menottes, un téléphone portable, celui de la jeune fille enlevée et qu’il ne connaît pas… Mais ce serait trop facile de penser que c’est Angst le coupable, non, Hubert Ben Kemoun ménage, pour le final, une surprise de taille ! On a aimé l’écriture nerveuse et sans concessions de ce polar psychologique qui nous permet de pénètrer dans l’enfer intime de personnalités attachantes et touchantes, infiniment proches. On traverse avec eux leur détresse, en espérant une fin heureuse. L’intrigue, tendue en diable, tient en haleine jusqu’à la dernière page que l’on tourne, frustré de ce que cet excellent roman ne compte que 177 pages… Un nouveau titre de la collection “Tribal” et un beau succès en perspective.
Seuls en enfer, Hubert Ben Kemoun, éd. Flammarion, coll “tribal”, 180 pages, 10, 50 euros. À partir de 13 ans et pour tous.
LEO LAMARCHE |
|