Une lecture de PAUL MAUGENDRE Parfois le passage à bord d'un ferry d'un pont à un autre est délicat et semé d'embûches. C'est ainsi qu'Ava se retrouve à moitié assommée au pied de l'escalier du pont inférieur avec une entaille à la tête. Ce n'est pas tout à fait sa faute. Elle a été importunée par deux fantômes français, pourtant temporisés par un de leurs collègues anglais. De plus elle a retrouvé par hasard Marco, son petit ami de l'année précédente lors de son séjour à Jersey. Elle l'avait plaqué vexée de le voir embrasser une autre fille. Ava va bientôt avoir seize ans et si elle se rend à Guernesey en compagnie de son oncle, c'est officiellement pour découvrir l'île. Officieusement parce qu'elle doit mener à bien sa base de données sur le recensement des fantômes, retrouver Cécilia Watson sa formatrice comme consolateur de fantômes et assister à une assemblée annuelle des consolateurs. Après un passage à l'hôpital pour panser ses blessures où elle fait connaissance avec Mindy, un fantôme qui se cache de ses congénères par honte de sa famille, Ava et son oncle sont hébergés par Lord Fellowes. Très sympathique l'ami de son oncle. Mais encore plus attrayant est Alistair son fils, beau comme un dieu (je n'en ai jamais vu donc je me réfère à l'imagerie populaire) et qui met en émoi les sens d'Ava. Ava doit se montrer prudente, rencontrer les consolateurs ainsi que Cecilia tout en faisant croire à son oncle et à son hôte qu'elle visite Saint-Peter Port et les environs. Mais surtout bien faire attention, lorsqu'elle s'adresse aux fantômes qu'Alistair ne croit pas qu'elle parle toute seule. Pour cela elle a trouvé un petit subterfuge. Elle se promène en permanence avec un téléphone portable en plastique, un jouet, dont elle use comme s'il s'agissait d'un vrai. Elle rencontre trois consolateurs venus de Grande-Bretagne pour la réunion. Mais une mauvaise nouvelle l'attend. Des lettre anonymes accuseraient Cecilia d'un forfait pourtant c'est la vieille dame qui dans les années cinquante avait fondé le syndicat des consolateurs. Elle l'avait présidé puis avait passé la main, préférant rester dans l'ombre. Mais auparavant Cecilia avait été déportée, les Allemands ayant envahi les îles anglo-normandes, Churchill se désintéressant de leur sort. Quant au problème de Mindy, Ava l'apprend rapidement. Sa grand-mère aurait fauté avec un Allemand et évidemment elle croit être mise au ban pour une faute dont elle n'est pas responsable. Entre deux rencontres parfois houleuses avec des fantômes, Ava passe son temps à visiter les environs en compagnie d'Alistair dont elle se sent de plus en plus proche, fait la connaissance de Caitlin, la petite-fille de Cecilia, qui est dresseuse de chiens, et autres occupations qui remplissent ses journées. Sans oublier les petites joies qu'elle ressent, toujours, ou presque, sous l'ombre tutélaire de son fantôme garde du corps, Harald le Viking, les contrariétés auxquelles elle est à même de se confronter et toute l'énergie et la diplomatie qu'elle doit déployer. Après Ava préfère les fantômes et Ava préfère se battre, ce troisième volet des aventures d'Ava est plus grave, plus sombre, avec une touche plus philosophique sur les relations humaines, sans perdre toutefois une once d'humour bienfaisante. C'est l'occasion pour Maïté Bernard d'évoquer un épisode de la Seconde Guerre Mondiale dont les îles Anglo-normandes furent le sujet, et pour démontrer qu'il ne faut jamais juger sans véritablement connaître les motivations des personnes qui sont amenées à se conduire d'une façon qui peut paraître honteuse, absurde ou inhumaine. Les rumeurs, les ragots, ou la vision même d'un acte sans en connaître la profonde intention, peuvent amener à des conclusions erronées et poursuivre durant des décennies des personnes qui ont été amenées à commettre un action ou un geste délibérément mais qui est incompris alors qu'il possède une finalité intérieure. Ce roman est destiné aux enfants à partir de douze ans, mais il me semble qu'il ne sera vraiment compréhensible dans sa portée profonde qu'à partir de quatorze ou quinze ans. Et comme nous sommes dans une fiction teintée de fantastique, l'auteur peut se permettre quelques fantaisies. Je connais par exemple les lentilles d'eau, qui sont envahissantes et peuvent recouvrir l'eau d'une mare, mais je ne savais pas que les pois de senteur qui par essence sont des plantes grimpantes pouvaient produire le même effet.
PAUL MAUGENDRE |
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