Une lecture de PAUL MAUGENDREComme je l’ai souligné à plusieurs reprises, les romans pour adolescents peuvent être lus sans vergogne par les adultes et ce titre d’Abdel Hafed Benotman ne déroge pas à la règle. Garde à vie, titre jeu de mot, nous entraine dans l’univers carcéral auquel sont confrontés les mineurs pour des délits qui pourraient être considérés comme mineurs justement, par rapport à d’autres crimes avérés dont la révélation puis les procédures judiciaires trainent en longueur car dissimulés pour de sombres prétextes financiers ou politiques. Mais revenons à nos moutons comme disait le Petit Prince. Hugues, adolescent de quinze ans, a eu la mauvaise idée d’accompagner un copain qui s’est emparé d’une voiture sans l’accord de son propriétaire puis effectuer un rodéo mécanique dans les rues de la ville. Seulement comme souvent dans ce genre d’exercice impromptu et mal organisé, l’accident se produit contre un abribus. Ils roulaient vite, c’est un fait, mais à leur décharge il faut préciser que des policiers s’étaient invités dans leur petit jeu, toutes sirènes hurlantes. Le conducteur courageux prend la poudre d’escampette. Hugues aurait bien aimé le suivre mais coincé à cause de sa ceinture il est recueilli par les forces dites de la paix et placé en garde à vue. Les conséquences de cet acte irréfléchi ne se font pas attendre, malgré les pleurs et lamentations de sa mère qui suit une chimiothérapie. Hugues, après une garde à vue est emprisonné dans une cellule où réside déjà Jean, un peu plus âgé que lui mais habitué des lieux. Et dans ce studio sobrement meublé, Hugues doit se soumettre à la loi édictée par son colocataire. Des règles non écrites mais appliquées avec rigueur et vigueur. Jean se montre intraitable envers cet importun et les brimades, vexations, humiliations subies par Hugues lui démontrent que la force est plus souvent du côté des malfaisants, tandis que les matons appliquent un régime d’oppression géré par les pots de vin, les maltraitances, le mépris. La preuve qu’il est plus facile de mater les faibles que ceux qui aboient. Hugues subit ses tourments parfois en se rebellant, parfois en se remémorant son enfance, ses lectures juvéniles, Alice, Peter Pan et autres. Abdel Hafed Benotman use d’un procédé littéraire souvent utilisé et qui a fait ses preuves, je n’en dirai pas plus afin de ne pas dévoiler le ressort même de l’histoire, et les références littéraires ne sont pas avancées par hasard. Cette description des conditions d’enfermement dans des cellules, dans des prisons surpeuplées, les exactions exercées par des détenus envers des bizuts, les avilissements dont font preuve les matons ne sont pas décrites par complaisance. L’auteur a connu, subi ces traitements, il en parle en connaissance de cause. Mais il sait aussi que la rédemption existe, que le bout du tunnel n’est pas forcément une impasse, à condition que la justice, les hommes politiques humanistes puissent leur donner une chance. Actuellement la répression et la garde à vue à outrance sont le cheval de bataille de la part de ceux qui nous gouvernent mais que voulez-vous dire contre des personnes bornées, même si Bruxelles qui pour une fois oublie sa conception capitaliste et se montre sévère envers la France, a décrété que notre pays bafouait les droits de l’homme. Abdel Hafed Benotman s’adresse à un jeune lectorat. Aussi il invite ses lecteurs à participer, à entamer une conversation, à donner leur avis, à échanger leurs impressions, à s’exprimer par mail.
PAUL MAUGENDRE |
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