|
|
FRANCIS ZAMPONI |
69, Année PolitiqueAux éditions SEUILVisitez leur site |
1678Lectures depuisLe mercredi 1 Juillet 2009
|
Une lecture de |
Joseph Cladère est un ancien officier des Services de Renseignements français. En 2008, il est inculpé pour des malversations et incarcéré. Le septuagénaire va jouer les atouts dont il dispose. Quarante ans plus tôt, Cladère fut impliqué dans les secrets de l’affaire Markovic. Il fait parvenir à la juge d’instruction, un par un, ses cahiers retraçant la face cachée de ce dossier qui fit scandale à l’époque. Un Yougoslave nommé Markovic est retrouvé mort dans les Yvelines, début octobre 1968. Le jeune policier Rioullens est chargé de l’enquête, avec son collègue expérimenté Parrant. Markovic est domicilié chez le couple d’Alain Delon, dont il est censé être l’homme à tout faire. Sa situation apparaît assez trouble, car on ne lui connaît aucune activité précise. Rioullens espère que la housse à matelas enveloppant le corps lui offrira une piste, mais c’est improbable. Dans l’ombre, ce décès donne des idées aux purs gaullistes, qui détestent le prétendant à la succession du général, Georges Pompidou. L’ancien premier ministre est un intellectuel, pas un ex-Résistant, qu’ils trouvent trop conciliant avec les communistes (on est au temps de la Guerre Froide). Entouré d’une poignée de “mousquetaires”, Joseph Cladère va mettre en œuvre une manipulation visant Pompidou. Cette “Opération Mazarin” est menée en concertation avec Brulard, le patron des Renseignements Généraux. Leur Milady se nomme Monique Darbet. Vaguement attachée de presse dans les milieux artistiques, son rôle consiste à propager des rumeurs. Le journaliste Falleix, du Figaro, est un proche de Pompidou. À Falleix et à son fils, Monique Darbet laisse entendre que les soirées des couples Delon et Pompidou cachaient des partouzes. On utilise même des photos bidonnées pour le prouver. Markovic exécuté pour avoir voulu faire chanter ces hautes personnalités ? Le témoignage de Boris Ackov, un Yougoslave emprisonné, ne convainc pas les policiers Rioullens et Parrant. La piste de Marcantoni, un truand protégé par ses antécédents de Résistant, ami de Delon, serait plus crédible. Qu’importe la vérité : Cladère fait remonter tous les éléments accablants pour Pompidou, avec l’aide de Brulard. Durant le week-end de la Toussaint 1968, le Général de Gaulle est informé des faits (truqués) et se montre sévère avec Pompidou. D’abord choqués, l’ancien premier ministre et son entourage réagissent bientôt face à la calomnie. Cladère se sert aussi de l’action en justice du frère de Markovic, défendu par Roland Dumas. Pourtant, début 1969, alors que Pompidou se pose ouvertement en successeur de De Gaule, l’opération psychologique ne fonctionne plus. Et il ne suffira pas de “suicider” deux témoins pour relancer le complot… L’affaire Markovic peut se résumer à ces propos de Cladère : “Notre boulot n’est pas de faire éclater un scandale public. Il est de mettre Mazarin [Pompidou] hors-jeu. Lorsqu’il saura que tout a être découvert, il abandonnera la politique en échange de son impunité. Ceux qui nous dirigent n’en demandent pas plus” (page 176). Si tout s’est terminé par un non-lieu en 1975, ce dossier judiciaire illustre les plus sombres combinaisons dont l’état gaulliste était coutumier (les services secrets ont organisé tant de sales opérations, dont l’affaire ben Barka). En vue d’un documentaire (semble-t-il), Francis Zamponi a étudié toutes les facettes de cette manipulation qui, on le sait, n’a pas atteint son objectif. Cette reconstitution des faits est présentée sous la forme d’un roman-vérité. Ce n’est pas exactement de la fiction, mais une excellente leçon d’histoire. |
Autres titres de |