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JEROME ZOLMA |
Les Poubelles De BabyloneAux éditions OSLO |
1198Lectures depuisLe mardi 12 Aout 2014
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Une lecture de |
Ivan est un jeune flic diplômé. C'est en Seine-Saint-Denis qu'il débute dans le métier. Ses collègues sont “des types volontaires pour vadrouiller dans le 9-3 et pour affronter des situations bien scabreuses.” C'est le cas de son coéquipier Franck, pas vraiment adepte de la finesse. “Le boss les avait associés au nom de la complémentarité. Un fonceur et un cérébral. Souvent efficace mais toujours pénible.” S'il est vrai que le 9-3 est synonyme de racaille et de délinquance, grâce à l'interpellation d'un proxénète, Ivan a déniché une affaire bien différente. Un dossier ayant entraîné de longues semaines d'enquête, de la surveillance et des filatures, avec l'aval du son supérieur, le capitaine Martel. Pas le genre qui intéresse Franck, mais il est bien obligé d'y participer. Dans leur ligne de mire, la société REDI, acronyme de Recyclage de Déchets Industriels. Leur activité semblait saine : “Une usine du coin collectait des merdes de toutes origines et les dispatchaient officiellement vers des lieux de traitement certifié. Sauf que, au lieu d'envoyer les scories dans des décharges contrôlée, l'exploitant se débarrassait des saletés n'importe où, sans se soucier de leur dangerosité.” Ce qui expliquait un service moins coûteux, donc très rentable. “Du liquide en provenance de la pétrochimie, du solide en provenance de nombreux secteurs” que les camionneurs partaient vider dans la nature, dans des décharges sauvages, pensa d'abord Ivan. Mais les filatures montrèrent qu'il s'agissait d'un réseau plus complexe. Les déchets étaient expédiés en Afrique. Cette fois, c'est le flagrant délit qu'ils visent. Le coup de filet, qui ne touchera pas que les exécutants, mais aussi les hauts responsables. Ils vont suivre un camion suspect jusqu'à Marseille, Ivan et Franck dans une voiture, leurs collègues Paul et Serge dans une autre. Avec la puce électronique GPS planquée sous le poids-lourd, c'est moins compliqué de ne pas se rapprocher trop près. Il suffit de ne pas le perdre quand il fait des pauses-repas, lorsqu'il prend à bord un auto-stoppeur, quand il va aux putes. Les précédant à Marseille, Paul et Serge pensent avoir repéré le lieu d'embarquement des conteneurs à déchets. En arrivant dans le Sud, le bahut accélère, paraissant vouloir respecter les délais. La suite ne se passera pas comme l'ont prévu Ivan, Franck et leur supérieur… C'est une novella, une longue nouvelle d'une cinquantaine de pages. Une fiction militante, destinée à attirer l'attention sur un sérieux sujet. À la suite de ce texte, un entretien avec Jérôme Zolma en explique l'origine. L'Europe, le mode de vie des Occidentaux, produisent une quantité astronomique de déchets que nous sommes loin de retraiter en intégralité. S'il existe des traités internationaux interdisant les trafics de ces produits dangereux pour la santé, ça n'empêche nullement des cargos-poubelles de les déverser à travers le monde dans des pays pauvres. Beaucoup d'entre nous raisonnent comme le flic Franck, pensant que ça crée une activité économique dans ces pays. C'est ignorer que la toxicité de ces déchets cause la mort de nombreuses personnes, dont des enfants. Ces pratiques sont connues, en témoignent les articles relevés par Jérôme Zolma sur la question. Un récit fictif assez percutant, et quelque peu didactique, illustre souvent les faits avec davantage de réalisme qu'un document, fut-il précis. Peu de moyens sont mis en œuvre, finalement, pour traquer ces trafics-là, moins spectaculaires aux yeux de la population que lorsqu'il s'agit de drogue. Pourtant, ces “passeurs de déchets” sont-ils plus passifs, moins violents que ceux qui trafiquent les stupéfiants ? On connaît le talent d'auteur de Zolma, il le met ici au service d'un thème qui devrait nous mobiliser.
Collection Osaka, Les romans de la colère. Parution le 19 juin 2014. 74 pages. 9,00€. Tu seras la poubelle... Pour aller danser... Affecté depuis six mois à la brigade du 9-3, c'est à dire en langage non codé en Seine-Saint-Denis, Yvan ne pensait que la simple arrestation d'un proxénète allait l'emmener jusqu'à Marseille et mettre les pieds dans la merde. Arrêté alors qu'il relevait les compteurs, le maquereau avait passé un marché avec Yvan. Il lui refilait une affaire qui ne sentait vraiment pas bon, et en échange le policier fermait les yeux sur l'origine de ses revenus. Après mûre réflexion Yvan avait accepté. Une usine du coin chargée de collecter les résidus se débarrasse de ses produits dangereux et toxiques en les convoyant par camions vers des décharges illégales au lieu de les répartir vers les sites officiels de traitement. Et cela rapporte beaucoup à l'usine de récupération ainsi qu'aux industriels qui se débarrassent de leurs cochonneries à moindre coût. L'homme sait de quoi il parle ayant travaillé deux mois dans le site incriminé, seulement il ne sait pas où sont envoyés les détritus encombrants et dangereux. Une affaire autrement plus coriace que de s'attaquer à de petits marlous et qui peut signifier un avancement appréciable. Yvan en informe son supérieur mais les preuves faisant défaut il faut établir un système de surveillance. Au bout de plusieurs semaines, enfin le grand voyage va commencer. Deux équipes sont sur le pont, ou plutôt sur les routes. Yvan et Franck forment la première paire tandis que deux autres collègues sont chargés de les remplacer et de superviser. Commence un long périple de la banlieue jusque dans le sud, peut-être Marseille, à se relayer, la première voiture roulant à quelques centaines de mètres du camion, l'autre se déplaçant allègrement devant le petit convoi ainsi formé. Ils communiquent via un portable, sauf lorsque celui-ci est éteint pour une raison indéterminée, et sont aidés grâce à un GPS mouchard. Puis le dispositif de surveillance est inversé. Mais tout ne se déroule pas tout le temps comme prévu. Il faut compter sur les aléas, les arrêts, les coups de gueule des uns et des autres, et surtout ne pas se faire repérer lors des haltes imputables aux nécessités de la nature. Remplissage d'estomac et vidage de vessie.
Cette pérégrination n'est pas sans danger, mais le convoyage de déchets toxiques ne l'est guère moins. On pourra rapprocher ce thème à des affaires récentes qui empoisonnent l'existence de bons nombre de citoyens à cause des décharges sauvages ou celles qui sont crées avec l'aval des pouvoirs publics afin de complaire à des industriels qui pensent en priorité au confort de leur bourse. Les habitants de l'Orne peuvent en témoigner avec l'histoire de Nonant-le-Pin, et je vous invite à lire à ce propos le roman de J.M. Brice, Infiltration, paru aux éditions Territoires Témoins. Comme pour tous les titres de cette collection l'éditeur s'entretient avec l'auteur. L'origine de ce roman, qui s'inscrit dans un épisode réel, les exportations, les raisons des trafics et autres éclairages, le tout avec un grand nombre de références que le lecteur pourra consulter avec profit, pédagogique et intellectuel, via les nombreux sites proposés. Dans la même collection des Romans de la colère on pourra également diriger le curseur de sa souris vers les liens suivants : Zina et Lechien de Marc Villard; L'honneur perdu du commandant K de Roger Martin. |
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