|
|
TIM WILLOCKS |
La Cavale De Billy MicklehurstAux éditions ALLIAVisitez leur site |
1270Lectures depuisLe jeudi 11 Mai 2012
|
Une lecture de |
La réputation de Tim Willocks se confirme en France depuis quelques années. Il s’est fait connaître avec des livres tels Bad City Blues et Les Rois écarlates, en poche chez Points. Son roman Green River Rising (1995) a d’abord été traduit en français sous le titre L'odeur de la haine (Pocket, 1998), puis Green River (Sonatine, 2010). Ses romans Swept from the Sea(1997) et Amy Foster(1998) ne sont pas encore traduits en français. Par contre, le premier volet de sa trilogie Mattias Tannhauser, La Religion, connaît actuellement un réel succès. Il sera suivi de Twelve Children of Paris, pas encore traduit. En littérature jeunesse, son roman Doglandsvient d’être publié en 2012 aux éditions Syros. Ainsi qu’un petit livre en version bilingue La cavale de Billy Micklehurst, aux éditions Allia. Il avait dix-sept ans quand le Rouquin (Tim Willocks) rencontre dans sa ville de Manchester un clochard nommé Billy Micklehurst. Impossible de donner un âge, entre quarante et soixante ans, à cet homme qui a beaucoup bourlingué sur les routes et abusé de tant d’alcool. Son physique marqué lui donne l’air d’une épave indestructible. “Malgré ces handicaps, c’était à sa manière un type tout à fait coquet: ses cheveux étaient encore noirs comme du pétrole, et toujours bien ramenés en arrière en un écheveau luisant de gras, révélant son large front moucheté de cicatrices.” Billy reste correctement vêtu, mais semble lunatique. Il est vrai qu’il passe une grande partie de son temps dans l’immense Cimetière du Sud. Parce qu’il y a trouvé un coin confortable pour dormir, et parce que tous les fantômes logeant ici comptent sur lui pour les libérer. “Et la source des tourments de Billy était celle-ci: il ne savait pas comment cela pourrait jamais se faire.” En compagnie de Billy, le Rouquin découvre un aspect bien plus lumineux de la grise Manchester. Pourtant, s’il parait juste un peu excentrique, Billy est un être qui souffre profondément. Ce que son jeune ami ne peut encore comprendre : “Je ne savais pas que l’esprit de Billy était l’équivalent neurologique du paysage dévasté qu’il habitait. Les rues de sa mémoire et ses hallucinations étaient, de façon erratique, éviscérées et en ruines, bombardées et calcinées, plongées dans l’obscurité, emplies de gravats et infestées de rats affamés.” Billy est pourchassé par les démons de sa maladie incurable… À la suite de ce texte, magnifique portrait, Tim Willocks répond dans un entretien aux questions de Natalie Beunat. Belle manière de faire plus largement connaissance avec l’auteur de cette semi-fiction. Car l’histoire de Billy s’inspire d’un personnage qu’il a réellement connu. “…pour la plupart [des sans-abris] ce n’est pas un choix. Mais, bercé par mon idéalisme juvénile, je voyais Billy comme un véritable existentialiste. Chaque jour, il bâtissait à nouveau sa vie, la faisant littéralement surgir de terre. Et s’il était fou, il avait aussi ses moments de joie et de transcendance, peut-être même d’extase, tout ce à quoi chacun de nous aspire.” Billy lui donna probablement la vocation pour exercer comme docteur en psychiatrie. Dans un monde rationnel, qui n’a pas accès à la “poésie” de ce genre de malades, au moins peut-on analyser leur état de souffrance. Tim Willocks associe avec justesse folie et inventivité, car il faut être un fou pour faire preuve de créativité. Sans folie, il n’y aurait sans doute pas eu de civilisation, estime-t-il. Sans oublier, aussi, qu’il s’agit là de patients qui souffrent gravement… Un petit livre en version français-anglais, peu onéreux mais finalement plutôt riche. |