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ERIC MILES WILLIAMSON

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Le mercredi 10 Aout 2011

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Eric miles WILLIAMSON




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Pourquoi T-Bird Murphy végète-t-il dans un garage individuel de Warrensburg, Missouri, planqué au milieu de nulle part ? Ça ne vous regarde pas, OK ? C’est pas ça, le sujet ! À travers cette histoire, il vient vous raconter son existence et celle du petit peuple d’Oakland, compris ? D’origine irlandaise, né entre les Noirs et les Mexicains des pires quartiers de la ville, il revendique cette promiscuité. Jouer de la trompette avec un orchestre mexicain lors d’un quinceanera, voilà un aspect qu’il aimait à Oakland. Et la solidarité entre pauvres quand, alors gamin, il se fit arnaquer par cet enculé de FatDaddy Slattern, ça c’était quelque chose.

Les privilégiés de l’Amérique idéale, T-Bird leur crie sa rage. Sa détestation de leur conformisme, de leur décor trop propre, de la certitude de leur puissance. Ça le met en colère de savoir qu’ils liront ce livre. Ces lecteurs érudits vont-ils percevoir ce qu’est la dureté de la vraie vie d’en bas ? Où les salaires minables ne satisfont les besoins qu’au jour le jour. Peuvent-ils comprendre pourquoi on a le droit à la vulgarité, quand on trime dans les plus sales boulots et, qu’après, on se réunit pour se saouler dans le bar de Dick ? Tout est si parfait dans les Etats-Unis de l’élite. Sauf qu’aucune vie de couple n’est plus possible, estime T-Bird. Il a bien tenté d’accéder à la supposée normalité, métier stable, gentille petite famille, maison proprette, et tout ça. Mais autour de lui, rien que des épouses n’ayant d’autre but que de gruger les maris.

L’exemple le plus éloquent, ce fut Blaise et Ashley. En le quittant, Ashley a ruiné tout espoir chez leur pote Blaise. T-Bird et ses amis de chez Dick ont fait appel à Jorgensen, afin de savoir ce qui déconnait pour Blaise. Une mission menée avec la rigueur militaire indispensable, mais Jorgensen a quand même échoué. Car tout allait de travers pour Blaise depuis le meurtre des sœurs Chavez. Et dans ces cas-là, c’est le FBI qui intervient. Malgré tout, Blase a légué à ses potes son seul trésor, sa création musicale. Pop, le père de T-Bird, et les gars de chez Dick en font une œuvre qui restera dans les mémoires.

T-Bird ne garde que bons souvenirs des Hell’s Angels. Faut dire que sa pute de mère était diablement accueillante avec ces motards. Donc, lui, il était un peu leur fils, à tous. Les Mexicains aussi, ils ont toujours été amicaux avec T-Bird. Il respecte avant tout leur tradition musicale : “Leur musique, c’est pas un truc qu’ils ressortent une fois par an des archives ou d’un musée, non, elle est vivante, là, à notre époque, et elle fait absolument partie de leur vie.” Il évoque encore le vieux Duke Hammerback, septuagénaire comme Myrtle. Si elle s’est réfugiée dans les croyances religieuses, l’ironique Duke a une conception plus personnelle d’une heureuse fin de vie.

T-Bird a également été conducteur de camion-poubelle, un job très chic. C’est encombrant comme engin, mais ça peut servir de domicile. Et puis, ce fut le mariage de son père, Pop. Cérémonie grandiose, à la manière de la population pauvre d’Oakland, bien sûr. C’est, pour T-Bird, l’occasion de revoir sa mère, sans aucun plaisir. Elle se justifie, si elle ne fut pas une véritable mère, c’est à cause de ses troubles de la personnalité : “Mes mauvaises personnalités, c’est elles qui font tous ces trucs malsains, pas ma personnalité profonde. En tout, j’ai quatre-vingt-quinze personnalités.” Au mariage de Pop, T-Bird rêvait encore de former un couple tranquille avec Rhonda. Improbable, et même impossible…

Il n’y aurait pas de commentaire à faire sur ce livre. L’auteur assume une narration anarchique et brutale. “Une littérature qui dévoile la vie de ceux qui se font écrabouiller et détruire, ceux qui sont vraiment désespérés et, par conséquent, vraiment vivants, en harmonie avec le monde, les nerfs à vif et à deux doigts de péter un câble, comme ces transformateurs électriques sur lesquels on pisse dans la nuit noire d’Oakland. Que la perfexion aille se faire mettre.” Quand on a une sale vie, on la raconte salement. En exprimant le chaos de l’existence; en hurlant même cet éternel sentiment de haine envers l’univers ordinaire. Contre l’aveuglement de l’esthétisme, entre autres : “Mais nous, parce qu’on est nous, on voit des trucs magnifiques qu’ils ne voient pas. La beauté d’une haie bien taillée ou d’une rampe d’accès au béton bien coulée, la beauté d’un petit ange mexicain en cloque à treize ans, obèse et triste, la beauté d’un immeuble correctement démoli. Nous qui vivons dans la laideur, on connaît la beauté - et elle n’a rien à voir avec celle qu’on trouve dans les magazines branchés…” Roman noir ou pas, aucune importance. Loin d’une thèse barbante sur ‘Le bonheur dans la marginalité’, c’est une histoire de pauvreté inévitable, de violence des comportements, un regard pertinent sur les Etats-Unis de notre temps. Et, quoi qu’en dise l’auteur, c’est foutrement bien écrit !

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