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BENJAMIN WHITMER |
ÉvasionAux éditions GALLMEISTERVisitez leur site |
1083Lectures depuisLe dimanche 16 Septembre 2018
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Une lecture de |
Old Lonesome est une petite ville du Colorado, devant son nom à un vieil ours solitaire ayant marqué l’origine de la bourgade. Sa prison, créée dans les années 1875, est ici une des activités principales. Près de cent ans plus tard, à la fin des années 1960, elle est dirigée d’une main de fer par Cyprus Jugg, secondé par Bellingham et des gardiens féroces. Ce qui n’empêche pas les tentatives d’évasion, comme celle qui vient de se produire en plein cœur de cet hiver : douze détenus se sont échappés. Si quelques-uns d’entre eux sont vite repris, plusieurs vont leur donner du fil à retordre. Mopar Horn, Mitch Howard (un Noir), Wesley Warrington et Terry Dixon (dit Bad News) sont partis ensemble, de leur côté. Ils ont trouvé refuge chez Pearl Green, qui tient une maison close non loin de la prison, la prenant en otage avec des gardiens. Fuir vers où, ensuite ? Warrington, est juste un "suiveur", et il ne faut pas compter sur ce chtarbé de Bad News pour prendre les bonnes décisions. Howard essaie de trouver la meilleure solution. Si Mopar traîne une réputation de truand dur, ce sont surtout les circonstances qui l’ont conduit au banditisme. Il connaît parfaitement cette région, dont il est originaire. Mais, à l’heure où le blizzard et la neige envahissent la contrée, ça reste un faible atout. Après Pearl, le quatuor braque ensuite un couple de fermiers. Jim Cavey est gardien de prison. Solitaire, il aime avant tout marcher dans les environs de Old Lonesome. Ce qui fait de lui un traqueur d’évadés hors pair. Mais Jim n’a pas vraiment une vocation de maton : il n’éprouve guère de respect envers le directeur Jugg, ni pour les autres gardiens de la prison. Contrairement à eux, Jim n’est pas de ceux qui persécutent les détenus ni qui leur tirent dans le dos. Le sous-chef Bellingham peut bien lui mettre la pression, lui faire des promesses, Jim s’en fiche. Il suit, avec léger retard, le parcours de Mopar et de ses complices de cavale. Veuve encore jeune d’Ethan, un citadin de l’Ohio s’étant cru capable de s’installer dans la région pour y tenir une ferme, Dayton Horn est la cousine de Mopar. Les ratages de leurs vies ont été assez comparables, ce qui rapproche Dayton et le malfaiteur. Quand elle apprend son évasion, Dayton part à la recherche de son cousin – visitant la caravane miteuse de Mopar, passant chez l’ex de celui-ci, Molly. Si elle ne le trouve nulle part, le chemin de Dayton va croiser Sparrow, un délinquant ami de Mopar. Ce n’est pas ce dernier qui prendra le dessus, car Dayton est une vraie hors-la-loi. L’affaire attire à Old Lonesome un duo (mal assorti) de journalistes du Rocky Mountain News. Stanley Hartford est un reporter aussi chevronné que blasé. Garrett Milligan est un jeune père de famille plutôt fauché. Le premier est un vétéran de la Guerre de Corée, le second a récemment combattu au Vietnam. Après avoir rencontré le directeur Jugg, le duo se joint aux gardiens chassant les évadés. Avec des chiens, tous espèrent découvrir où se cachent Mopar et ses compagnons. Les cruels matons sont dopés par des médicaments excitants, auxquels Garrett Milligan prend goût aussi. Il est à craindre que cette évasion cause beaucoup de victimes… (Extrait) “Le vrai danger de l’épuisement, c’est que tu finis par juste laisser tomber. Tu t’assois et t’attends qu’on te reprenne, c’est tout. C’est arrivé à plus d’un évadé. T’arrives tellement au bout du rouleau que c’est plus simple de juste te laisser faire abattre ou capturer. Mopar se dit que la plupart de ceux qui se font reprendre, se font reprendre exactement comme ça (…) L’autre danger est d’être trop épuisé pour faire les petites choses qui te maintiennent en vie. Tu t’allumes une cigarette sans la cacher dans le creux de ta main, ou tu poses ton fusil quelque part et tu t’en vas en l’oubliant. Ou tu mets les pieds dans un ruisseau glacé et tu te les trempes et tu te retrouves à devoir t’abriter dans un taudis en compagnie d’une bande de dégénérés.” Territoire montagneux, le Colorado c’est l’Amérique profonde. Celle qui s’est forgée une image rugueuse, où – en dehors des métropoles, telle Denver – on n’hésite pas à user de la violence. Sous couvert de respect de la Loi, la population fait preuve d’un cynisme certain. C’était d’autant plus vrai à l’époque dont il est ici question. Benjamin Whitmer a choisi d’utiliser cette rude ambiance pour dresser un portait des États-Unis, d’une partie de ses habitants. Et c’est magnifiquement réussi. L’habile structure du récit se compose de quatre lignes directrices, que l’on suit alternativement. La hors-la-loi Dayton Horn, son cousin évadé Mopar, le traqueur Jim Cavey, le duo de journalistes, sont les protagonistes de cette aventure. Grâce à des réminiscences de leur passé, nous en apprenons davantage sur eux. Ce ne sont pas des héros flamboyants, mais leurs parcours attirent souvent la sympathie. Dayton, Mopar, Jim et Stanley sont également des témoins du comportement des autres. Né en 1972, Benjamin Whitmer s’est fait connaître par deux titres, “Pike” et “Cry father”, s’imposant logiquement dans l’univers du roman noir. On ne peut que confirmer ce que l’excellent Pierre Lemaitre exprime dans la préface de “Évasion”. Oui, Whitmer s’inscrit dans l’authentique tradition du genre, avec sa propre tonalité. Sa prouesse, c’est sans doute de rendre parfaitement crédible chaque personnage, chaque fait, sans véritable misérabilisme ni jugement sur eux. Le contexte violent est inhérent à cette tentative de cavale, sans qu’on ait le sentiment qu’il en rajouterait. Un brillant roman noir. |
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