artahe, le dieu-ours de Philippe WARD


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PHILIPPE WARD

Artahe, Le Dieu-ours


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Philippe WARD




Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

Collection Polar Cairn. Parution le 27 février 2018. 284 pages. 17,00€.

Première édition : Editions Cylibris. Parution en 1997.

Autre édition Collection Noire N°52. Editions Rivière Blanche. Parution juin 2013

Vous en connaissez sûrement des ours dans votre entourage, mais ce ne sont pas des dieux…

Après avoir passé dix ans à Paris, Arnaud Costes profite d’un licenciement économique, économique pour la boîte mais pas forcément pour lui, pour revenir au pays. A Raynat, tout petit village des Pyrénées qui s’enfonce progressivement dans la léthargie d’une ruralité moribonde.

Il est né dans ce petit village, il y a vécu, élevé par ses grands-parents et par Berthe. Aujourd’hui seule Berthe, la vieille dame, est encore vivante, clouée dans un fauteuil roulant. Il retrouve également avec plaisir Cathy, une jeune femme qui avait été son amoureuse durant quelque temps. Mais les années ont passé, Cathy s’était mariée mais elle a perdu son mari et la vue dans un accident.

Un soir, alors qu’il réfléchit tout en griffonnant sur un bout de papier, il se rend compte qu’il vient de crayonner un ours. Il jette le papier au feu et quasiment aussitôt après il ressent une secousse. Un tremblement de terre qui a secoué le village, fissurant une partie de l’église. Dans l’édifice, un trou s’offre à sa vue et il aperçoit un plantigrade, mort, dont les os sont reliés.

Des ouvriers viennent dégager les ruines et essayer de réparer les dégâts mais une cloche s’effondre sur l’un des hommes. Une autre cloche est prête à tomber sur Arnaud mais un souffle lui fait dévier sa trajectoire et c’est un autre ouvrier qui s’en retrouve coiffé, pour son plus grand dommage.

Artahe. Artahe est revenu semble être le leitmotiv des habitants du village, pour le plus grand plaisir de certains, dont Berthe, mais également le déplaisir d’autres, dont les frères Cheyron. Chez Berthe justement il découvre une photo de Louis, son mari, en compagnie de deux ours. Normal, puisque, issu des gens du voyage, il était montreur d’ours et c’était installé dans le village après son mariage avec Berthe. Mais il n’avait guère été accepté par la petite communauté.

Les frères Cheyron ont a déploré la perte de brebis, égorgées par un ours. La chasse est lancée, malgré les injonctions du maire, et de quelques autres personnes, dont les attaches avec les plantigrades sont diverses mais réelles. Un préhistorien venu examiner les restes découverts dans le trou situé dans l’église, un thériologue suisse attiré par la présence supposée d’un ou des ours. Car cela fait bien longtemps que les plantigrades ont déserté cette région des Pyrénées. Et que les ours de cavernes relèvent de la préhistoire. Pourtant, Arnaud ressent comme une présence physique, en lui et près de lui.

Un homme est retrouvé, déchiqueté, et l’œuvre néfaste de l’ours est avérée. Artahe est dans toutes les conversations, et Arnaud se demande s’il n’est pas la proie d’une emprise exercée par Berthe qui défend ardemment l’ursidé. Le thériologue, le maire, la vieille Amélie, Cathy et quelques autres sont attirés eux aussi par le plantigrade, mais ne ressentent pas cet attrait malsain délivré par Berthe.

D’ailleurs le thériologue encouragé par le maire, éventuellement Cathy et Arnaud qui se sont trouvés des points communs sous la couette, pensent à implanter un parc régional dédié à l’Ours, d’autant qu’Arnaud a découvert des grottes dont les parois représentent des peintures rupestres sur lesquelles figurent des ours, uniquement des ours.

Dans ce roman qui est une ode à l’Ours, nous sommes loin de la représentation débonnaire de l’imagerie populaire des ours tels que peuvent nous les montrer les aventures de Petit Ours Brun, Winnie l’Ourson, Baloo l’ours qui accompagne Mowgli dans Le Livre de la Jungle de Rudyard Kipling, et quelques autres histoires destinées aux enfants.

Philippe Ward nous entraîne dans une histoire dont les protagonistes sont pour ou contre la présence des ours, chacun avec leurs motivations qui sont étayées. Mais le lecteur ne peut s’empêcher de ressentir une attirance envers le plantigrade malgré les méfaits occasionnés. Et pendant ce temps la neige tombe offrant une virginité sépulcrale.

Un peu comme les Raynatols qui vouent à Artahe, le Dieu-Ours, une dévotion qui confine à l’adoration. Et c’est bien ce fil rouge qui dirige les pas d’Arnaud, de Cathy et des autres. Et comme avec toutes les religions, il faut pour honorer ce dieu des sacrifices et des victimes expiatoires.

Avec en incrustation, des épisodes précédents montrant Artahé à travers les âges. Et afin de bien marquer qu’il s’agit d’une fiction, on découvre lors de ce qui pourrait être des nouvelles, le personnage de Jules de Grandin, un détective chasseur de fantômes et spécialiste du surnaturel créé par Seabury Quinn.

L’implantation d’un parc régional fait réagir et les arguments ne manquent pas, pour prôner ce nouvel espace dédié au tourisme, ou au contraire, démontrer que cette initiative serait contraire à une écologie raisonnée.

Partout on ne parle que de tourisme vert pour sauver nos campagnes. Certains disent que c’est l’avenir. Une nature domptée, calme, bien propre, de beaux chemins pour le VTT, de beaux ruisseaux bien sages pour le rafting et pas de cloches ou de coqs pour déranger le touriste quand il dort le matin. Voilà le grand projet qui va bousculer Raynat. Notre village va devenir le lieu touristique où l’ours sera la star. Mais des ours tranquilles à l’intérieur d’enclos. Moi je suis pour l’ours, mais libre et sauvage.

Je me moque de la politique, poursuivit le fermier. L’écologie, c’est ici qu’elle commence, pas dans le discours de nos représentants.

Ce roman, dont la première édition remonte à 1997, est toujours d’actualité. Peut-être encore plus de nos jours où l’écologie est devenue une entreprise génératrice de bénéfices, aux dépens des campagnes. Mais c’est aussi une légère diatribe envers les instances européennes.

Ne nous parlez pas des technocrates européens, le coupa une nouvelle fois André qui était resté debout, ne voulant pas laisser la parole au thériologue. Ils nous dictent un tas de lois depuis leurs bureaux, sans rien connaître de notre vie et ne cherchent pas à appréhender notre situation. Vous n’avez pas encore compris que la nature est sauvage, qu’elle ne connaît qu’une loi : celle de la survie.

L’auteur ne prend pas partie, il laisse chacun des protagonistes exprimer ses convictions, exposer ses certitudes, défendre ses vérités, selon les sentiments, les intérêts particuliers ou communautaires.

Dans une ambiance fantastique, ce roman est peut-être celui de Philippe Ward que je préfère avec Manhattan Marylin, signé Philippe Laguerre, et 16 rue du repos. Une histoire sensible dont le suspense va crescendo, quelques cadavres ponctuant le récit. Mais c’est aussi la découverte d’une région qui demande à être préservée, aux images sublimes, aux habitants qui ont les pieds sur terre, et qui se méfient, avec juste raison, de certains citadins qui aimeraient implanter leur vision sans justement connaître les mœurs et coutumes. De ceux qui voudraient randonner mais avec un tapis rouge sous les pieds, de peur d’érafler leurs chaussures de prix.

Pourtant que la montagne est belle chantait Jean Ferrat en parlant de l’Ardèche. Le décor de ce roman se situe en Ariège, mais ces paroles lui conviennent tout aussi bien.

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