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GILLES VINCENT |
ParjuresAux éditions JIGALVisitez leur site |
3660Lectures depuisLe vendredi 2 Juin 2012
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Une lecture de |
Dans le polar, comme ailleurs, rares sont les plumes narratives capables de se métamorphoser en grands cuisiniers dignes des meilleurs guides internationaux. Gilles Vincent est de cet acabit, de celui des grands conteurs, de celui qui, partant de brins épars d’histoires, vous lie l’ensemble et vous livre un polar au goût raffiné, un polar qui vous colle aux mains sans jamais vous lasser l’esprit. Mais résumons, dans le désordre, les ingrédients que ce sacré bonhomme incorpore dans son « Parjures » divin · Une bande de fachos qui rétabli la peine de mort en tranchant la tête à quelques tueurs ayant accompli leur peine et fraichement libérée… « Parjures » ?
Un dicton affirme : jamais deux sans trois et je viens de le vérifier. Partant d’un même postulat de base, la libération prématurée d’un protagoniste ayant bénéficié d’une réduction de peine alors qu’il avait été condamné pour meurtre ou viol, trois romanciers démontrent qu’un sujet analogue peut-être traité différemment. Après Le fossé d’Hervé Jaouen et Petits meurtres chez ces gens-là de Dulle Griet, voici donc une troisième intrigue ayant un détenu libéré parmi les personnages principaux. Sortie aux aurores de ses rêves récurrents par un appel téléphonique, la commissaire de police Aïcha Sadia en remercierait presque son correspondant, l’un des hommes de son équipe le lieutenant Camorra. Lorsqu’elle arrive sur place, elle pourrait imaginer qu’elle se trouve sur un tournage de film, sauf que la scène du crime est bien réelle. Un corps dont la tête a été tranchée, le corps reposant sur un billot, posés près du cadavre un petit verre d’alcool et un mégot. Nul doute qu’il s’agit là d’une reconstitution à l’ancienne d’une exécution capitale. D’ailleurs, les papiers d’identité de l’individu sont retrouvés dans son pardessus déposé non loin, l’homme dont la tête a été décollée est un ancien prisonnier libéré depuis peu de temps. Un mois auparavant un autre ancien condamné a subi le même triste sort. Ce que ne savent pas les enquêteurs, le lecteur est privilégié, c’est que deux jours avant la macabre découverte, une réunion s’était tenue dans l’appartement marseillais du bâtonnier Mallard. Assistaient à cette séance un ancien juge d’instruction, un avocat général, un procureur à la retraite et un commissaire de police. Ils ont décidé de se substituer à la justice puisque la peine de mort a été abolie. Abdel Charif, condamné pour meurtre puis gracié, sort de prison et, comme les deux précédentes victimes, fait l’objet d’une tentative d’enlèvement. Mais il possède de la ressource et les hommes chargés de le retirer de la circulation sont peut-être trop confiants en eux. Il réussit à filer à l’anglaise, non sans laisser quelques marques physiques à l’encontre de ses ravisseurs malheureux. Mais lui est bien content et il va même jusqu’à demander à rencontrer la commissaire Sadia afin de lui narrer ses mésaventures. Malgré sa répulsion, Aïcha Sadia accepte. Elle est persuadée qu’Abdel Charif est coupable malgré ses dénégations. Une vieille dame avait été, cela remonte à cinq ans, retrouvée pendue dans sa cave, les doigts coupés, puis dépiautée comme un lapin. Le meurtrier désirant sans conteste s’approprier le contenu de son coffre-fort. Abdel était employé comme jardinier saisonnier et les voisins sont persuadés l’avoir reconnu en l’homme qui s’éloignait de la demeure de la vieille dame. Seulement ils sont revenus sur leurs déclarations et d’autres éléments ont permis à l’avocat de faire libérer Abdel. L’homme propose à la commissaire de révéler quelques éléments d’information concernant son compagnon Sébastien, mystérieusement disparu six mois auparavant. Sébastien dont elle se languit, et dont le corps n’a jamais été retrouvé. Seuls ses vêtements ont été récupérés sur la plage. Donc Abdel propose un marché avec Aïcha Sadia. D’abord elle lui fait enlever les menottes que ses agresseurs lui ont mises autour des poignets, et puis obtenir ensuite sa réhabilitation et il lui donnera des indications afin de retrouver Sébastien. A contrecœur elle accepte et première surprise, les menottes appartiennent à un policier de son équipe. Et lorsque les apprentis vengeurs, les adeptes nostalgiques de la peine de mort sont identifiés, l’action est relancée. Parjures est un roman à l’intrigue machiavélique, qui pose de nombreuses questions. D’abord celle de la fiabilité des déclarations des témoins. Souvent à prendre avec des pincettes, à vérifier inlassablement. Sur la peine de mort également qui possède toujours des inconditionnels, qui déclarent que cela résoudra bien des problèmes et qui oublient qu’en place de Grèves, lors des exécutions publiques, les voleurs de bourses s’en donnaient à cœur joie en détroussant les badauds tout en sachant que s’ils étaient pris sur le fait ils encourraient des peines qui allaient des mains tranchées jusqu’à l’écartèlement et plus si affinité. Gilles Vincent imagine une intrigue triple tirée au cordeau, finement ciselée, et jusque dans les dernières pages le suspense est ménagé. Lorsque le lecteur pense, légitimement, que l’histoire est terminée et que tout le reste ne sera que parlottes, eh bien non, des nouveaux faits surgissent, des retournements de situation remettent tout en cause, des péripéties nouvelles se déclenchent pour son plus grand plaisir. Parfois il faut savoir se mettre à la place de Saint Thomas qui parait-il ne croyait que ce qu’il voyait. Et même dans ce cas, il faut se demander si on ne regarde pas dans une glace déformante. Le lecteur est berné par une histoire qui ne laisse rien au hasard, aux personnages ambigus, aux dialogues et aux descriptions maîtrisés. Une nouvelle recrue de bon aloi et de qualité chez Jigal qui ne se repose pas sur ces lauriers. A signaler que ce roman qui fait partie de la sélection du Prix Michel Lebrun 2012. |
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