C’est un détective privé qui se fait appeler Ben Yassouh, un nom qui a plutôt l’air d’un pseudonyme. Il ne renie pas ses opinions tendance anar. Il circule et habite dans son van, pratique le surf quand s’en présente l’occasion. Plus tout jeune, mais encore vaillant et sportif. Sa clientèle, ce seraient les cocus friqués, tel ce producteur de grands crus. Pourtant, s’il revient sur l’île d’Oléron qu’il a connu naguère, c’est parce que son amie Maria le lui a demandé. Elle y habite avec sa grand-mère Dolorès qui a connu les luttes anti-franquistes et a dû fuir l’Espagne. Maria est veuve d’Abel, l’un des meilleurs amis du détective. Cet ostréiculteur était respectueux de la tradition huîtrière. On la retrouvé pendu dans la cabane de son chantier ostréicole. Pas pressée d’ouvrir une enquête, la gendarmerie a vite conclu au suicide. Mort suspecte pourtant, car c’est le deuxième à se pendre ainsi. Sans compter le type calciné dans un blockhaus du bord de mer. Le détective contacte l’ancien gendarme Ombredane, qu’il sait trouver aisément dans son bistrot habituel. Ce dernier admet que, même sur cette île paisible, circule un peu de drogue, y compris de production locale. Il est aussi possible que la mort d’ostréiculteurs soient liées aux nouvelles huîtres. Celles des quatre saisons ne sont guère traditionnelles. Les petits producteurs ostréicoles font, tel Abel, de la résistance contre ces huîtres qualifiées de transgéniques. Alors que le détective pressent un danger, il est bientôt agressé autour de son van par deux voyous. C’est surtout sur le centre biologique fournissant les souches des nouvelles huîtres qu’il s’interroge. Il est impossible d’en approcher. Il va donc devoir trouver une astuce pour en savoir davantage. Grâce à Ted, un anar d’Oléron amateur des meilleurs fûts de vin, le détective se fait aider par Konan le hacker. Ce petit prodige en informatique saura infiltrer le réseau du centre biologique. Triploïdes, un mot qui ne sonne pas très naturel pour des huîtres. Le détective retrouve aussi le flic Pado, qui n’est sûrement pas ici juste pour faire du tourisme. Même amical, un policier reste un enquêteur dont il convient de se méfier. Ombredane les avertit qu’il vient de découvrir un cadavre, dont la profession va s’avérer sans rapport avec le monde ostréicole. Quand il s’agit de cogiter sur des meurtres, le détective peut compter sur un groupe d’amis fidèles qui ont fait leurs preuves… Ce roman court n’est pas seulement un hymne à la belle île d’Oléron et au bien vivre en version anar. Néanmoins, il nous donne l’occasion d’une sympathique promenade dans ces paysages, et à la rencontre de personnages libertaires. Les auteurs rendent hommage à quelques grands noms du roman noir, de Dashiell Hammett à Frédéric Fajardie, en passant par Léo Malet et quelques autres. Des clins d’œil amusés, mais venant sans doute d’amateurs éclairés. En effet, sans chercher à se prendre trop au sérieux, ils restituent des ambiances propres aux traditionnelles histoires de détectives hard-boiled. Certes, il faut déterminer qui est coupable, et les auteurs n’oublient pas de nous égarer. Une vraie curiosité que ce suspense au ton enjoué.
Une autre lecture duAutant En Emporte Le Vinde PAUL MAUGENDRE |
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Ce roman, dont la contenance est plus celle d’une fillette que d’un jéroboam, et qui aurait pu être intitulé Autant en emporte le van, puisque c’est à bord de ce genre de véhicule que se déplace le héros de l’intrigue, est à déguster accompagné d’un Entre-deux-mers frais et d’une assiette d’huitres non transgéniques. Détective privé, Ben Yassouh, un pseudo qu’il utilise au poker, et qui s’exprime à la première personne, débarque sur l’île d’Oléron dans l’intention accessoire de surfer sur les vagues maritimes, mais l’occasion faisant le larron, c’est sur le corps de la belle Maria qu’il va pouvoir barboter. Mais c’est à l’appel de Dolorès qu’il répond. Dolorès est une vieille femme, handicapée et se mouvant en chaise roulante. Elle est aussi la mère de Maria, un amour de jeunesse mariée depuis avec Abel. Abel, son vieux copain, a été retrouvé pendu dans sa cabane d’ostréiculteur. La hauteur entre la traverse du dormant et le pas de porte laisse sceptique notre détective, mais bon il en a vu d’autres. Lorsqu’il rend visite à Dolorès, la vieille dame lui remet en catimini, à l’insu de Maria, un bout de papier qu’il enfouit dans une poche. Abel n’est pas le premier à avoir été retrouvé pendu dans de mystérieuses circonstances. Ainsi un mois auparavant le jeune Jason avait été découvert dans un triste état, dans un sous-bois, le sexe rongé probablement pas des rats, suspendu lui-aussi. Il travaillait chez un ostréiculteur, un naisseur d’huitres. Le détective retrouve avec plaisir Ombredane, un ancien gendarme réformé à la suite d’un incident, une action héroïque. Poursuivant des voleurs, il avait reçu dans les fesses un projectile. Ombredane n’en oublie pas moins son ancienne fonction d’enquêteur public et les deux hommes examinent tous les pistes possibles. Maria lui offre un hébergement dans un mobil-home qu’elle possède, en échange d’un retour de câlin dont avoue-t-elle elle est frustrée, mais durant la nuit le détective entend des bruits suspects. Et se retrouve nez-à-nez avec deux adolescents qui allaient piller le gîte provisoire et peut-être même l’incendier. Selon une rumeur qui enfle de plus en plus, un laboratoire installé sur l’île serait en voie de mettre au monde une huitre stérile, ce qui permettrait aux dégustateurs d’en engloutir en toutes saisons. L’huitre des quatre saisons, ce serait son nom, ayant la particularité de ne pas avoir de laitance en période de reproduction. Mais les véritables ostréiculteurs, ceux qui ont l’âme chevillée à leur profession, n’acceptent pas ce sous-produit Monsanto. Et Abel avait signé une pétition contre ce genre de manipulation, et les deux hommes semblent tenir une piste. D’autant qu’un policier, un vrai, en exercice, amateur de poker au jeu et dans la vie, et un hacker s’invitent dans l’enquête. Alors qu’un Chippendale, qui ne demandait rien passe de vie à trépas. Ce court roman humoristique, laisse toutefois un goût amer dans la bouche, non pas tant dans le déroulement de l’histoire, que dans un petit fouillis dissimulé dans l’intrigue. Et le lecteur pourra à juste raison dire au détective, s’il le peut, qu’il a oublié un élément capital dans son enquête. En réalité, ce roman a été écrit dans la joie et la bonne humeur, et le lecteur, tout comme l’amateur d’huitres et de vin de pays ne se pose pas mille questions sur la provenance des mets qu’il déguste, faisant confiance à celui qui les lui offre, sera emmené dans des chemins de traverse périlleux. Alors, Château Pétrus, non ce breuvage et son contenant est réservé à d’autres fins, mais Côtes de Duras de bonne cuvée, certainement. Et puis quand l’un des auteurs s’appelle Vignes, cela vaut bien une bouteille de Pineau non ?
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