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MARIE VINDY |
Nirvana TransfertAux éditions KRAKOENVisitez leur site |
2432Lectures depuisLe samedi 11 Septembre 2010
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Une lecture de |
Warren Stoll, 23 ans, est un ancien toxico suicidaire vivant à Dijon. Grâce à la jeune étudiante Céline et à sa mère, il parvient à se réinsérer. Son job de manutentionnaire lui a permis de changer de vie. Néanmoins, il reste fasciné par Kurt Cobain, et se laisse parfois aller à des soirées d’excès. Les lettres anonymes menaçantes reçues par Warren risquent de fragiliser son équilibre relatif. Elles ont un lien avec les attouchements et viols qu’il a subi dans son enfance, dont il ne garde pas de souvenirs précis. Contre l’avis de sa psy, le Dr Ziegler, Céline et sa mère incitent Warren à porter plainte. Les faits d’origine remontant à plus de quinze ans, c’est la Brigade des mineurs qui peut s’occuper de l’enquête. Le policier Simon Carrière et sa collègue Monique Randell ne prennent pas cette affaire à la légère. Certes, Warren figure dans les fichiers de la police pour son passé agité, mais ses tendances suicidaires sensibilisent Simon. Il contacte la criminologue parisienne Marie-Shan Li, avec laquelle il a sympathisé dans une précédente enquête. Celle-ci ne tarde pas à s’apercevoir que les lettres sont des messages codés, indiquant des prénoms : Pierre, Yvonne. Warren et ses proches ne voient pas ce que ça évoque. Toujours admirateur de Kurt Cobain, le jeune homme glisse vers un état dépressif. Tandis que Marie-Shan Li passe un week-end chez Simon Carrière, Warren reçoit un troisième message. Cette fois, le corbeau indique un nom, Loisel. Si Pierre Loisel est un tranquille notaire de Chalon, sa sœur Yvonne a été mêlée à une inextricable affaire. Quand la Brigade financière enquêta naguère sur Viato, le compagnon russe d’Yvonne, elle tomba sur un sac de nœud mafieux. Les propriétés vinicoles que possédait Yvonne Loisel furent perdues, mais elle conserva un beau train de vie. Son mari est aujourd’hui en prison en Russie, et son fils Alexis vit au Etats-Unis. Simon Carrière et Monique Randell s’interrogent sur le Dr Ziegler, la psy de Warren, opposée au fait de fouiller dans le passé de son patient. C’est à Chalon, en se renseignant sur la défunte mère de Warren, que les policiers peuvent avancer. Dominique Stoll a bien été l’employée d’Yvonne Loisel, dans sa propriété de Chagny. L’ancien jardinier confirme l’information, se souvenant de Warren et d’Alexis qui habitaient là. Yvonne rectifie bientôt, affirmant avoir simplement hébergé les Stoll, mère et fils. Disant ne pas connaître Warren et sa mère, le notaire Pierre Loisel a menti, peut-être par oubli ou par omission. La Brigade financière ne lâche pas le cas d’Yvonne et de son entourage, probablement liés à de sombres trafics. En sévère dépression, Warren est hospitalisé après une crise. Sa psy veut le diriger vers une clinique suisse. La police cherche à cerner les motivations de l’auteur des lettres anonymes, qui n’est sûrement pas loin… Cette histoire se situe adroitement à mi-chemin entre roman noir et enquête. Si les héros en sont des policiers et une criminologue, c’est dans un contexte aux aspects obscurs qu’ils mènent leurs investigations. La mise au point du supérieur de Simon Carrière est assez éclairante sur l’ambiance : “Vous vous accrochez à cette affaire parce qu’elle vous parait avoir plus de piquant que le reste (…) Ah c’est sûr, c’est plus marrant que les pères incestueux, que les familles tuyaux de poêle, les Roms et les gamines en fugue ! Mais c’est aussi votre boulot, et vous devriez le faire avec plus de discernement. C’est Randell qui tient le groupe sur ses épaules, Carrière. Et vous, vous menez votre petite enquête en solo…” Il n’a pas tort, pourtant, de soupçonner de graves actes criminels. L’ombre suicidaire du leader de Nirvana, Kurt Cobain, ne cesse de planer autour du jeune Warren. C’est avec une certaine virtuosité que Marie Vindy maîtrise son intrigue, fluide et fort bien construite. On peut penser qu’elle souhaite garder une distance vis-à-vis des personnages, souligner leur part tourmentée plutôt que de chercher une véritable empathie. Ce qui les rend indéniablement humains et crédibles. On se laisse volontiers entraîner dans ce récit au suspense bien dosé.
Pour le commandant Simon Carrière, sa nouvelle affection à la Brigade des mineurs est peut-être une échappatoire à une longue période d’inertie professionnelle. Après de longs mois qui l’ont tenu éloigné de son activité de policier, un congé de maladie consécutif à une dépression, il reprend le harnais, et l’on ne peut pas vraiment dire que la fonction qui lui a été proposée soit une sinécure. Mais la possibilité de pouvoir rester à Dijon l’a emporté sur toutes les autres considérations. Alors cette affaire qui tombe sur son bureau comme un puzzle à reconstituer peut se révéler un dérivatif propice à s’investir à nouveau dans un métier qui somme toute n’est pas pire qu’un autre. Warren, vingt trois ans, toxicomane et alcoolique, ne connaissant pas son père et sa mère étant décédée alors qu’il n’avait que quinze ans, vivait depuis, ou plutôt survivait, dans des squats. S’il s’en est sorti et travaille depuis dans un magasin de meubles comme manutentionnaire, c’est grâce à Céline, une jeune fille de dix huit ans, dont la mère est psychologue. Warren pensait pouvoir enfin émerger de cette vie de déprime, d’alcool et de drogue, avec le soutien des deux femmes, et sa passion pour Kurt Cobain, le chanteur et guitariste mythique du groupe Nirvana. Cobain avait tenté de juguler son addiction à la drogue mais est mort à vingt sept ans. Un suicide par balle qui reste un mystère. Warren se retrouve, s’identifie dans ce musicien au parcours chaotique. La réception d’une lettre bouleverse sa vie. La plongée dans la drogue et l’alcool semble fatale d’autant qu’une seconde missive lui parvient, toujours aussi énigmatique, et dans laquelle son correspondant tutoie le jeune homme. Alors des réminiscences le taraudent et il porte plainte, incité par Céline, pour agressions sexuelles et viols. Peut-être la meilleure chose qu’il puisse faire, même si porter plainte n’est pas toujours facile avec des antécédents lourds à trimbaler. Car Warren déclare aux policiers qui viennent lui rendre visite, Simon Carrière et son adjointe Monique Randell, qu’il ne se souvient de rien. Il était arrivé à Dijon alors qu’il n’avait que sept ou huit ans, il a de vagues résurgences mais il ne peut préciser où, comment, par qui, quand. Si la première missive était postée de Dijon, la seconde l’était de Chalon-sur-Saône. Un dossier extrêmement mince mais Carrière décide de s’atteler à la tâche, malgré l’accumulation de dossiers qui requièrent la brigade des mineurs. Simon Carrière demande à son amie Marie-Shan Li, une psychiatre criminologue, de l’aider à comprendre le caractère du jeune homme et de décrypter la teneur des missives. Et l’apport de Marie-Shan s’avère précieux, non seulement pour le moral et le psychisme de Simon, mais dans le début de résolution de l’énigme.Avec sensibilité mais sans sensiblerie, Marie Vindy a concocté une histoire qui explore l’âme humaine, tout autant du côté des policiers et de Simon Carrière, que du côté de Warren et des personnages qui gravitent dans cette embrouille. Pas de voyeurisme, pas de séquences violentes ou sexuelles, tout est dans la simplicité et la pudeur des descriptions, dans la suggestion des scènes, et cela porte plus dans l’esprit du lecteur que des images imposées et malsaines. Marie Vindy narre avec subtilité une histoire axée autour de la pédophilie, mais insère dans son roman d’autres liens qui nous entraînent dans les réseaux russes de prostitution infantile, du blanchiment d’argent et assène parfois de petites réflexions qui relèvent du bon sens. Un bon sens qui n’est pas toujours celui des hommes politiques. « Tous les jours, des jeunes sortaient de prison plus forts et plus dangereux qu’en y entrant ». |
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