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PATRICK S. VAST |
Le Ruisseau RougeAux éditions POLE NORDVisitez leur site |
209Lectures depuisLe mercredi 12 Mars 2014
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Une lecture de |
De la teinture humaine... En ce mois d'avril 1918, les Allemands préparent une nouvelle offensive dans les environs de Robecq (Pas de Calais) et les Britanniques, surnommés les Tommies coiffés de leur plat à barbe, ne sont pas loin. Et pour Germain Baudoin, qui tient le Café de la Clarence, et sa famille, l'important réside dans la désaffection des clients. Pourtant il mène bien sa petite affaire avec sa femme Josiane. Leurs trois filles mettent du cœur à l'ouvrage en dansant avec les clients, d'ailleurs elles ont la réputation de ne pas être farouches. Seul le fils Henri traîne sa rancœur et sa jambe. Il a été amputé d'un membre et de plus il est borgne. Un don d'organe pour la patrie. Sa petite amie Marianne, qu'il fréquentait avant de partir pour l'armée l'a lâchement abandonné à son retour. Mais il y a pire que lui. Par exemple Gilbert Durieux qui est défiguré et est devenu une Gueule cassée. Il ne sort plus que le soir, habillé en militaire avec à la main un fusil muni d'une baïonnette. Les habitants de Robecq, même s'ils ne le disent pas tout haut, sont sceptiques quant à l'honnêteté de l'ascension financière de Germain Baudoin. Avant 1913, il vivait dans une masure, puis il a hérité d'une maison qui auraient devait revenir théoriquement en héritage aux Durieux puis il est maintenant quasi propriétaire du café. C'est la mort d'Alexandre Trinclot qui a tout déclenché. Alexandre était ingénieur dans une usine d'alliage de métaux à Isbergues et était en possession d'une formule révolutionnaire convoitée par les futurs belligérants. Germain Baudoin avait fait sa connaissance lors de parties de pêche et ils avaient sympathisés. Tant et si bien que Baudoin songeait à un mariage entre Alexandre et sa fille Emma qui à l'époque avait dix-huit ans. Seulement Alexandre a été retrouvé égorgé dans le Rimbert, petit ruisseau longeant le village de Robecq. L'eau était rouge d'où le surnom donné à ce ruisseau. Germain et sa famille se sont occupés de la veuve Trinclot, lui apportant la soupe, et héritant ainsi de sa maison. Un peu plus tard, Germain n'a eu qu'à traverser la rue pour suppléer Léone, la tenancière du bistrot local qui venait de perdre son mari, tué sur le front, et s'était enfermée dans sa chambre, se coupant du monde. Cette ascension financière miraculeuse a bien étonné le voisinage, mais sans preuve, les rumeurs n'ont aucun fondement. Même si le policier Tibelle avait été dépêché sur place pour effectuer une enquête. Enquête avortée par la déclaration de guerre. Les années ont passé, et en ce mois d'avril 1918, les Allemands retranchés à Calonne sur la Lys pilonnent les environs de Robecq. Un détachement d'Anglais se présente dans la village afin d'évacuer les habitants. Germain a un dernier petit travail à effectuer et il repart à son auberge suivi par sa fille Emma. John Gilmour, l'un des soldats britanniques sert d'interprète pratiquant couramment le français. Il a été élevé et adopté par James Gilmour, un négociant qui lors d'un séjour en France avait recueilli une gamine, Marie, trempée de la tête aux pieds, tremblotante et murée dans un silence dû à un traumatisme. Selon l'aubergiste où le négociant a passé la nuit, Marie serait une gamine issue d'un orphelinat tenu par des religieuses qui pour ne pas s'encombrer de subtilités prénominales appelaient toutes leurs pensionnaires Marie et les plaçaient chez des bourgeois. Il semblerait donc que Marie avait été confiée à un riche bourgeois des environs, Clovis Dhalène, dont la réputation n'est pas fraîche, soupçonné d'abuser de ses servantes. D'ailleurs Marie était enceinte et a accouché de John. Mais Clovis Dhalène traine derrière lui une autre casserole. Il s'est marié avec une jeune femme, c'est son droit, mais qui est allemande, et ça en temps de guerre avec les Germains, cela passe mal. John qui connait l'histoire par son père adoptif, n'a de cesse lorsqu'il apprend que Dhalène vit non loin, de vouloir venger sa mère. Un nouveau cadavre va être découvert dans le Rimbert et une fois de plus le ruisseau va justifier son surnom.
Le ruisseau rouge emprunte à la littérature populaire dans son acception pleine et entière et dans ce qui a fait son succès, les ingrédients nécessaires à entretenir en haleine le lecteur. Patrick S. Vast amalgame avec bonheur dans son histoire les éléments du roman policier, d'espionnage, de guerre, d'aventure, de mystère et de suspense dans un mélange détonnant et détonant. Les personnages défilent devant nos yeux, font une apparition plus ou moins prolongée, vivent ou meurent, s'effacent et pour certains réapparaître, entretenant une intrigue foisonnante. Si les moments de détente sont rares, et peu en profitent sauf Emma toujours à l'affut d'un mâle, ce sont surtout la trahison, la déception, les jalousies, les suspicions, les petites lâchetés, les adversités, les épreuves auxquelles sont confrontés tous ces protagonistes qui sont mis en relief. Outre Henri qui se promène avec ses béquilles et son œil manquant en bandeau, outre Gilbert à la face ravagée qui n'ose plus sortir que le soir, toujours habillé en militaire et tenant son flingot comme un trophée, l'inspecteur Tibelle est lui aussi un rescapé des tranchées. Il lui manque une main, a des trous de mémoires, des crises d'épilepsie dues aux fragments d'obus fichés dans son crâne. Pourtant il veut mener la nouvelle enquête qui lui est confiée, ce nouveau meurtre qui a rougi les eaux du Rimbert, malgré ses problèmes en faisant face à l'adversité avec courage. Un roman passionnant, poignant souvent, mettant en relief la vie au quotidien des habitants confrontés à une guerre qu'ils savaient inéluctable. Une leçon d'histoire et de courage, mettant en relief la petitesse de certaines personnes face aux épreuves, aux calamités, aux drames. |
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