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JEAN VOUSSAC |
L’ombre De L’autreAux éditions ARMAND FLEURY |
289Lectures depuisLe mercredi 10 Avril 2019
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Une lecture de |
Collection Don Juan. Editions Armand Fleury. Parution novembre 1945. 16 pages. La migraine, un alibi bien commode, parfois ! Depuis quelques temps, Maurice Bourdier est inquiet. Sa femme Charlotte est la victime de migraines qui la forcent à rester alitée dans leur petit appartement au sixième étage de la rue des Batignolles à Paris. Ils sont mariés depuis 1941 et en ce mois de mai 1944, Maurice discute à la terrasse d’un café en compagnie d’un consommateur dont il a fait la connaissance peu auparavant avec sa femme. Monsieur Petit, tel est le nom de cet homme, demande des nouvelles de Charlotte, plaignant plus ou moins le mari préoccupé. Maurice précise que sa femme est d’origine alsacienne et n’a plus pour toute famille qu’un frère dont ils n’ont pas de nouvelles. Désœuvré, Maurice se rend dans un cinéma permanent mais qu’elle n’est pas sa stupéfaction lorsqu’aux actualités il voit Charlotte au bras d’un jeune homme aux courses de Longchamp. Il est éberlué, se demande s’il ne s’agirait tout simplement que d’une ressemblance. Mais au second passage des actualités, il reconnait fermement Charlotte. Il rentre chez lui en proie au soupçon et il est accueillit pas sa femme toute souriante. Sa migraine est passée et elle a même réussi à obtenir deux belles côtelettes. Une denrée rare en cette période de disette. Un autre jour, alors que Charlotte est absente, toujours en quête de provisions, il fouille dans les tiroirs et découvre dans une boite, bien cachée, une photo la représentant en compagnie de ce même homme. Ses soupçons se font de plus en plus prégnant lorsqu’il rentre un jour, il demande à sa femme si elle est sortie. Elle affirme que non alors que ses chaussures sont poussiéreuses. Les soupçons de Maurice sont de plus en plus insistants.
Naturellement, tout le monde se doute comment se terminera cette histoire et l’épilogue ne déçoit pas. Mais ce qui importe dans ce roman publié fin 1945, c’est la description de l’atmosphère qui règne sur Paris occupé en ce moi de mai 1944 puis les réactions des Parisiens lorsqu’ils apprennent le débarquement en Normandie et l’avancée des chars Leclerc. Les restrictions s’accentuent mais l’espérance gagne les cœurs des citadins trop longtemps placés sous le joug des Allemands. Dans Paris enfiévré, on suivait les progrès de l’offensive de Normandie. Le fameux débarquement depuis si longtemps espéré s’était enfin accompli. Dehors, sur les grands boulevards, aux terrasses des cafés, nul ne parlait, mais on ne surprenait pas sur les visages que des expressions d’espérance et d’allégresse… Les Allemands qu’on croisait faisaient piteuse mine. Les temps semblaient révolus de l’occupation fraîche et joyeuse. Pourtant la menace pesait toujours sur la ville. Chacun connaissait les Barbares, et l’on s’imaginant alors que Londres, Berlin et presque toutes les autres capitales de l’Europe avaient payé un lourd tribu à la guerre, que Paris serait condamné à son tour !... L’ennemi partirait, mais il ne laisserait derrière lui que des ruines fumantes, comme à Varsovie…
Il s’agit presque d’un reportage en direct, la relation narrative d’une époque qui ne doit rien aux historiens. Cela sent le vécu de l’intérieur. Il était dur de trouver de quoi subsister à cette époque ! Attentes interminables devant les magasins d’où l’on revenait souvent sans rien avoir trouvé, formalités qui n’en finissaient plus, incertitudes sans bornes sous les yeux d’un occupant de plus en plus hargneux et rendu de plus en plus inquiet par la tournure qu’empruntaient les événements ! |