|
|
GILLES VIDAL |
Ciel De TraîneAux éditions ZINEDIVisitez leur site |
1317Lectures depuisLe mercredi 14 Mars 2018
|
Une lecture de |
La région de Virelay ressemble à n’importe quelle ville anonyme en France, au milieu de paysages pas plus remarquables qu’ailleurs. Encore traumatisé par un attentat sanglant, qui lui cause ponctuellement des vertiges, le policier Franck Kamensky espère retrouver un équilibre dans ce décor. Si les cas de disparitions supposées volontaires l’intéressent, c’est lié à sa propre vie. Douze ans plus tôt, à l’issue d’une relation tumultueuse, sa compagne Élodie a brutalement tourné la page, laissant pour lui bien des questions en suspens. Un habitant de Virelay, Antoine Rouvier, semble confronté à la disparition d’une jeune femme qu’il hébergeait depuis peu. Mais le cas de cette Josy Gellert ne retient guère l’attention de la police. D’autant que se produit une énigmatique affaire criminelle. Le cadavre d’un jeune homme inconnu a été découvert dans un sous-bois à truffes aux abords de la ville. On l’a sévèrement maltraité avant de l’égorger. Aucune disparition n’ayant été signalée dans les environs, ça complique son identification. Un seul indice nébuleux : la victime tenait dans sa main un os d’oiseau. Franck Kamensky contacte un ornithologue local, qui le renseigne, sans que cela offre une piste déterminante. Il faudra attendre que soit retrouvé par hasard un véhicule abandonné pour qu’apparaisse un début de réponse. De son côté, Antoine Rouvier persévère afin de retrouver Josy. Il a établi un portrait-robot aussi proche que possible. Sa petite enquête est perturbée par quelqu’un qui, par téléphone, prétend l’aider mais qui risque de se montrer bientôt menaçant. Vincent Appert est de retour à Virelay. Autrefois, il voulait devenir écrivain, avant d’avoir l’opportunité d’être scénariste. Il vient d’hériter de la maison des Sauvard, où il fut élevé durant une partie de son enfance. Voilà belle lurette que cette habitation ne respire plus le bonheur. Il s’est jadis produit là un drame, jamais vraiment expliqué. Si Vincent garde en tête d’autres images confuses, peut-être un peu plus heureuses, quel plaisir trouverait-il à revoir cette maison vide – tout récemment cambriolée ? On y a volé un secrétaire, meuble d’une valeur certaine, qu’un receleur de la région ne tarde pas à proposer à Rouvier. C’est un expert dans ce genre d’objets rares, qui a un client qui sera intéressé. Dans un tiroir secret, il déniche un couteau-crucifix et une enveloppe jaunie. Il est plus que probable que Vincent soit en danger dans cette maison morte, mais il ne le sait pas encore. Antoine Rouvier espère encore et toujours qu’un indice lui permettra de retrouver Josy. Quant au policier Kamensky, une fois identifié le jeune mort du sous-bois, son enquête pourrait être dans l’impasse. Pourtant, n’y a-t-il pas dans l’ombre quelqu’un qui mène une implacable vengeance ?… (Extrait) “Il était trois heures et demie du matin quand il abandonna : il ne pouvait faire mieux. Le portrait commençait à lui sortir par les yeux. Il ne voyait pas ce qu’il aurait pu apporter de plus. Passablement épuisé, dans un dernier sursaut, il sélectionna une dizaine de photos d’Audrey Hepburn parmi une multitude trouvée sur le Net, sur lesquelles il estima que les expressions se rapprochaient un tant soit peu de celles de Josy […] Une fois couché, il resta longtemps l’esprit tétanisé, une avalanche d’images déferlant sur l’écran de ses paupières closes. Quand ces flashes stroboscopiques se stabilisèrent puis cessèrent, ne resta plus que le visage de Josy qui avait fusionné avec une une sorte de tronc d’arbre, et ses yeux d’écorce qui le regardaient intensément, semblant vouloir lui transmettre un message. Ses lèvres aussi remuaient. Mais que disaient-elles, ces lèvres ?” C’est bien dans la catégorie des polars qu’il convient de classer ce livre. Mais, bien qu’un policier fasse partie des protagonistes, on ne peut l’aborder telle une enquête balisée où il s’agit de déterminer le nom du coupable. Cultivant le mystère, les ambiances incertaines, les détails qui interrogent, l’auteur ne cache pas l’ambition de ce “Ciel de traîne”: que ce roman soit de “ceux qui suscitent des questions plutôt que [de] ceux qui apportent toutes les réponses.” Il finit par nous donner les clés de cette troublante intrigue, comme il se doit. Pourtant, c’est le chassé-croisé des personnages tout au long du récit qui offre une force à cette histoire. Aucun n’a de point commun avec les autres, si ce n’est cette ville. Néanmoins, tous sont impliqués, certains étant sûrement en danger. Quand un auteur ne laisse filtrer qu’avec parcimonie de rares éléments destinés à éclairer le lecteur, il arrive qu’on s’en agace. Ce n’est pas le cas concernant Gilles Vidal. On a vite compris qu’il maîtrise le dosage entre noirceur criminelle et étrangeté, créant ainsi une tonalité qui lui est personnelle. Qui est d’autant plus agréable que cela ne nuit absolument pas à la fluidité narrative, à la progression de l’affaire. Un roman plutôt singulier, laissant une impression très favorable. Il est vrai que Gilles Vidal est un romancier chevronné.
Parution le 15 février 2018. 240 pages. 17,90€. Avis de tempête ! Cette charmante petite ville de Virelay porte vraiment bien son nom. Vire-les ! Alors qu’Antoine Rouvier déclare au commissariat la disparition depuis près de trois semaines de Josy, son amie rencontrée lors d’une soirée, un cadavre masculin est découvert en lisière de bois. Rouvier ne connait rien de Josy, qu’il a rencontrée à la sortie de la petite fête organisée par Willeaume. Elle était désemparée et lui avait demandé dans la voiture qui les ramenait en ville de l’héberger. Il sait juste son nom, Gellert, mais ne possède pas de photos d’elle. J’ai l’air de quoi pense-t-il, d’autant qu’il reçoit des appels téléphoniques d’un homme qui dédaigne se présenter et lui objurgue de ne rien faire s’il veut la revoir vivante. Le lieutenant Kamensky, dont le psychisme est affecté par un attentat qui a fait de nombreuses victimes, et a été affecté au commissariat de Virelay, est chargé de l’enquête sur le cadavre du jeune homme retrouvé. L’inconnu, il ne possède pas de papiers, a été égorgé probablement par un gaucher, et il a été tabassé, en témoignent les nombreuses plaies qui parsèment son corps. Des traces d’ADN sont prélevées, mais pour l’heure rien n’est déterminant. Et aucune disparition n’a été signalée. Un détail intrigue toutefois le légiste et les policiers. Le mort tient dans sa main un os, probablement de volatile. Le légiste qui s’y connait un peu, heureusement, précise en langage vernaculaire, qu’il s’agit d’une furcula. Ce qui signifie tout simplement en langage usuel ou véhiculaire, l’os de vœux. Antoine Rouvier achète un vieux secrétaire Empire, après l’avoir restauré en mieux, à un brocanteur-receleur, dont se sont emparés deux petits malfrats dans une maison abandonnée. Il compte pouvoir revendre le meuble un très bon prix. Mais auparavant il en fait l’inventaire, et découvre dans des tiroirs secrets, rien ne lui échappe, des bricoles et une lettre. Cette maison abandonnée a connu autrefois un drame. Vincent Appert, scénariste à défaut d’être romancier, s’en souvient avec cette petite pointe qui troue le cœur. Il y a vécu et s’il y revient, c’est parce qu’il l’a reçue en héritage. Mais les souvenirs affluent, abondent. Il visite les pièces, se rendant compte que des objets ont peut-être disparus, des meubles aussi, mais c’est peut-être d’une présence dont il a besoin.
Ce roman est construit comme un filet de pêche dont il faut relever tous les coins en même temps, si l’on veut être sûr d’attraper et remonter le poisson ou les poissons. Pour le lieutenant Kamensky, il s’agit d’une pêche en eaux troubles, voire glauques. Gilles Vidal nous invite à faire la connaissance de ses différents protagonistes et le lecteur se demande quel peut être le lien, si lien il y a, si ténu soit-il, qui les relie. Tout comme le lieutenant Kamensky, ils ont vécu ou subi des traumatismes, indélébiles tout en étant invisibles. Des lésions morales, psychiques, voire physiques. Et tant pis pour les dommages collatéraux. L’auteur déroule son intrigue et le prologue prend tout son sens dans l’épilogue, un peu avant quand même, mais c’est bien cet épilogue qui enveloppe l’histoire, lui donnant sa signification profonde. La pêche au gros a été bénéfique pour Kamensky, mais cette recherche halieutique en eau vaseuse va-t-elle lui permettre de trouver une forme de rédemption, un apaisement avec lui-même ? |
Autres titres de |