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MARC VOLTENAUER |
Le Dragon Du MuveranAux éditions POCKETVisitez leur site |
527Lectures depuisLe mardi 10 Octobre 2017
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Une lecture de |
Gryon est un village suisse du canton de Vaud, implanté sur un flanc sud de la montagne, près de la rivière Avançon et du massif des Diablerets. Situé à une dizaine de kilomètres de Bex, dans la vallée du Rhône, Gryon est accessible par la route ou par le train. De nos jours, la grande majorité des habitations sont des résidences secondaires. Néanmoins, il reste une population locale. Et des paroissiens fréquentant le temple protestant, dont la pasteure est Erica Ferraud, native d’ici. C’est aussi dans un chalet de Gryon que se sont installés Andreas Auer et son compagnon Mikaël Achard, avec leur saint-bernard Minus. Âgé de trente-neuf ans, d’allure virile, Andreas est inspecteur de police. Mikaël, trente-cinq ans, est aujourd’hui journaliste indépendant. Peu avant l’office dominical, Erica découvre un cadavre nu, poignardé, allongé sur la table sainte à l’image du Christ crucifié. Le tueur a laissé un message sur le corps : "Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres." La victime est Alain Gautier, un agent immobilier quinquagénaire de Gryon. Toujours à l’affût, le reporter Fabien Berset est bien vite venu se mêler aux habitants du cru. Il ne peut attendre aucune révélation de la part d’Andreas, ni même de Mikaël. La policière Karine Joubert n’a pas tardé à rejoindre le village, afin d’enquêter avec son collègue et ami Andreas. Luxueux, l’appartement de la victime témoigne que Gautier avait probablement un train de vie au-dessus de ses moyens. Qu’il ait été malhonnête en affaires ne serait pas surprenant. Si la vie privée de l’agent immobilier comportait de douteux aspects sexuels, son associée ne paraît pas être au courant. Gautier avait quand même un casier judiciaire, pour un cas de viol. Le message biblique sur le cadavre laisse augurer un mobile mystique, bien que le policier Andreas n’en soit pas encore absolument convaincu. L’autopsie montre que du chloroforme et du curare, produits fort rares, ont été utilisés par l’assassin. Dans la liste des suspects, figure un élu local qui est aussi entrepreneur en bâtiment. Celui-ci sera bien obligé d’admettre qu’il avait des arrangements illégaux avec l’agent immobilier. Et s’il y a un problème côté mœurs, cela ne fait pas de lui un tueur. D’ailleurs, bien qu’indifférente, son épouse ne le croit pas coupable de meurtre. Outre le bizness immobilier et un nombre symbolique du Mal, une bouteille de vin produit dans la région de Bex pourrait également s’avérer une piste exploitable. À travers son message issu de la Bible qui évoque les maltraités et les opprimés, l’assassin semble trouver une légitimité divine à son crime. Ce qu’il confirme bientôt en adressant à Fabien Berset un message par mail, dont le reporter fait part aux enquêteurs. Entre obsessions et prétextes pour justifier ce crime, Andreas hésite à se prononcer. Il redoute que le tueur, peut-être délirant, fasse d’autres victimes. Tandis que la police continue à interroger des villageois, c’est sans doute dans le passé de Gryon qu’on dénicherait des indices. Mais c’est loin du canton de Vaud que la police pourrait découvrir des éléments cruciaux… (Extrait) “— Tuer de manière impulsive, c’est une chose. Tuer avec préméditation en est une autre. Tuer avec une telle violence et avec une prise de risque pareille en est encore une troisième. Je vois notre meurtrier comme un être marqué par un fort trouble de la personnalité et qui fait preuve d’un comportement déviant, un être dont les actes ne sont subordonnés à aucune norme sociale. — Tu es en train de faire la description d’un psychopathe. — Exact. C’est un sadique. Il tire du plaisir de ses actes. Il n’a aucun remords. La culpabilité et les interdits ne font pas partie de son monde. Il fait preuve d’une absence complète d’empathie et les émotions humaines lui sont étrangères. Il éprouve un sentiment de supériorité […] Le meurtrier ne s’est pas contenté de tuer sa victime d’un coup de pistolet dans la tempe. Il a pris le soin de lui ôter les yeux de son vivant. Si ça, ce n’est pas du sadisme, je n’y comprends rien. Imaginez-le avec son scalpel en train de lui découper les yeux… Il a dû ressentir un plaisir très intense. Probablement encore mieux qu’un orgasme.” Avant tout, il convient de préciser que la commune de Gryon existe réellement, charmant village touristique des Alpes vaudoises, non loin du Grand Muveran, sommet culminant à plus de 3000 mètres. Ainsi l’auteur tient-il un décor dans lequel il fait évoluer aisément les protagonistes et les événements. Ce n’est pas sans importance, car ça permet de cultiver une authenticité qui rend crédible l’histoire qui nous est racontée. Essentiel pour un roman policier s’inscrivant dans la grande tradition du genre. Que Marc Voltenauer respecte avec soin, en particulier dans la construction de l’enquête. Non sans intercaler des passages qui évoquent des épisodes passés, potentiellement explicatifs — ou en faisant apparaître de temps à autre un énigmatique témoin, qui ne pense pas être un tueur. Le format, près de six cent pages, l’indique clairement : c’est une affaire dans laquelle on va complètement s’installer, presque s’immerger, en suivant l’inspecteur Andreas Auer et son entourage. Ce policier est un pur professionnel, un homme bien dans sa peau : “Il avait un charisme certain. Et il le savait… Il était sûr de lui, ce dont témoignait sa démarche et son allure.” Les motivations de l’assassin, il est capable de les cerner : une vengeance par quelqu’un qui connaît fort bien Gryon, ayant subi un traumatisme et qui a étudié la Bible. Malgré tout, il va devoir explorer plus largement le contexte pour arriver jusqu’au dénouement. Un récit fluide et maîtrisé, pour une intrigue très convaincante. |