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MARC VILLARD |
La Vie D'artisteAux éditions RIVAGESVisitez leur site |
1362Lectures depuisLe lundi 5 Janvier 2015
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Une lecture de |
Entre Phil Siren, saxophoniste au club Le Banana, et la junkie pleurnicharde Lisa Kapler, existait une relation amoureuse embrouillée qui dura pendant six mois. Sortant d'un petit séjour en prison, Phil découvre Lisa en pleine copulation avec un Elvis à deux balles. Son nom est Bernard Reboul, mais il cultive son allure de rockeux. Deux jours plus tard, le dealer Elvis rôde de nouveau dans leur piaule, avant que Phil retrouve Lisa victime d'une overdose. Le saxophoniste ne voit pas de raison de déranger les flics, souvent peu compréhensifs. Phil préfère opter pour l'incinération, dans le cas de Lisa. Il suffira de prétendre qu'elle est partie explorer l'Amérique mythique. De sa part, c'est plausible. Pour Phil, il est souhaitable de prendre le large dans les plus brefs délais. Au Temple, il se fera remplacer par un collègue saxophoniste, un certain Slocombe. Au Banana, il s'en tire avec un bœuf d'adieu entre potes musicos, avant de prendre le maquis. Phil se doit de faire un détour par Reims, chez son père qu'il n'a pas vu depuis cinq ans. Veuf, il bricole toujours de la menuiserie, pour faire passer le temps. Les souvenirs d'enfance et de sa mère sont de rigueur. Direction le Nord-Pas-de-Calais, pour retrouver à Rorbeck son copain d'autrefois Richard Minet, dit La Bamba. Phil y est plutôt bien accueilli par sa compagne serveuse Marouche, une Cambodgienne d'origine, et son fils Tan. La Bamba est éleveur de coqs de combat, une activité fort lucrative. Logé au bistrot local, Phil ne tarde pas à goûter à l'excitation autour de ces combats de coqs. En outre, avec La Bamba et un jeune postier, Phil se produit dans un trio de jazz au club Le Flamingo. Entre coqs et jazz, la vie à Saint-Amand-des-Eaux peut s'avérer animée, finalement. Phil hérite même d'un coq antillais nommé Charlie, comme Parker. Plus inquiétant, il reçoit des courriers interrogateurs au sujet de Lisa et de la drogue qu'il a détruite. Quelqu'un a dû renseigner Elvis sur sa présence par ici. Quand ils sont à nouveau face à face, le sosie rockeux en arrive bientôt à la menace directe. Il promet d'y mêler les flics, cette fois… Après “Corvette de nuit”, c'était le deuxième roman en solo de Marc Villard. Du Barbès d'alors jusqu'au Nord de la France, puis retour à ses quartiers parisiens, il nous fait partager les tribulations d'un jazzman perturbé par quelques ennuis. Un récit émaillé de références musicales, comme il se doit. De découvertes pour le héros aussi, qui va jouer au coqueleux. On ne peut pas considérer Phil Siren tel un paumé, un loser définitif. Tant qu'il a la musique et des amis, une dernière attache familiale aussi, il vivote assez bien en espérant ne pas retomber dans le pétrin. Si certains polars ne privilégient que les péripéties de l'histoire, Marc Villard apporte aussi un grand soin à l'écriture : “La 2CV s'enfonce dans la campagne rase, qui révèle au clair de lune des façades uniformes de briques rouges. Seule la fumée qui s'échappe des tuyères révèle que derrière cet univers de poussier des hommes et des femmes vivent et se consument, pareillement à ceux qui se calcinent sous le soleil. Et pour la première fois, confusément, j'ai l'impression de faire corps avec les lieux et les habitants. Je me sens bien tout d'un coup, sans passé, un homme neuf.” Un roman très vivant, à redécouvrir. |