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EMMANUELLE URIEN |
La Collecte Des MonstresAux éditions FOLIOVisitez leur site |
2151Lectures depuisLe mercredi 22 Decembre 2010
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Une lecture de |
Certains recueils de nouvelles ressemblent à ces labyrinthes qui nous procurent une saine dose de frissons. Train fantôme ou galerie des horreurs, en y pénétrant, on se prépare à l’effet de surprise. Nous allons nous trouver face à des portraits d’inconnus, dans des situations imprévues. Par le biais de courtes scènes, vont nous apparaître des individus singuliers. Mais peut-être est-ce juste un miroir déformant qui les caricature, alors qu’ils sont proches de nous. Ils sont issus de la réalité, de faits de société médiatisés ou non, d’infos ne méritant que quelques lignes dans un journal, ou de notre mémoire collective. Décisions lâches ou erronées et comportements empreints de bassesse sont si quotidiens. Sur cette base, en dix-huit textes, Emmanuelle Urien nous fait rencontrer quelques-uns de ces personnages. Un peu médiocres, un peu monstrueux ? Sans doute, puisque telle est la nature humaine. En voici une dizaine d’exemples… Guichetière à la RATP, Juliette est âgée de vingt-cinq ans. Espère-t-elle vraiment trouver le Prince Charmant en passant des petites annonces ? Juste les réponses ordinaires d’hommes sans ambition, ni fantaisie. Bien sûr, Juliette aussi ment un peu dans son annonce, mais il ne sont pas du tout excitants. Sauf peut-être ce type direct qui affirme Je suis l’homme qu’il vous faut… À la recherche d’un emploi, cette ex-chef de projets dans la communication est devenue championne des entretiens d’embauche. Elle triche légèrement autour de son CV, joue avec le recruteur, montre plus d’aisance que son amie Nathalie. Pourtant ça ne fonctionne jamais. Alors autant accepter n’importe quoi… Il est long le chemin du retour, pour cet homme qui regagne l’île de Bréhat. Il s’interroge sur sa vie d’avant, sur ses futurs rapports avec Sophie. Ils formaient un couple vivant dans l’aisance, grâce aux parents de la jeune femme. Bien des choses ont changé ces dernières années, à cause des évènements. Ayant traversé bien des tourments, il a encore peur de l’avenir… Lilas est une étudiante sans grandes ressources. Pour payer ses factures, elle a fini par se prostituer un peu, évitant de déborder sur le trottoir des pros. Les putes l’estiment bizarre, mais ne la jugent pas. Lilas s’est imposée des règles strictes, précautions lui évitant les mauvaises rencontres, les clients dangereux. L’hiver venu, elle est contrainte d’ignorer peu à peu ces règles salvatrices… C’est parce qu’il ne supportait pas les regards dans son dos qu’il est devenu photographe. Grâce à son efficace agent, c’est même aujourd’hui un artiste de renom. Longtemps, il fait semblant d’apprécier cet univers mondain superficiel. Bientôt, une thérapie va le guérir de certaines obsessions… Ce jeune homme sort de prison, regagne le quartier d’immeubles où vit sa famille. Coupable de complicité dans un trafic de drogue, aux yeux de tous. Il était pourtant bien moins coupable que ces dealers, qui continuent ouvertement à vendre leur produits chaque soir près du toboggan… Drôle de couple au seuil d’une rupture définitive, là, dans cette voiture. Qu’a-t-il à lui reprocher ? Sa froideur, depuis le début. Elle est bien forcée d’admettre que son caractère solitaire n’a guère entraîné de tendresse ou d’attention à son égard. Une femme sans cœur, dont il s’éloigne sans regrets… Pour le moment, il est employé au nettoyage dans un parc zoologique. Il se sent plus proche des babouins que du hautain personnel de ce zoo. À part Jean-Claude, comptable au destin pas plus brillant que le sien. Il a attribué le même prénom à un petit babouin maltraité par les autres… Firmine rêvait de devenir star de cinéma. À dix-huit ans, elle a fuit sa famille et s’est dirigée vers la Côte d’Azur. Pas si facile d’être repérée par les gens du cinéma, à Saint-Tropez ou à Cannes. Néanmoins, son physique avantageux et sa candeur l’ont un peu aidée. Elle a couché avec beaucoup d’hommes riches, surtout riches de promesses. Car, à part quelques courtes répliques dans des films sans intérêt, elle ne fit jamais carrière. Elle s’est engluée dans son rêve. La notoriété va la rattraper quand même, un peu trop tard… Dans le quartier des Roussettes, la solidarité n’est pas un vain mot. Quand on apprend que le petit Anatole est atteint d’une maladie orpheline, les habitants s’organisent pour aider les parents. Récolter des fonds en vue d’une intervention chirurgicale aux Etats-Unis, c’est assez lent et compliqué. Heureusement, M.Noël se met au service de cette cause. Comptable pointilleux de l’opération, il finit par être apprécié de tous. Pas plus que les parents éplorés, M.Noël ne tient à faire parler de lui. Il agit, voilà tout. Bientôt, la somme est réunie… Huit autres textes complètent ce recueil, le troisième de l’auteur, publié en 2007. S’il n’est pas question de leur attribuer une étiquette polar, il s’agit néanmoins de “contes cruels”, voire de sujets criminels. En effet, la mort rôde dans beaucoup de ces textes, avec une possible issue fatale propre aux histoires noires. En virtuose de la nouvelle, Emmanuelle Urien joue subtilement avec des situations ordinaires (pour s’en convaincre, il suffit de lire l’histoire de divorce En toutes lettres). Aucun des personnages n’étant brillants ou admirables, l’humour se décline ici entre dérision et ironie. Les dénouements à chutes (apprécions la fin de Conduite accompagnée) suscitent aussi le sourire, teinté d’amertume parfois (voir Zone de silence). On savoure ces textes avec grand plaisir. Depuis, Emmanuelle Urien a publié d’autres nouvelles et un roman, “Tu devrais voir quelqu’un” (Gallimard, 2009). |
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