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PACO IGNACIO TAIBO II |
68Aux éditions L ECHAPPEE |
1986Lectures depuisLe mardi 2 Avril 2008
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Une lecture de |
Parfois, il est impossible de baser un roman sur des souvenirs, même quand on est un écrivain aussi confirmé que Paco Ignacio Taïbo II. Cet auteur n’est pas seulement le maître du polar mexicain, voire le chef de file de la Littérature policière latino-américaine. Il fut, et reste, un militant. Encore étudiant, il participa activement au mouvement qui - durant 123 jours - secoua le pouvoir mexicain, à partir du 28 juillet 1968. La répression fut autrement violente que sous nos latitudes. C’est son histoire, qu’il serait vain de résumer ici. Sans doute est-il préférable de laisser la parole à Taïbo, via ces quelques extraits. Sur les fantômes vivaces : “Aujourd’hui, le mouvement de 68 est un fantôme mexicain de plus, un des fantômes les plus irréductibles, les plus insomniaques de tous ceux qui hantent encore notre terre.” Sur les étudiants, avant la révolte : “Nous militions à l’ancienne bien que nous vivions avec un style moderne. Nous étions sectaires. Notre ennemi était étranger, distant, immense. L’État était une abstraction théorique. Du coup, il valait mieux se consacrer à d’interminables disputes avec les faux amis, les voisins du parti d’à-côté, la secte du coin de la rue, les pratiquants du culte concurrent. Nous étions prêts à livrer des guerres idéologiques, à rédiger des journaux illisibles truffés de citations de Lénine et Mao, Trotski et Bakounine, selon le club auquel nous appartenions.” Sur les premières manifs : “Ce n’était pas la première fois qu’ils nous cognaient. C’était une des habitudes malsaines de l’État mexicain, niquer les étudiants de temps en temps, pour qu’ils sachent qui commande ici-bas.” Sur les répressions violentes : “Le mardi, un pouvoir halluciné par les limites de son arrogance envoya l’armée sur l’École préparatoire numéro un. Il y eut un tir de bazooka contre la porte coloniale, des coups de feu, des centaines d’arrestations. Un groupe se réfugia sur la terrasse pendant que les soldats entraient à la baïonnette par les cours intérieures de l’école…” Sur la prise de conscience : “Que se passait-il ? Pour ceux d’entre nous qui avions tété de la politique dans les livres, la réalité politique devenait notre nouvelle école. Nous savions seulement qu’il y avait un mouvement, qu’il fallait le défendre contre ceux qui voulaient le tuer à coups de matraque ou de bazooka, qu’il fallait le protéger de ceux qui voulaient l’étouffer sous la parlotte, de ceux qui voulaient le freiner, l’arrêter.” Sur la répression finale : “Le 2 octobre, l’armée attaqua le meeting à Tlatelolco. C’est désormais de l’histoire connue. Le massacre a été raconté encore et encore. La tentative de falsifier l’histoire que la machinerie gouvernementale mit en place, dès que les premiers étudiants tombèrent criblés de balle, obligeait à répondre…” Sur les effets de la contestation : “68 est le point de départ, c’est de là que nous venons. Une génération a exprimé sa volonté de changer ce pays, la mexicanisation des enfants de la classe moyenne qui se manifeste dans la réhabilitation de l’hymne national, et elle le fait dans une mobilisation sociale, par la pratique de l’autogestion, la découverte de la ville et de ses immenses limites et frontières, avec la révolution culturelle et, surtout, avec un pacte en vue de l’avenir.” Ce livre est préfacé par Claude Mesplède. S’il est l’auteur du Dictionnaire des Littératures Policières, il participa également aux évènements de 1968, chez Air France. Lui aussi a conservé l’esprit militant. Son témoignage offre un parallèle avec celui de Taïbo, né le même jour que lui (mais pas la même année).
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