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JAN THIRION |
Ego FatumAux éditions KRAKOENVisitez leur site |
2810Lectures depuisLe mardi 2 Janvier 2007
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Une lecture de |
Une nuit à Toulouse : un homme regarde la télévision pendant qu’à l’étage une araignée prépare son entrée… Jan Thirion jette les mots sur la page blanche et les laisse filer, comme dans un accélérateur de particules. Ils détalent à grande vitesse avant d’entrer en collision et d’exploser dans des phrases nominales ou des verbes esseulés. Jan Thirion met en scène des personnages pour les retirer aussitôt, pour les jeter sous la bâche d’un van, direction un cercueil à double-fond. Jan Thirion est un objet non identifié dans l’univers du crime sur papier. Ni whodunit, ni Hard Boiled, ni Procédural, ni Noir, ni Néo… « Ego Fatum » est un Polar Extravagant Hors Classification qui vous emporte dans un tourbillon de morts aberrantes et chimériques jusqu’à la fureur de vivre. Polar de l’absurde, du hasard et de la malchance. « Ego Fatum » : Lecture obligatoire. Car mieux vaut savoir de quoi est capable Cédric Mangata.
Collection Noire Sœur. Editions SKA. Parution 3 juillet 2020. 135 pages. 3,99€. ISBN : 9791023408201 Première parution : Editions Krakoen. Parution 7 décembre 2006. 188 pages. Un engrenage infernal. Tout a commencé à cause d’un adorable arachnide velu. Enfin, pas tout à fait. Tout a commencé par un coup dans la tronche de l’inspecteur Cédric alors qu’il cuisinait, à l’huile ou au beurre, on ne sait pas, un dangereux récidiviste réputé pour être violent. Un nommé Grégorioux dit le Gaulois. L’individu suspecté d’avoir tué un vieil homme a profité d’un moment d’inattention de Cédric pour lui balancer un coup de pied magistral en pleine tête. Résultat un arrêt de travail suite à un coma provoqué dans l’exercice de ses fonctions. Et c’est comme ça qu’il se retrouve dans l’appartement de sa maîtresse, la fine Delphine, à zapper les films ou séries policières. Car un flic, même lorsqu’il est en congé forcé, s’instruit afin de parfaire ses connaissances. Et ce n’est pas parce que c’est la période d’Halloween et que le Beaujolais nouveau se profile qu’il faut se laisser aller. Il pense soudain que dans la pièce du dessus, se repose Milly, la fille de Delphine, treize ans. Une idée qui lui procure une réaction qui déforme son pantalon. Il monte et naturellement, elle est là, jambes nues, un long T-shirt noir cachant le haut du corps. Elle veut bien discuter un moment avec lui, mais il a trop bu de boisson gazeuse sucrée, et inévitablement le trop plein demande à être évacué dans les toilettes proches. Alors qu’il satisfait une miction bienfaisante pour sa vessie, il entend hurler Milly. Il se précipite, se demande ce qui lui arrive, et aperçoit une énorme araignée qui a profité que la fenêtre soit ouverte alors que le radiateur chauffe, pour s’immiscer dans la pièce. Milly qui est arachnophobe, encore fallait-il le savoir, enjambe la balustrade de la mezzanine et tombe malencontreusement. L’araignée, elle, se cache et Cédric est affolé. Milly gît en bas et elle ne criera plus lorsqu’elle apercevra une épeire en train de déambuler. Cédric se demande bien comment se dépatouiller de cette situation lorsque Delphine entre. Horreur, malheur, ce qu’elle voit en premier, c’est Cédric, le vermisseau sortant de son pantalon, tenant dans ses bras Milly allongée à terre. Une situation qui prête à confusion. Elle n’accepte pas le début d’une explication, crie, le traite de tous les noms et s’engage une lutte entre les deux amants, lutte qui se termine par le retentissement du gong. Au revoir, ou plutôt adieu, Delphine. Une tragédie dont il est l’acteur involontaire, mais ce n’est pas fini, comme les séries à épisodes qu’il aurait mieux fait de continuer à visionner au lieu de monter voir sa belle-fille. Car une petite vieille, une voisine, passe la tête par la porte restée entrouverte et naturellement voit le carnage. Elle repart vers son appartement, il la suit, elle entre chez elle et n’a pas le temps de fermer sa porte qu’elle est bousculée. Qu’elles sont bousculées. La porte et la petite vieille qui était derrière et qui ne pourra pas établir un compte-rendu de la situation à son mari arrimé à une bouteille d’oxygène. La série continue… Alors Cédric balance entre deux solutions : se suicider ou faire appel à quelques-unes de ses connaissances qui lui doivent un petit service, lui qui les a aidés lorsqu’ils étaient dans le besoin.
Araignée du matin, chagrin ; araignée du soir, espoir. Les dictons sont parfois, souvent, mensongers. Comme un mantra, qui est l’une des phrases favorites de son chef, tourne dans sa tête cette évidence, cette lapalissade : Tant qu’on n’est pas mort, on est vivant. Mais Cédric pourrait tout autant chanter Ô Toulouse comme Nougaro. To lose surtout serait plus approprié. Mais il n’a pas le cœur à fredonner ce texte, ode à la ville où il travaille et vit. Il pense surtout à se dépatouiller de cet engrenage infernal dans lequel il est entraîné à son corps et son esprit défendant. Un engrenage infernal qui se produit à cause d’une confusion, qui pourrait prêter à sourire, comme l’escalade de mauvaises nouvelles dans la chanson Tout va très bien madame la marquise de Ray Ventura. Sauf que Cédric n’a vraiment pas le cœur à fredonner, plutôt à s’extirper de cette spirale infernale qui continue, encore et encore. Jan Thirion manipule ses personnages et le lecteur par une histoire baroque, insolite, biscornue, se jouant des situations avec une écriture fouillée, travaillée, parfois ciselée au scalpel. Il œuvre dans la dérision tout en construisant une intrigue dont l’épilogue ne peut être qu’un pied de nez au destin.
Les chaussures de luxe n’empêchent pas de marcher de temps à autre dans la merde. |
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