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FREDERIQUE TRIGODET |
Soudain, PartirAux éditions SKAVisitez leur site |
317Lectures depuisLe mercredi 14 Mai 2020
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Une lecture de |
Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions Ska. Parution 27 avril 2020. 19 pages. 1,99€. ISBN : 9791023408102 Emmenez-moi Au bout de la terre… Elle n’en demande pas tant, notre narratrice accoudée à la rambarde de sa fenêtre. Il fait nuit et aperçoit au loin un navire, probablement un cargo. Elle n’a pas envie de dormir. Son mari est couché et dort du sommeil d’un bienheureux, mais elle a envie d’un temps de latence, de ce moment qui favorise la réflexion. Depuis des années, depuis que les enfants sont partis du foyer comme de jeunes hirondelles voguant de leurs propres ailes, depuis qu’elle vit seule avec son mari, elle est devenue insomniaque. La décompression sans aucun doute, après des années de stress. Notre quadra génère des images dans sa tête. Elle entend peut-être aussi les chansons que diffusait Radio-Nostalgie que sa mère écoutait. Voyage, voyage de Desireless, Cargo de nuit d’Axel Bauer, Tous les bateaux, tous les oiseaux de Michel Polnareff… Ces incitations à l’évasion. Pourtant elle ne reste pas confinée chez elle, travaillant dans un pressing l’après-midi. Les bruits des calandres et de leurs rouleaux happant les draps dans un bruit de machinerie, la vapeur des fers à repasser comme autant de navires bourlinguant remontant les manches des chemises étalées telles des bras de mer, des exhortations à fuir un quotidien banal. La repasseuse fait des repas sages. Elle déguste une tisane, jalouse de Monmari comme elle appelle son époux qui béatement pionce dans le lit conjugal. Lien de cause à effet ? Pas vraiment. Mais l’image de son père s’incruste en elle, un père qui partait parfois, se murgeait consciencieusement mais qui sagement ne reprenait pas la voiture pour rentrer à la maison. Ce flot de souvenirs la pousse à sortir, à déambuler dans la rue puis à se diriger vers le port. Dans le port d’Amsterdam ? Non, un port de pêche, Roscoff peut-être, et au loin l’île de Batz.
Quelques heures dans la vie d’une femme qui a donné (trop donné ?) à son mari, à ses enfants, et un jour se sent le besoin de vivre, autrement, mais vivre, enfin. Pas forcément recommencer sa vie, mais se débarrasser d’un carcan d’habitudes, de sentir un vent de liberté, de changer de monde, de vivre pleinement. Par procuration. Mais en faisant le premier pas, un peu comme le chantait Claude-Michel Schonberg : Le premier pas J'aimerais qu'elle fasse le premier pas… J'aimerais qu'elle fasse le premier pas On peut s'attendre longtemps comme ça On peut rester des années à se contempler Et vivre chacun de son coté… Mais ce premier pas, c’est à elle de le faire, pour elle, éventuellement pour se réconcilier avec son passé, son présent ennuyeux, son avenir incertain. Un texte qui pourrait sembler engoncé dans un quotidien banal mais qui remue les tripes car combien de femmes, voire d’hommes, se reconnaitront dans ce beau portrait. |
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