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BRICE TARVEL |
Les Dossiers Secrets De Harry DicksonAux éditions MALPERTUISVisitez leur site |
1971Lectures depuisLe dimanche 20 Decembre 2015
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Une lecture de |
Tome 4. Collection Absinthes, éthers, opium. Parution décembre 2014. 130 pages. 11,00€. Lorsque l'élève dépasse le maître ! Ni parodiste, ni pasticheur, ni imitateur, ni copieur, Brice Tarvel est avant tout un continuateur créateur de rêves. Et son quatrième volume, composé de deux romans, consacré aux dossiers secrets du Sherlock Holmes américain, nous démontre que non seulement Harry Dickson n'est pas un héros démodé mais que de plus Tarvel possède un imaginaire digne de Jean Ray. D'ailleurs Brice Tarvel ne peut en aucun cas être considéré comme un pasticheur de Jean Ray puisque le grand auteur de fantastique belge lui-même avait écrit les aventures de Harry Dickson en traduisant à l'origine des fascicules hollandais dus à la plume d'auteurs allemands anonymes, et les trouvant fort médiocres les avaient retravaillées ou réécrites en se fiant aux couvertures d'origine.
Au sommaire de cet ouvrage deux nouvelles aventures :
Le Polichinelle d'argile. En galopin turbulent et indiscipliné, Victor prend plaisir à exterminer les insectes et à martyriser les chats et les chiens. Kitty, la jeune bonne d'enfant, a eu beau le mettre en garde, lui prédisant : Un jour, un troll, un géant, te donnera un coup de talon comme tu le fais à la gent trotte-menu. Un soir Kitty est agressée par un gnome à la face de terre cuite, un nez crochu, coiffé d'un bicorne rouge, une fraise entourant son cou et un pourpoint chamarré ne cachant ni son ventre proéminent ni sa gibbosité. Si elle parvient à se débarrasser du gnome, Victor, lui, est enlevé. Elle a juste le temps d'entendre un homme signifier à son acolyte, c'est bon, Punch, regagnons l'auto en vitesse, et d'apercevoir le véhicule s'enfonçant dans la nuit. Tucky, le fils du pharmacien et trop timide amoureux de Kitty, alerté, découvre sur la route une main d'argile. D'autres gamins sont portés disparus, et la police nage dans la panade. Le superintendant Goodfield se confie à Harry Dickson qui est fort intéressé par cette affaire fort étrange dont il a entendu parler par des rumeurs. Un polichinelle serait en cause. Muni de la main d'argile il se rend chez un célèbre et éminent minérographe qui après analyse donne son verdict. La terre qui a servi à mouler cette main provient d'Australie, et plus précisément de Pinjarra. Dickson va d'autant plus s'impliquer dans cette enquête qu'un de ses informateurs en culotte courte est lui aussi kidnappé. Cette recherche va le conduire dans un moulin, en compagnie de Tom Wills, son fidèle assistant, dont une légende dit qu'il abrite un trésor viking. Et Harry Dickson va passer de sales moments par la faute d'un homme en noir borgne passionné de pratiques magiques aborigènes. Une histoire qui ne laisse pas de pierre.
La chambre effroyable. Tout le monde aimerait vivre le plus longtemps possible, en bonne santé bien évidemment, mais quelles pourraient être les conséquences de cette immortalité ? Un petit groupe de commerçants et de banquier ont imaginé annihiler la mort. Ils se sont regroupés et ont fondé le Cercle sombre, ou Dark Circle. Pour cela ils ont demandé à Asuman, un fakir hindou, de la capturer grâce à des manipulations dont seul il a le secret. La consternation règne à Londres et plus particulièrement au 221b Baker Street. Mrs Crown, sa logeuse, Tom Wills, son fidèle assistant, le superintendant Goodfield, déplorent le décès accidentel de Harry Dickson, le célèbre détective. Harry Dickson, alors qu'il poursuivait deux malfrats, a été percuté par un train. Voici pourquoi depuis deux jours il est allongé sur son lit mortuaire. Seulement à la grande stupeur des visiteurs venus à son chevet, il se réveille frais, prêt à repartir au combat. Ce que n'avaient pas prévus les ravisseurs de la Camarde, c'est que s'ils détiennent Atropos, cela supposent quelques conséquences. Les humains ne meurent plus, de même que la faune dont les principaux représentants se trouvent être les rats qui commencent à pulluler. Une histoire qui ne devrait pas vous faire mourir d'ennui.
En apocryphe talentueux, Brice Tarvel possède une double qualité. Outre un imaginaire que Jean Ray n'aurait pas renié, il puise dans le dictionnaire des mots obsolètes afin d'en truffer ses textes, pour le plus grand bonheur de ses lecteurs. Des vocables qui le plus souvent collent au plus près de ce qu'il décrit. Ainsi des joues rubescentes. Aujourd'hui, on ne se sert plus que de rutilant, lorsque l'on veut préciser l'état d'une voiture par exemple. Ne lit-on pas : Une voiture noire rutilante. Or l'adjectif rutilant veut dire d'un rouge éclatant. Le français se perd, ma bonne dame. Bien d'autres mots sont ainsi remis au goût inimitable du français de bon aloi, et au lieu d'aller piocher comme les bobos (bourgeois bohêmes), ou les bonobos (bourgeois non bohêmes), dans la culture anglo-saxonne, nos romanciers devraient suivre la ligne éditoriale de Brice Tarvel, quitte à eux de s'instruire, et utiliser des mots qui ont été créés depuis des siècles pour en faire bon usage, tout en dégustant une tasse de thé dans laquelle gisent quelques effondrilles.
Tome 2. Collection Absinthes, éthers, opium N°11. Editions Malpertuis. Parution le 2 novembre 2010. 126 pages. 10,00€. ISBN : 978-2-917035-15-3 Jean Ray a trouvé son successeur ! Harry Dickson fait toujours rêver par ses aventures policières et mi-fantastiques, et le lecteur était orphelin depuis la disparition, non pas de son créateur, mais de celui qui avait magnifié et porté à leur paroxysme les pérégrinations du célèbre détective concurrent de Sherlock Holmes. Brice Tarvel a hérité du style, de l’imagination, du vocabulaire de Jean Ray, mais il apporte en plus ce petit quelque chose qui n’appartient qu’à lui. Une fluidité dans les descriptions et un imaginaire spécifique qui mettent en valeur ce qui ne pourrait être considéré que comme des nouvelles de bon aloi si justement sa créativité ne souffrait en rien de la comparaison. Il est dans le moule et en déborde largement car ce n’est pas un tâcheron. Il est un véritable auteur, pas toujours reconnu à sa juste valeur, mais il ne copie pas, il invente.
Dans ce recueil, deux nouvelles d’inspiration différente, et qui nous plonge dans l’Angleterre du premier quart du XXe siècle. Dans La confrérie des hommes griffus, dont la couverture de Christophe Alvès nous en donne une petite idée, nous entrons dans le mythe souvent exploité mais inépuisable du savant fou. Tom Wills est démoralisé car celle qu’il considérait comme sa petite amie vient de lui signifier qu’elle préférait un autre que lui. Ce qui arrive souvent dans la vie, mais quand même, avoir pour rival un jeune jardinier aussi boutonneux que les plantes qu’il soigne, cela met à mal l’égo. Aussi, pour se consoler Tom préfère aller au cinéma et visionner un film de Charlot. Mais ses déambulations pédestres dans la capitale de la fière Albion l’ont épuisé et il s’endort. Il rêve, ou cauchemarde se croyant attaqué par un léopard, ou un tigre, enfin une animal similaire. Il est réveillé assez brutalement par l’ouvreuse qui fait la fermeture et se retrouve dans la rue où il se retrouve nez à nez à un individu qui l’agresse. Il se défend comme il peut face à son assaillant dont les doigts sont prolongés de griffes acérées. Il fait part de sa mésaventure à Harry Dickson qui prend cette information au sérieux, d’autant que Tom n’est pas revenu bredouille car il a choppé une casquette appartenant à son agresseur. Harry Dickson en déduit tout de suite l’identité de son propriétaire, un ancien boxeur écossais au surnom évocateur de Iron Bill. Le superintendant Goodfield leur apprend que d’autres attaques identiques se sont déroulées dans les mêmes conditions et que les victimes sont décédées. Mais c’est un éleveur de porcs venu se défouler à Londres qui va leur apporter de précieux renseignements. Il vient d’être assailli mais a réussi à mettre son agresseur en déroute, gardant toutefois un trophée, une espèce de gantelet muni de griffes acérées. L’homme parle également d’événements étranges se déroulant non loin de chez lui, de bruits incongrus et de roulements de tambours, provenant d’un castel délabré appartenant à une certaine Belle Simpson, une maritorne énorme. Et ce que vont découvrir Harry Dickson et son élève pris en otage relève d’une diablerie machiavélique que n’aurait pu désavouer Jean Ray.
Dans La maison du pluvier, nous partons explorer les Fens, ce paysage marécageux du comté de Norfolk, à l’est de l’Angleterre. Et nous retrouvons cette ambiance et cette atmosphère palustres chères à l’auteur et qui prédomine dans bon nombre de ses romans. En guise de prologue, l’action se déroule à Old Bailey, là où sont exécutés les condamnés à mort. Théobald Ferris attend avec sérénité, presque, la corde au cou, que le bourreau ouvre la trappe sous lui. A ce moment une nuée de corbeaux tournoie dans le ciel et l’un d’eux se pose sur son épaule. Parmi la populace Harry Dickson est présent et attendant qu’un événement survienne décidant le sursis. Soudain Tom Wills, son précieux élève, arrive en courant et lui fournit une preuve disculpant Théobald de la présomption de crime de sang qui lui est imputé. Mais revenons en arrière en compagnie de l’auteur qui nous narre pourquoi et comment Théobald fut soupçonné de meurtre. Harry Dickson et son élève ont été invités à une partie de chasse par Lord James Ostler, qui possède une riche demeure dans le quartier londonien huppé de Paddington. Tout en conduisant son automobile, il narre une légende qui plane, ou plutôt qui flotte sur ce marais et dont le protagoniste n’est autre que le chevalier Hugh Pugsley, qui fit partie des glorieux combattants de la bataille d’Azincourt en 1415. Seulement, désirant cacher une cassette emplie de pièces d’or, il s’est enfoncé dans les marais, ce qui lui fut fatal. Son cheval caparaçonné de métal s’est noyé, entraînant son cavalier avec lui. Toutefois la légende de la cassette attise les convoitises, et des meurtres sont commis par le fantôme du chevalier. C’est ainsi que le maître et l’élève font la connaissance d’un ornithologue, ou ornithophile, qui fréquente assidûment les volatiles dans leur lieu naturel et rédige quelques opuscules, ce brave Théobald Ferris que nous avons rencontré au début du récit. Il habite avec sa femme et son fils, sans oublier son beau-père, un vieux monsieur valétudinaire, dans une cabane au cœur du marais. A l’entrée de la chaumine est érigé une sculpture, un pluvier dont le bec est disproportionné. Les deux détectives logent dans une auberge non loin or le chevalier fait encore des siennes, glissant dans les marais, vêtu de son armure, le chef couronné d’un heaume, et les soupçons se focalisent sur l’ornithologiste amateur.
Deux aimables historiettes qui suintent le mystère et qui intéresseront les nostalgiques de Jean Ray, d’Harry Dickson, les grands comme les petits, les vétérans de la lecture et les débutants. Et qui devraient inciter certains dont le vocabulaire est défaillant et préfèrent puiser dans les anglicismes, par snobisme ou par manque de culture, à se plonger dans un dictionnaire pour enrichir leur langage. Petite question dont la réponse ne sera pas sujette à un cadeau de ma part : Savez-vous ce qu’est une pimpesouée ?
Tome 5. Collection Absinthes, éthers, opiums N°52. Editions Malpertuis. Parution novembre 2019. 146 pages. 12,00€. ISBN : 978-2917035726 Un héros inépuisable ! Nul mieux que Brice Tarvel pouvait devenir, sans conteste possible, le nouveau biographe officiel d’Harry Dickson. De par son imaginaire, son sens de l’intrigue, sa linguistique riche, son sens de l’humour à froid, il incarne la continuité et en même temps le renouvellement dans des historiettes qu’auraient pu rédiger le Maître de Gand. Mais peut-être avec plus de dérision et le côté débonnaire de celui qui ne se prend pas au sérieux, sans pour autant se moquer de ses lecteurs.
Deux nouvelles enrichissent la liste déjà conséquente que Brice Tarvel consacre à ce héros né, comme bien d’autres, de l’imaginaire teuton et dont la saga fut réécrite ou imaginée par Jean Ray et quelques continuateurs dont Gérard Dôle et Robert Darvel : La forêt des dieux et Les voleurs d’ombres.
La forêt des dieux : Lorsque la brave Vespasia Plimpton aperçoit de sa fenêtre, qu’elle avait ouverte non par curiosité mais pour y déposer sur le rebord une délicieuse et odorante tarte aux orties fumante, un homme courir comme un gamin et affublé, à la façon d’un Peau-rouge de cinéma à demi-nu, de plumes et autres objets vestimentaires tel un sauvage et s’enfoncer dans la forêt proche, Vespasia est estomaquée par ce comportement étrange déployé par un homme pourtant bien connu des habitants de Crowborough puisqu’il s’agit de l’apothicaire du village. Elle fait part de sa vision à son mari Timothy, un vieil homme cloué dans un fauteuil roulant suite à une blessure récoltée lors de la guerre des Boers en Afrique du Sud. A l’épicerie du village, les langues vont bon train entre les commères qui lisent la gazette locale. La fille du garagiste a eu le crâne fracassé alors qu’elle cueillait en toute innocence des cryptogames. Naturellement la faute en incombe à un rôdeur malveillant, une supposition rapidement établie lorsque l’on ne sait rien des événements. Et pourquoi ce rôdeur ne serait-il point l’auguste Augustus, l’apothicaire, comme le suggère Vespasia, puisqu’elle l’a vu brandissant une sorte de hache ? L’épicière avance une solution fiable. Son commis est apparenté avec Mrs Crown, la gouvernante d’Harry Dickson, le Sherlock Holmes qui n’est pas de papier. Aussitôt prévenu par téléphone, non portable, le célèbre détective se rend dans la charmante localité en compagnie de son apprenti aide-assistant, Tom Wills. Leur premier réflexe est de se rendre au poste de police afin de s’entretenir avec le pharmacien placé en geôle. Celui-ci éructe des mots incompréhensibles qui pourraient être des éléments de langage des habitants du Yucatan. Et dans sa vitrine trône une statuette de Yum Cimil, le dieu de la mort des Mayas. Et ce n’est pas tout car d’étranges effigies effrayantes sont érigées un peu partout dans la forêt, jusqu’à un manoir construit sur une île au milieu de l’étang communal, ce qui n’est pas commun. Une lettre émanant du frère du châtelain incite les deux détectives à se rendre au pays des Mayas.
Les voleurs d’ombres Imaginez qu’un jour, alors qu’il fait beau et chaud, ou inversement, un individu marche par inadvertance sur votre ombre, la recueille et l’emporte chez lui. Un phénomène qui se produit par deux fois dans le quartier londonien de Peckham. C’est ce qui arrive à Basil (Où vas-tu Basil… ?) Dobson qui vient de perdre son meilleur ami, noyé au cours d’une partie de pêche. Il a besoin d’un costume neuf pour enterrer son copain mais il est désargenté. Avec cette ombre qui ressemble à un morceau de tissu, il pense que sa femme va pouvoir lui confectionner l’habit adéquat pour cette cérémonie funèbre. Au début de son récit, sa tendre épouse ne croit pas en ses racontars, d’ailleurs son haleine alcoolisée ne plaide guère en sa faveur, mais elle est bien obligée d’avaler cette fable. Les deux coupons de tissu, enfin prétendus tels, sentent la poussière et la miction canine. Seulement ce tissu transformé en ébauche de costume possède une propriété qui se traduit par des fourmillements, et provoque des envies. Il faut absolument que Basil possède un bouquet de fleurs et un sifflet. Les dits objets en main, Basil retrouve sa sérénité. Des individus peu scrupuleux l’ont aperçu alors qu’il ramassait à terre ce faux tissu ombré, et un malfrat nommé la Fouine Rouge s’introduit de façon fracassante chez le couple Dobson et oblige l’homme à lui remettre ses chaussures. Car c’est une chose sûre, les souliers sont magiques, comme si du chewing-gum était collé sous les semelles, retenant les ombres vagabondes. Et la Fouine Rouge a bien l’intention d’en faire un commerce pas forcément équitable. Harry Dickson et Tom Wills sont amenés à enquêter sur ces étranges procédés car l’appétit de la Fouine Rouge et ses comparses est insatiable et provoque de nombreux incidents qui dégénèrent.
Deux historiettes, l’une rurale, l’autre urbaine, fertiles, comme l’imagination de l’auteur, en rebondissements et qui retiennent l’attention du lecteur, qui en redemande, par leur brièveté et leur densité, leur force d’évocation.
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