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PLAMONDON TAQAWAN |
ÉricAux éditions QUIDAM EDITEURVisitez leur site |
875Lectures depuisLe mercredi 10 Janvier 2018
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Une lecture de |
Pourquoi, en ce 11 juin 1981, le gouvernement québecois lança-t-il donc une démonstration de force contre les pêcheurs Indiens de la Restigouche, une réserve à la frontière avec le Nouveau-Brunswick ? Les Mi'gmaq durent affronter des centaines de policiers de la Sûreté du Québec. Il était question de réduire les droits de pêche au saumon, pour ce peuple qui en avait fait sa principale activité. En ces temps où existaient des tensions entre les autorités fédérales canadiennes et des politiciens québécois, tout ça n’était qu’un prétexte. D’autant qu’aucune mésentente réelle ne créait jusqu’à là de conflit entre les Indiens et la population d’origine européenne. Étonnante agitation dans ce secteur paisible de Gaspésie si pittoresque. Pourtant, la répression fut extrêmement violente de la part des policiers. Ce n’est pas la jeune Océane, quinze ans, Mi'gmaq vivant là avec ses parents, qui pouvait comprendre les enjeux de cet événement. D’instinct, elle sent néanmoins l’injustice. Bien que la zone soit interdite d’accès, elle rejoint sa famille. Hélas, elle va être victime des excès de la situation… Âgé de trente-cinq ans, Yves Leclerc est garde-chasse dans cette région. Chargé de la protection de la nature, il respecte les Mi'gmaq dont il connaît les préceptes traditionnels et l’Histoire. Ces peuples venus d’Asie, via le Détroit de Béring il y a quantité de siècle, ont conservé leur identité. Né dans une famille modeste, Yves se reconnaît en eux. Aussi démissionne-t-il aussitôt quand les autorités prennent pour cible les pêcheurs Mi'gmaq. Il recueille bientôt Océane, en fuite, et sous le choc. William Metallic est un ami d’Yves Leclerc. Ce sexagénaire Indien a choisi de vivre tel un ermite, entre les forêts et les eaux de la Gaspésie. Quand Yves est menacé par un duo d’individus dangereux, William intervient. Par contre, dans le cas d’Océane, il estime que seule une femme peut aider… Française originaire des Landes, Caroline Seguette est une jeune enseignante de Matapédia, dans la même région. Yves et elle sont devenus amants quelques mois plus tôt. Si elle est moins résistante au froid que lui, Caroline n’a pas le même regard qu’Yves sur cette contrée, qu’elle aime tout autant que lui. Sans hésiter, elle accepte d’héberger Océane, de s’occuper d’elle psychologiquement. Le quinquagénaire Pierre Pesant se prend encore pour un séducteur face aux étudiantes. Cet universitaire est sans nul doute un expert des aspects historiques du Québec. Mais les récentes affaires visant les Mi'gmaq ne se résoudront pas grâce à de beaux discours. Car dans ce contexte où perdure une forte crise, certains membres vindicatifs de la SQ continuent peut-être à traquer Océane. Caroline et l’adolescente sont, dès lors, en danger. Yves, William et Pierre ne ménagent pas leurs efforts pour les sauver… (Extrait) “Dans le cerveau de Leclerc, ça se bouscule. Il voudrait agir, saisir un des gars et frapper l’autre, tenter quelque chose, mais il pourrait nuire à son allié. Il faut faire confiance à William, qui ne doit pas être loin. Alors, il retient son souffle. Il ferme les yeux dans la boue. Il entend le gros poser son fusil, s’approcher avec ses bottes à cap d’acier et se pencher pour soulever la pierre en forme de carapace de tortue. Elle doit peser au moins quinze kilos. Il l’entend souffler un peu en se redressant et au moment où il l’imagine se placer au-dessus de lui, de sa tête, il perçoit un bruit sourd et sec, comme un bout de fer qui percute un tronc d’arbre gelé, comme un coup de hache dans un bouleau en plein hiver. Le claquement est suivi d’un intense gémissement de douleur…” Ce roman s’inspire d’un véritable épisode de l’histoire récente du Québec. Au même endroit, se déroula en 1760 la bataille de la Restigouche où furent impliqués Anglais, Français et indiens Mi'gmaq. Mais cette fois, en juin 1981, l’opération de police musclée n’avait aucun sens, sauf à désigner des bouc-émissaires pourtant inoffensifs. Les dessous de l’affaire, que l’on nous explique, ne sont que basse manœuvre politique. Il est vrai que, contrairement aux Amérindiens des États-Unis, ceux du Canada semblaient plus passifs dans la défense de leur culture. Une sorte de "paix sociale" qui convenait à l’ensemble des autres Québécois, pour lesquels aucun retour sur le passé ne s’imposait alors. C’est un kaléidoscope de chapitres courts que nous présente Éric Plamondon. Dont le point central serait le fameux saumon, que les Indiens nomment taqawan quand il revient dans sa rivière natale. Un poisson nerveux dont ils savent la noblesse. Occasion également pour l’auteur d’explorer quelques facettes de l’histoire du Québec, de cette Acadie que la France ne sut pas garder autrefois. Aussi remarquables que soient les décors, c’est l’être humain qui y dépose son empreinte, parfois positive, souvent négative. Nous sommes ici dans le second cas. La violence entraîne des réactions de survie. Éviter de sombrer dans ce noir déchaînement, Yves, William, Océane et Caroline en donnent l’exemple. Fidèle à ce que lui montra sa grand-mère couturière quand il était enfant, Yves cherche toujours “le droit fil”, la meilleure décision. Il ne s’agit pas strictement d’un polar, mais d’un roman d’une belle originalité, et d’une vraie profondeur. |