le navire qui tue ses capitaines de Maurice TILLIEUX


Le Navire Qui Tue Ses Capitaines TILLIEUX234

MAURICE TILLIEUX

Le Navire Qui Tue Ses Capitaines


Aux éditions DE L'ELAN

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Le mercredi 10 Janvier 2018

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Maurice TILLIEUX




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Marié depuis un an à la ravissante Stella, Dany Lorton est armateur à Liverpool. Pour leur anniversaire de mariage, plusieurs proches amis sont réunis chez le couple : un colonel retraité de l’armée des Indes avec son épouse, un jeune officier de la marine de guerre, et Joë Burton, un riche dilettante explorant le monde au gré de ses voyages sur son voilier. Dany Lorton raconte ses mésaventures à ses invités. Alors que son trois-mâts-voiles le Taï-Wan doublait le cap de Bonne-Espérance, le premier officier de bord Hapgate s’aperçut de la disparition du capitaine Miller, commandant du navire. Étrange, car la porte de sa cabine était hermétiquement close, et le hublot bien fermé. Hapgate trouva un message, de la main du capitaine : "Cette nuit du 28 juin, par X degrés de longitude est, et X degrés de latitude sud, le capitaine Miller a disparu."

Le Taï-Wan est malgré tout rentré à Liverpool, mais le Tribunal Maritime hésite à donner son aval pour la continuation de son activité. D’une part, le capitaine Miller n’avait pas la réputation d’être suicidaire ; d’autre part, dans le milieu maritime, on ne se fie plus guère aux bateaux sur lesquels s’est produit un drame. Néanmoins, l’armateur Dany Lorton va pouvoir organiser un prochain voyage, avec le capitaine Watson pour commandant. Grand amateur de mystères, Joë Burton se joindrait volontiers à l’expédition, mais il a déjà prévu une traversée jusqu’au Brésil en vue de découvrir l’Amazone. Quant à leur ami officier de marine Jacky Pootwick, il doit regagner son bord. L’essentiel, c’est que l’expérimenté capitaine Watson soit prêt à quitter pour quelques mois son douillet cottage côtier.

Certains incidents se produisent en parallèle. Un veilleur de nuit est agressé dans un entrepôt de fret maritime. Il semble qu’un inconnu s’était entre-temps caché dans une caisse déposée dans ce hangar. Par ailleurs, à Carnavon, le policier local est avisé qu’on a découvert un cadavre sur la plage. L’homme n’est pas identifiable. C’est le second corps venu s’échouer là depuis un an… Les mois ont passé. En mer, le Taï-Wan est sur le trajet du retour vers Liverpool. Au cap de Bonne-Espérance, l’officier de bord Hapgate redoute ce qui va effectivement se produire : le capitaine Watson disparaît. Peu après, un passager clandestin apparaît, souffrant de fièvres délirantes. Il va s’en remettre, mais on compte le confier à la police sitôt l’arrivée au port. Hélas, pas avare de fourberie, l’inconnu s’échappe bientôt, et causera même la mort d’un jeune agent de police.

L’inspecteur de police Francis Annemary est un enquêteur chevronné de Scotland Yard. Il renonce aux vacances auxquelles il a droit, pour s’intéresser à la double disparition des capitaines du Taï-Wan. En compagnie de Dany Lorton et de Joë Burton, il commence par explorer le navire. Il ne tarde pas à dénicher une partie de l’explication. Il va poursuivre ses investigations à Carnavon, réquisitionnant deux chalutiers pour mettre la main sur des éléments capitaux. Mais Francis Annemary n’est pas à l’abri du danger : on va tenter de l’empoisonner dans un restaurant. Néanmoins, il saura piéger le coupable…

(Extrait) “La nuit à bord du Taï-Wan se passa, très calme. John Hapgate avait pris son quart à deux heures du matin et il allait bientôt en être six. Il bailla et pensa qu’il allait pouvoir dormir dans quelques instants, et il n’en était pas fâché. Mais il faisait si chaud qu’il était certain de ne pas bien dormir, et il désira un peu de fraîcheur. L’air stagnait littéralement autour de lui ; l’atmosphère était lourde, pesante, pas un souffle ! On étouffait. Le soleil se levait et teintait l’horizon de nuances pâles […]

Il se demanda soudain si le capitaine avait disparu cette nuit ? Cette pensée, qu’il trouva ridicule, le fit rire. Pourquoi le capitaine eût-il disparu ? C’était la conversation d’hier qui lui mettait ça en tête. Voyons, quelle heure était-il ?”

Cet unique roman publié de Maurice Tillieux (1921-1978), auteur belge de BD, parut en 1943 aux Éditions A.Maréchal, de Liège, dans la collection Le Sphinx. À l’automne 2017, les Éditions de l’Élan l’ont réédité, reprenant le texte d’origine. On y trouve également des illustrations dessinées spécialement par René Follet pour cette nouvelle édition. S’y ajoute un double dossier illustré de documents d’époque : le premier sur le jeune Tillieux et ses débuts, par Daniel Depessemier ; le second sur les romans policiers belges durant la seconde guerre mondiale, par Étienne Borgers. Une curiosité littéraire fort intéressante, ce roman n’ayant plus été publié depuis la première édition.

Toutefois, il ne faut pas s’attendre à roman exceptionnel. On est loin des ambiances de ports telles que décrites par Pierre Mac Orlan, ou même Georges Simenon. Située vers 1927, l’intrigue rappelle les suspenses anglais de l’époque. Des disparitions énigmatiques en mer, quelques faits suspects en Grande-Bretagne, un jeune armateur et son entourage, un policier émérite, l’auteur utilise avec un certain talent les codes du genre. Il est habile à dresser le portrait des personnages, y compris des intervenants annexes tels le sergent de police Templeton, le réceptionnaire d’entrepôt Old Nick Fidler, l’agent Anthony Pucky, etc. L’aspect maritime est très bien mis en valeur, comme il se doit. Et la nature criminelle ou mystérieuse des situations s’avère évocatrice. On sourit parfois, entre amis, comme il est de bon ton au sein de la distingué société britannique d’alors.

Nous sommes là dans la tradition du roman d’enquête de bon aloi, distrayant et d’un niveau très satisfaisant. C’est donc une excellente initiative de proposer aux lecteurs de redécouvrir ce livre oublié de Maurice Tillieux, qui deviendra un grand nom de la BD.

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