1892, le petit village d'Abinei en Sardaigne semble bénéficier d'une attention particulière du ciel : sa population est stable, parfaitement stable. Quand il y a une naissance, elle est immédiatement balancée par une mort ; si quelqu'un meurt, un autre naît. Vraiment, don Cavili, le curé, est certain que Dieu veille sur Abinei. En ce jour où une naissance est annoncée, les comptes restent bons, Milena Arras, veuve acariâtre du défunt notaire meurt. Il semblerait cependant que Dieu ait été un peu aidé cette fois, le médecin a un doute, et fait venir du village voisin le capitaine des carabiniers, et Efisio Marini, son ami, médecin légiste connu dans toute l'Europe pour ses découvertes et ses techniques d'embaumeur. Quelques jours plus tard, Efisio confirme ses doutes : Milena a été empoisonnée par la dernière hostie qu'elle a avalée. Et comme ce sont deux jumeaux qui voient le jour, une prochaine mort est à craindre ...
Certes le roman se passe à la fin du XIX° siècle, mais le village d'Abenei est tellement figé qu'il semble intemporel. Minéral comme son paysage, l'horizon bouché par la montagne et la forêt toutes proches, il façonne les mentalités de ses habitants qui paraissent appartenir davantage au Moyen-Âge qu'au XIX siècle industriel et scientifique. Même Efisio, personnage qui cherche à apporter la lumière, véritable héritier des encyclopédistes, ne pourra pas le faire broncher. Ce mimétisme entre une population et son environnement est superbement rendu par Giorgio Todde que l'on compare parfois, bien à tord, à Camilleri : Son humour est beaucoup plus sombre, son ton beaucoup moins pittoresque et fleuri, et si Camilleri donne envie de visiter Vigata, Todde et son personnage, dressent le tableau sans concession d'une Sardaigne misérable et arriérée.
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