coup de chaud à la butte-aux-cailles de Yves TENRET


Coup De Chaud à La Butte-aux-cailles TENRET178

YVES TENRET

Coup De Chaud à La Butte-aux-cailles


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Le jeudi 19 Mars 2015

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Yves TENRET




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Walter Milkonian connaît une fin de carrière précipitée dans l’Éducation Nationale. Ce prof était, depuis quelques temps, plus assidu dans les bistrots qu'à ses cours, il est vrai. Puis c'est son épouse Léa qui le vire de leur domicile. Walter trouve refuge auprès de son gros ami César, rue Buot, dans le quartier de la Butte-aux-Cailles. C'est une maison décrépite, auquel son copain apporte plus de désordre que de rangements. Il n'y a pas souvent de nourriture solide dans cette baraque. Heureusement que Walter fréquente des bars à l'entour pour lutter contre la soif. Car, en plus, la canicule sévit sur Paris. Par ailleurs, il y a de quoi s'interroger sur les décès de quatre de ses amis en six mois. Des morts suspectes, plus ou moins. Walter n'étant jamais vraiment à jeun, se souvenir d'eux est un prétexte supplémentaire pour s'alcooliser.

Sexagénaire, le gros César est un curieux personnage. C'est un combinard vivotant sans qu'on sache vraiment d'où viennent ses rentrées d'argent. Certes, Walter lui en donne de son côté en guise de participation aux frais. Mais ce n'est sûrement pas l'essentiel de ses revenus. César rend des services, voilà tout ce que l'on sait. Il faut dire que dans ce 13e arrondissement, où les Asiatiques sont extrêmement discrets sur leurs activités, bien des choses ne sont pas déclarées. Et on imagine que des caïds dirigent tout cela, en veillant à ne pas faire de vagues. Quasiment pas de criminalité, pourtant. Sauf ce jour-là où, dans un salon de massage, une demie-douzaine de morts violentes sont à déplorer. César était sur les lieux, il ne s'en cache pas, mais s'explique astucieusement à la télé.

Tout en étant un habitué du quartier, Walter s'aperçoit qu'il ne sait presque rien de tout ce qui se passe ici, dans Chinatown. Sa caractérielle amie coréenne Park Yun ne se sent guère proche des autres Asiatiques. Elle lui permet de rencontre Marc Palovski, sinologue averti, pas dupe de l'omerta régnant dans cette partie de la population parisienne. Car on y pratique une exploitation des femmes, qui n'a rien à envier à d'autres mafias. Ce réseau de huit salons de massage qui vient d'être mis à jour le démontre assez clairement. Selon Le Commissaire, ami de Walter, les hôtesses de ces salons ne se plaignaient pas de leur sort. Néanmoins, tout cela reste illégal, car il s'agit bien de proxénétisme. Walter découvre un trafic auquel participe César. Une piste concernant la mort de ses quatre amis ?…

Les Éditions de la Différence lancent une "collection noire" débutant sous de sympathiques auspices. En effet, ce suspense signé Yves Tenret s'avère fort agréable à lire. D'abord, parce que c'est l'occasion de vagabonder dans le quartier de la Butte-aux-Cailles. Entre la Place d'Italie et la rue de Tolbiac, subsiste encore une ambiance de quartier à l'ancienne, associé à la chanson “Le temps des cerises”, même si l'on nous avoue que c'est parfois un peu factice. Un secteur qui doit abriter son lot de marginaux, d'assoiffés perpétuels, de raconteurs de bobards, d'artistes inconnus, héritiers du populo d'autrefois.

La balade continue à travers le Chinatown du 13e arrondissement de Paris : “L'endroit, assez inouï dans son genre quelconque, le plus putride, le plus sordide, le plus morbide, le plus hallucinant, le plus délinquant des arrondissements de Paris en l'an 2000, est devenu aujourd'hui le plus chiant de toute la capitale” estime Walter. Derrière l'intrigue proprement dite, l'auteur s'intéresse donc à la communauté chinoise, et plus largement asiatique. On a du mal à croire que tous seraient parfaitement insérés dans la société française. S'ils font en quelque sorte profil bas, ça ne signifie peut-être pas qu'ils aient des choses à masquer. Pas la moindre délinquance, aucun petit ou gros racket ? Voilà une société trop parfaite en ce 21e siècle, lisse jusqu'à en devenir douteuse. Yves Tenret n'oublie pas l'aspect criminel de l'histoire, où le “pourquoi” importe davantage que le reste. Un polar fort attachant, à découvrir.

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