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B. TRAVEN |
L'armée Des PauvresAux éditions CHERCHE-MIDIVisitez leur site |
598Lectures depuisLe vendredi 13 Decembre 2013
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Une lecture de |
Au début du 20e siècle, le général Porfirio Díaz règne sur le Mexique depuis plus de trente ans. Son régime politique autoritaire assure une prospérité économique, dont seuls les plus riches profitent. C'est en particulier le cas des certains propriétaires terriens, dont les domaines couvrent d'immenses hectares. Les péons qui travaillent là pour un salaire de misère n'ont rien à réclamer, à peine un logement pour leur famille. Dans la fidélité de ces paysans, il ne faut voir que de la soumission. Le pouvoir dictatorial impose sa loi, grâce à des troupes régulières, mais surtout par la violence de la Guardia Rural. Ces “rurales” sans pitié sont craints à travers toutes les régions du Mexique. Néanmoins, la colère commence à gronder parmi les plus pauvres citoyens, qui se qualifient de “muchachos”. Indien rebelle, Juan Mendez s'est autoproclamé Général, créant une armée qui avance au cri de “Terra y Libertad”. Redistribution des terres et liberté pour le peuple, bien que ces notions restent floues dans l'esprit des rebelles, le principe est fédérateur. Entouré du Colonel, du Professeur, de Celso et d'une poignées de fidèles constituant son état-major, le Général progresse à travers la région, ses troupes grossissant. Prendre d'assaut des ranchs, des “fincas”, dont ces propriétaires “finqueros” ont déjà fui avec leurs proches, ce n'est guère difficile. Sur leur trajet, les “muchachos” vont en trouver quelques-uns, de ces domaines abandonnés par les maîtres. À part évoquer la Révolution, les rebelles n'ont rien à apporter de concret aux modestes péons. Alors, autant détruire ces “fincas” au passage. Le pouvoir a envoyé des troupes afin de contrer l'essor de cette armée. “Mais ce qui faisait de Général un grand capitaine bien supérieur au chef des “rurales”, c'était le don qu'il avait de se mettre à la place de son adversaire et de penser comme lui.” La stratégie n'est pas inutile dans cette contrée où il est malaisé de combattre. Des le premier affrontement, qui vire au massacre, l'armée des rebelles s'empare d'un joli butin. Armes et mitrailleuses ne sont par forcément nécessaires aux “muchachos” habitués au corps à corps frontaux, mais c'est la marque de leur victoire. Si le petit peuple n'est pas vraiment libéré, la vengeance des propriétaires restant à craindre, au moins fait-on la tête dans les patios des domaines. Une fraternisation avec les péons, à la lueur de feux de joie brûlant les biens des maîtres. Tandis que les rebelles envisages de s'emparer d'une petite ville, Achlumal, rusant pour laisser croire qu'ils en convoitent une autre, les troupes fédérales assurent leur présence. Quand des “muchachos” tombent entre les mains d'un général officiel tel que Don Petronio Bringas, ils n'ont droit qu'à un procès expéditif. Plutôt qu'exécutés, ils sont torturés à mort par des fermiers revanchards. Certes, la rébellion s'étend par groupes armés, dans tout le pays. La détermination, le Général indien et ses hommes l'ont toujours. “Nous n'avons pas besoin d'uniformes. Et pour aller au combat, nous n'avons pas besoin non plus de drapeaux et autres torchons comme ceux que vous brandissez pour vous donner du courage.” Pourtant, sans se résigner, il leur faudra bien un jour se poser quelque part... Quand on évoque B.Traven, on pense immédiatement à son plus grand succès, “Le trésor de la Sierra Madre”, porté à l'écran par John Huston. Même si des renseignements ont été collectés sur lui depuis son décès en 1969, cet auteur cultiva une aura de mystère autour de sa vie. Installé au Mexique dès le milieu des années 1920, il évoqua largement son pays d'adoption dans son œuvre, écrite en langue allemande, et pour l'essentiel méconnue en France. Excellente initiative que de proposer aux lecteurs cet ouvrage hors norme. Épopée sociale et éloge de la révolte, cette histoire s'inspirant de la Révolution mexicaine ne se cherche pas à restituer des faits précis. Il s'agit bien d'un roman, construit comme tel, avec ses tumultueuses péripéties. C'est tout le contexte d'une dictature, dont il est question ici. La cynique duplicité de ceux qui servent un régime dont ils n'ignorent pas les excès, qui assouvissent leurs propre cruauté. Des propriétaires terriens, assez lâches pour se mettre à l'abri, qui ne méritent sûrement pas leur fortune. Des rebelles, suffisamment malins pour résister le plus longtemps possible, qui n'ont pas grand chose à offrir, sinon un peu d'espoir. Être pauvre mais libre vaut mieux qu'être asservi, même si l'utopie peut coûter la vie. Montrant qu'il s'agit d'un monde régi par la force, par une extrême dureté, B.Traven n'accable finalement personne. À chacun de tirer ses propres leçons. Un excellent inédit à ne pas manquer ! |