L’or empoisonne les esprits, les cœurs. L’or cette vieille passion humaine conduit à l’inhumanité, on le sait. L’or. Notre narrateur, inspecteur de police sans nom, lit sa trace dans le clivage profond entre le peuple misérable de Corinthe et ses riches, enfermés derrière de hauts murs couverts de tessons. Il va en suivre le sillage doré dans la destinée de deux enfants égorgés, deux enfants innocents, les deux seuls âmes pures de cette histoire. Est-on dans la réalité noire, dans une peinture de la réalité grecque quotidienne, entre corruption et magouilles, malhonnêteté et misère ? Oui, car l’origine sociale des souffrances est patente. Non, car il entre dans ce roman de merveilleuses pages de poésie, et je ne sais pourquoi ? à cause de l’écriture, penchée vers les paillettes qui nagent dans les yeux des femmes, à cause de l’or qu’on boit, à cause sans doute aussi des multiples voix qui forment le chœur des témoins, je me sens plutôt du côté de l’épopée intime. Si les morts ne parlent pas, les sorcières chantent, les lumières sont autant des phares que des leurres, la souffrance est un champ terrible qui recèle tous les pièges, pour l’enquêteur autant que pour la famille des enfants sacrifiés. Jean-Louis Tourné, l’auteur, laisse à ses lecteurs la liberté inimaginable de fixer l’époque. Contemporaine ? Antiquité ? A vous de voir. L’argent est partout, sous sa forme moderne, mais aussi, sous sa forme antique : l’or, et le roman plonge ses racines dans l’amour ancestral et fou de l’humanité pour ce métal. L’époque est incertaine, la mer est éternelle, les souffrances et l’amour aussi. La corruption et la violence également… Il y a quelques jours, je me réjouissais qu’on puisse trouver dans la petite édition de merveilleux chants (Les Enfants de Lilith-Laurence Bibberfeld- ed Au-delà du raisonnable). Avec Albiana et ce merveilleux livre court et rêveur, c’est un bonheur de vous recommander à nouveau une lecture originale qui ne pourra que ravir les amoureux de la littérature.
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