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JOHAN THEORIN |
Froid MortelAux éditions ALBIN MICHELVisitez leur site |
1852Lectures depuisLe jeudi 21 Mars 2013
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Une lecture de |
La vengeance est un plat qui se mange froid ! Mais pas surgelé, on se sait jamais, une fièvre de cheval est vite attrapée ! Un entretien d’embauche, c’est toujours périlleux, surtout lorsqu’on traîne derrière soi une petite casserole. Cela date de neuf ans auparavant, mais on ne sait jamais, les erreurs sont plus vite décelables que les bonnes actions. Jan Hauger, à peine trente ans, a posé sa candidature pour devenir enseignant dans une maternelle à Valla, environ cent kilomètres à l’ouest de Stockholm. Il est reçu par le docteur Högsmed qui préfère qu’on l’appelle par son prénom, Patrick, plutôt que par son titre. Une coquetterie. Jan possède de nombreux certificats de puériculteur et professeur de maternelle avec de bonnes références, et il est assez confiant dans l’obtention de ce poste. Il a effectué neuf remplacements en six ans et n’est donc plus un débutant. Mais on ne sait jamais. L’examen de passage est concluant. Jan redoutait que Högsmed téléphone à Nordbro, pourtant c’est ce que fait le docteur. Bonne pioche, ce n’est pas la directrice du Lynx qui répond mais celle du Tournesol. Ouf, il est soulagé. En effet, lors de son premier emploi neuf ans auparavant, il avait égaré un gamin de cinq ans, William. Et cela aurait pu être rédhibitoire. Le docteur Högsmed dirige un centre psychiatrique, la clinique Sainte-Barbe, que les habitants de la petite ville ont déformé en Sainte-Barge. Et Jan va rejoindre l’équipe de puériculteurs en charge des gamins à La Clairière, un bâtiment qui jouxte la clinique. Les enfants sont accueillis dans la journée puis repartent le soir dans des familles d’accueil sauf trois d’entre eux qui dorment sur place. Ce sont les fils et filles d’internés. Et Jan sera chargé, entre autres occupations, de convoyer un enfant de temps en temps afin qu’il rende visite à l’un de ses parents. Ce pourrait être une sinécure, sauf que Jan s’est fait embauché pour une raison précise. Dans le temps il a connu Alice Rami, une jeune fille révoltée qui jouait de la guitare. Il l’aimait, sans qu’elle le sache, quoique, on ne sait jamais dans la vie. Depuis la retrouver est devenu une véritable obsession, un besoin intense. Une de ses collègues remarquant un poster d’Alice Rami avec sa guitare, alors que la jeune fille avait enregistré son premier disque et commençait à se faire un nom, déclare qu’elle est internée dans un hôpital psychiatrique. D’où sa demande d’embauche à Sainte-Barbe, lorsque Jan a découvert une petite annonce. Mais il lui faut absolument trouver un moyen pour la rencontrer. Jan est un solitaire, il n’a pas d’amis. Pourtant il se lie avec ses collègues, Hanna et Lilian, qu’il retrouve le soir au Bill’s Bar. Lilian boit, trop, quant à Hanna, elle est plus réservée. Elles possèdent toutes deux une fêlure, une meurtrissure dont elles évitent de parler. Marie-Louise, la directrice, et Andréas son collègue masculin, il les côtoie, sans plus. Lorsqu’il est dans son appartement en sous-location, il s’attelle à sa bande dessinée, une œuvre de longue haleine dont il ne sait pas s’il la terminera un jour. Le Farouche et la Bande des Quatre, c’est le titre. Un jour, un des gamines dont il a la charge lui demande de lire un livre qui était caché sous des coussins. Un cahier plus exactement, écrit à la main, et dont les dessins sont juste esquissés. Quatre cahiers, qu’il emmène chez lui et dont il termine les gravures qu’il colorie ensuite. Mais son idée fixe, c’est de pouvoir s’infiltrer dans Sainte-Barbe. Il a déjà pris des repères en emmenant des gamins, mais la solution lui est donnée lorsque l’un des musiciens du groupe qui joue le soir au Bill’s Bar, lui demande de servir de facteur. Le musicien et l’un de ses accompagnateurs font parie du service de sécurité de Sainte-Barbe. Jan va à l’insu de tous déposer du courrier dans la salle où les enfants sont réceptionnés et récupérer d’autres lettres afin de les poster. Bon nombre de ces missives sont adressées à Ivan Rössel, un tueur en série qui a défrayé la chronique des années auparavant. Ivan Rössel, quoi qu’il s’en défende, est accusé d’avoir tué des adolescents lorsqu’il était enseignant, et d’autres crimes. Une célébrité locale qui fait jaser dans la petite ville de Valla. Johan Theorin souffle le chaud et le froid dans ce roman et l’angoisse qui étreint le lecteur devient progressivement impressionnante, tout en restant diffuse, troublante. Le chaud étant représenté par une scène inquiétante dans un sauna. Le lecteur est en perpétuelle attente d’éléments permettant de comprendre les motivations de Jan Hauger, mais celles-ci ne sont dévoilées qu’à petites touches. Dans le récit proprement dit de son séjour à Valla, s’intègrent les réminiscences de sa période comme débutant au Lynx, et de ce qu’il a pu tramer pour mettre en émoi l’école maternelle par la disparition du jeune William à Nordbro. Mais il faut encore remonter le temps, et le découvrir interné au PAF, pôle psychiatrique adolescents-familles. Tout est dosé en subtilité et l’épilogue est habilement mis en scène, même s’il ne correspond pas ce à quoi je m’attendais. Johan Theorin joue avec les nerfs, il s’en délecte, et le lecteur ne peut qu’en redemander. Car le lecteur, le vrai, celui qui aime lire, est un masochiste. Il veut, à l’instar des petits-enfants, qu’on lui fasse peur. Il apprécie les frissons, ceux qui font accélérer le palpitant, mais distillés avec subtilité. Les trucs sanguinolents deviennent à la longue du Grand-Guignol et ne font plus d’effet. Tandis qu’une histoire qui procure de l’émotion touche plus intensément le lecteur. Surtout lorsque des enfants font partie intégrante dans la distribution des rôles. S’il n’y avait eu comme protagonistes que des adultes, la portée émotive n’eut point été pareille et aussi prégnante. Johan Theorin revisite les contes pour enfants, les adaptant pour des adultes qui n’ont pas perdu leur part de rêve, comme lorsqu’ils lisaient Le Petit chaperon rouge ou le Petit Poucet. |
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