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FRANCOIS THOMAZEAU |
Les Anneaux De La HonteAux éditions L ARCHIPEL |
2216Lectures depuisLe vendredi 1 Septembre 2012
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Une lecture de |
Marseillais d’origine, Albert Grosjean fut un as de l’aviation durant la première guerre mondiale, engagé très jeune. En 1936, il est reporter pour un journal sportif proche du Parti Communiste. Il préfère couvrir l’Olympiade de Barcelone, en juillet, plutôt que les Jeux Olympiques de Berlin en août, qui seront à la gloire des nazis. Hélas, dès leur arrivée en Catalogne, Albert et la délégation française sont confrontés aux prémices sanglants de la guerre civile. Soutenus par les services secrets anglais, des généraux lancent une insurrection nationaliste contre les Républicains. Si la violence gagne toute l’Espagne, on ne sait pas encore qui les Anglais comptent imposer comme chef. Ils emploient un tueur anonyme, qui a déjà fait ses preuves quelques mois plus tôt en Autriche. L’Olympiade annulée, les Français sont rapatriés en bateau vers Marseille. Grosjean n’ignore pas que la ville est tenue par des politiques et des truands mafieux proches du fascisme. À Paris dès son retour, Albert Grosjean cherche à se rendre au jeux de Berlin. En Espagne, son ami Ernst Sorman l’a chargé d’une mission : transmettre une bague à sa fiancée Anna Meyer. Ayant des chances d’être médaillée, cette athlète juive a été admise dans l’équipe allemande. Pourtant, c’est une toute autre mission qui va permettre à Grosjean de se rendre aux Jeux. L’ex-préfet Jean Moulin le charge de découvrir quels sont les plans des nazis, pour le ravitaillement en armes des généraux espagnols. De son côté, le gouvernement Blum qui envoie discrètement de l’armement aux Républicains, a besoin de savoir jusqu’où va l’ingérence des nazis et des Anglais dans les affaires espagnoles. Albert accompagne sous un faux nom la délégation sportive française à Berlin. La presse internationale y est la bienvenue, pour célébrer la grandeur du Reich et les exploits des aryens. Après la soirée de Goering dédiée aux champions de l’aviation, Albert est invité à la fête que Goebbels organise au zoo de Berlin. Le reporter comprend vite que les espions, traficoteurs et truands de toute l’Europe se sont donnés rendez-vous à Berlin. Y compris son ex-copain d’enfance Sauveur Santoni, au service des mafieux marseillais. Albert courtise Olga Riegele, la sœur du puissant Hermann Goering, afin de tromper l’ennemi. Il côtoie également Unity Mitford, l’admiratrice la plus ardente d’Hitler, l’esthète cinéaste Leni Riefensthal, ou la vraie-fausse maharani Sonja Vitashi qu’on dit espionne. La compétition débute dès les premiers jours d’août. Si Albert la suit peu, il remarque l’exceptionnel Jesse Owens. Prendre contact avec Anna Meyer n’est pas si compliqué. Albert finit par réaliser qu’il a été manipulé par Ernst. Néanmoins, il transmet des dossiers secrets à Jean Moulin. Sa mission est loin d’être terminée pour autant… C’est une admirable reconstitution de l’atmosphère de cette année-là, que nous propose François Thomazeau. Certes, nous savons ce qu’ont symbolisé ces Jeux Olympiques de 1936 dans la montée triomphante du nazisme. De même, on sait quels enjeux représentait la guerre civile espagnole. Malgré tout, il n’est pas inutile de souligner que l’Europe d’alors grouillait d’espions, souvent doubles ou triples. Ni que les exécutions sommaires n’étaient pas rares, au nom de troubles intérêts plus ou moins politiques. C’est dans cet infernal panier de crabes que l’auteur plonge son héros. Ça nous permet de croiser bon nombre de personnages historiques. Dont quelques-uns fort peu fréquentables, mais aussi Jean Moulin et d’autres proches du gouvernement de Front Populaire. Il faut lire attentivement le bel éloge concernant Jesse Owens. S’il dominait les autres athlètes et ridiculisait le régime hitlérien, c’était avant tout un authentique gentleman. Son principal adversaire Lutz Long ne s’y trompa point. On est donc entre fiction et réalité, si près des faits tels qu’ils se déroulèrent. Roman d’aventure baignant dans un contexte d’espionnite aigue, ce suspense restitue par petites touches un épisode essentiel et dramatique du passé. Une juste illustration des évènements qui, trois ans plus tard, menèrent à la seconde guerre mondiale.
En ce 18 juillet 1936, les rues de Barcelone connaissent une affluence et une effervescence inhabituelles. Est-ce parce que des jeux olympiques parallèles à ceux de Berlin se tiendraient dans la capitale catalane, organisés par des sportifs protestataires et hostiles aux officiels organisés par Hitler et sa clique ? Il semblerait que oui, car de nombreux journalistes sportifs et d’athlètes se retrouvent dans les divers hôtels de la ville, sur les ramblas, dans les cafés. Toutes les nationalités sont représentées ou presque. Parmi les reporters, Albert Grosjean, qui est envoyé le journal Sport, retrouve avec plaisir certains de ses confrères, Mais ce bouillonnement possède aussi une autre cause, moins pacifique que les affrontements entre athlètes dans un stade. Un coup d’état militaire est fomenté par des phalangistes, des généraux réactionnaires dont les soldats se sont emparés de casernes au Maroc et dans toute l’Espagne. Les journalistes sont consignés dans leurs hôtels dans le centre et sont priés de ne pas s’éloigner. La révolution est en marche. Parmi ses confrères, Albert Grosjean retrouve son ami Ernest Sorman par hasard, mais celui-ci disparait non sans avoir laissé au concierge de l’hôtel où est affecté Grosjean une lettre et un paquet. Sorman souhaite que Grosjean remette un anneau, une alliance, à une femme qui lui est chère et qui pour l’heure est en Allemagne. Malgré son envie de participer à la révolution, ses idées politiques penchant vers le parti communiste, Grosjean retourne en France afin d’accomplir sa mission. Il lui faut une couverture et Grosjean demande à son rédacteur de lui permettre de couvrir les jeux de Berlin. Or il était prévu de boycotter les jeux et l’idée qu’un journaliste de Sport couvre l’événement déplait fortement au responsable de l’hebdomadaire. Grosjean plaide sa cause en avançant un argument implacable : En n’y allant pas, nous laissons la presse réactionnaire écrire ce qu’elle veut. Nous encourageons une couverture unilatérale des jeux. Convaincu le patron de Sport lui annonce fièrement peu après qu’un rendez-vous avec un assistant de Pierre Cot, ministre de l’Air, un certain Jean Moulin, est programmé. Grosjean va donc pouvoir se rendre à Berlin muni de deux missions. Remettre l’anneau à Anna Meyer, l’amie de Sorman, d’une part, ce qui lui semble relativement facile. Seulement Anna Meyer a fait l’objet d’une vive controverse entre les autorités allemandes et le Comité international olympique. Devenue un symbole, elle est hautement surveillée et il sera difficile de l’approcher, à première vue. Car il est fort étonné de voir la belle athlète juive s’afficher au bras du ministre de l’éducation du peuple et de la propagande. L’autre mission confiée à Albert Grosjean par Pierre Cot et Jean Moulin relève de la taupe. La France s’est engagée à ne pas aider les Républicains espagnols, a ne pas livrer d’armes, à n’envoyer aucun militaire français. Une intervention trop marquée en faveur de la République espagnole et les radicaux nous lâchent… C’est la fin du Front populaire… De plus, l’Angleterre, principal alliée de la France, verrait d’un mauvais œil une ingérence ou action en faveur de la république espagnole. Cependant le gouvernement français suppose que les Allemands et les Italiens possèdent des plans secrets de livraison d’armes aux généraux de Burgos. Et Grosjean doit vérifier et éventuellement confirmer cette indication. Et c’est ainsi que le voilà lancé dans le grand bain, simple journaliste au milieu des dignitaires nazis, Goebbels en tête, pataugeant parmi les athlètes dans la piscine ou courant derrière sur le stade, côtoyant agents doubles ou triples, femmes fatales et espionnes de haut-vol, dégoûté comme certains de ses confrères en entendant les propos racistes et antisémites à l’encontre de certaines personnes de leur entourage et des sportifs qui doivent participer aux épreuves, et assister aux tricheries organisées sous la bienveillance de la clique hitlérienne. Ici aussi, sous couvert d’idéal olympique, chacun défendait son médiocre drapeau et tous les coups étaient plus ou moins permis. Juges crapuleux vendus à l’Allemagne, hommes concourant dans les épreuves féminines, doping, sans parler des tensions raciales que dissimulaient timidement les bons usages olympiques. Sous couvert de fiction, François Thomazeau nous invite à participer en spectateurs parfois révoltés à cette période trouble dont les points de fixation furent les Jeux de la honte, jeux qui n’étaient qu’un écran de fumée, et le putsch militaire espagnol, dans un roman document à fort relent d’espionnage. Les personnages fictifs et réels se fondent et cohabitent, afin de donner plus de force à certains événements. Les accidents par exemple perpétrés à l’encontre des généraux nationalistes José Sanjurjo et Emilio Mola, tous deux généraux nationalistes, décédés lors de voyages en avion. Le rôle de la France dans la diplomatie internationale mais surtout celui ambigu de la couronne britannique et d’autres nations. La fonction discrète de Jean Moulin lors de son passage comme chef de cabinet au ministère de l’Air du Front populaire, entre deux affectations dans des préfectures. Et bien d’autres personnages qui firent parler d’eux dans des circonstances plus ou moins honorables. Kim Philby, André-François Poncet, Edouard Corniglion-Molinier, Robert Perrier, Unity Valkyrie Mitford, le Major Hugh Pollard, Leni Riefenstahl, Simon Sabiani, sans oublier le “ héros” de Berlin, Jesse Owen. Et il est à remarquer que l’esprit des Jeux de Berlin, esprit fort décrié car il s’agissait plus d’une propagande que d’une véritable manifestation sportive dans la lignée spirituelle de Pierre de Coubertin, cet esprit de compétition est encore et toujours un véritable marché soumis à la gloire de la finance. Le trafic d’influence laissant place à la tricherie est toujours de mise malgré les dénégations officielles. Dernier exemple en date, les petits arrangements entre amis dans le monde de la boxe amateur. Les cris de singe lancés aujourd’hui dans les stades de football à l’encontre de joueurs de couleur, Jesse Owen lui aussi les a subi, et dans un endroit qui n’était pas choisi par hasard : le zoo de Berlin. Quant à la déclaration de ce journaliste du Miroir du Monde, n’est-elle pas reprise, sous une autre forme guère plus élégante dans d’autres domaines sportifs : Un Woodruff, un Owens, un Johnson sont autant d’obstacles insurmontables pour la race blanche. Il faudra se décider un jour à les éliminer des compétitions qui seront alors réservées aux Blancs. Ce n’est pas là une attaque contre les Noirs qui sont, pour la plupart, de braves garçons dociles et de bons enfants. C’est une mesure d’égalité, simplement. Or, il apparait de plus en plus évident que l’atavisme animal des Noirs les avantage par trop dans leurs luttes musculaires contre les Blancs, dont les conditions de vie sont différentes depuis des générations. Edifiant, non ? Enfin, n’oubliez pas de demander à votre libraire deux marque-pages. L’un pour signaler l’endroit où vous arrêtez la lecture de ce roman document pédagogique, l’autre pour le placer au niveau du lexique auquel vous vous référerez immanquablement. |
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