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MAUD TABACHNIK |
Je Pars Demain Pour Une Destination InconnueAux éditions L'ARCHIPELVisitez leur site |
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Une lecture de |
Je pars demain pour une destination inconnueMaud TabachnikEditions l’Archipel, 2012Qui ne connait l’histoire d’« Exodus », ce bateau plein de rescapés des camps de la mort, qui, en 1947 tentèrent de rejoindre la Palestine. Israël n’existait pas, et la Palestine se trouvait alors sous mandat Britannique. Occupation serait un mot plus juste…Le pétrole était déjà une denrée fort convoitée et les états, déjà, étaient prêts à tout pour obtenir l’accès à l’or noir. Qui se souvient que les successeurs de Churchill firent le choix de soutenir le grand mufti de Jérusalem de l’époque, celui-là même qui avait signé une alliance avec Hitler ?Maud Tabachnik se souvient, elle, et rend compte du destin effroyable des rescapés des camps d’extermination, apatrides parce que sans papier, famille dispersée et dans la plupart des cas, disparue en fumée. À partir de 1946, ils furent maintenus assignés à résidence dans des baraques presque identiques à celles d’Auschwitz ou Treblinka. Elle se souvient et raconte la révolte de ceux qui ne voulaient pas rester sur la terre de leurs tortionnaires, et le formidable élan qui les poussait à rejoindre la « Terre Promise ».Il n’est pas vain de rappeler, au travers de destins individuels romancés se croisant et se rencontrant pour parfois s’aimer ou se perdre, que les malheureux d’Exodus finirent dans un camp allemand, gardés par des soldats allemands eux-mêmes prisonniers de guerre. On n’ose imaginer ce qu’eut d’effroyable ce retour derrière les barbelés auxquels ils avaient cru échapper.Bien sur, de la situation actuelle, des camps dans lesquels aujourd’hui les Palestiniens sont enfermés, Maud Tabachnilk ne dit rien. Mais ce qu’elle raconte, d’une plume documentée et sans concession pour les Anglais, ou la faiblesse du gouvernement français, est un portrait écœurant de la diplomatie internationale et de ses éternels arrangements avec la conscience. Et si les destins individuels dessinés en filigrane ne peuvent qu’émouvoir, c’est plutôt la nausée et la colère qui conduisent le lecteur page après page. Les alliances, les intérêts, publics ou privés, les besoins en pétrole et la rivalité politique doivent-ils, à tout jamais, être la seule règle ? Son évocation de Marga, Ike, Avraham ou Yoshi nous rappelle que la seule loi devrait être celle de l’humain. Vision romantique du monde ? Alors oui, je veux bien du qualificatif.La plume de Maud Tabachnik s’est davantage appliquée à la peinture historique, les personnages faisant, dans ce roman, plus figure de prétexte. Il n’en reste pas moins qu’ils incarnent profondément l’humaine condition face aux manœuvres de tous bords.Merci à Archipel, qui après les « Anneaux de la Honte » de Thomazeau (les jeux de 36 à Berlin) nous secoue la conscience en danger de ronronner entre loto et faits divers.Quant au titre, c’est l’inoubliable entame d’une lettre d’adieu écrite à Drancy…
L’exode de l’Exodus. Les tribulations de l’Exodus, le navire qui devait emmener plus de 4500 Juifs vers la Terre Promise, ont été immortalisées par le roman de Leon Uris, et surtout par le film éponyme d’Otto Preminger avec Paul Newman. Seulement dans la réalité, ce voyage ne s’est pas déroulé comme cela a été conté. Sous couvert de roman, Maud Tabachnick nous raconte la véritable histoire du President Warfield, rebaptisé Exodus 47, de ses passagers et de ceux qui ont été à l’origine de cette aventure. Elle met en scène, si l’on peut dire, des personnages réels, contrairement à Leon Uris et Otto Preminger qui eux avaient inventé des héros de fiction. Et le terme du voyage ne fut pas si idyllique qu’il fut conté. 30 mai 1947. Le jeune Serge Menacé, dont les parents ont été abattus sur ordre de Paul Touvier, a demandé une entrevue avec l’abbé Glasberg qui officie à Lyon. Ce n’est pas tant en souvenir de sa grand-mère, que le religieux a rencontré au camp de Drancy, que Serge veut le voir, mais parce qu’il pourrait l’aider, lui et ses compagnons, grâce aux relations que l’ecclésiaste entretient. En effet la Haganah, l’armée juive clandestine, veut ramener au pays les Juifs qui n’ont plus d’endroit pour vivre. La Haganah a acheté un vieux bâtiment à Baltimore, le President Warfield, et après des réparations dans un port italien, il stationne à Sète afin d’emmener plus de quatre mille cinq cents passagers. Or Glasberg peut, grâce à son ami le cardinal Gerlier qui a ses entrées à Matignon, obtenir des autorités civiles et militaires l’autorisation d’embarquer. Mais les quotas édictés par le gouvernement anglais sont gelés. En effet l’empire britannique, depuis des décennies, possède une main mise sur les états arabes qu’il n’est pas prêt de vouloir abandonner. Et Clement Attlee, le premier ministre, est fermement décidé à empêcher tout embarquement vers la Palestine. Un agent du SIS, Secret Intelligence Service, John Milton, est envoyé sur place pour faire avorter le projet. Ahmed Yassim, qui dirige depuis deux ans la principale branche armée des Volontaires arabes constituée dès 1920, est chargé de prévenir les Anglais s’il découvre les projets sionistes. L’armée des Volontaires arabes a été constituée vingt ans auparavant, en réponse à la déclaration Balfour qui précisait dans un courrier adressé à Lord Lionel Rotschild l’intention du gouvernement de Sa Majesté d’envisager favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national juif. En catimini Yossi Harel, le commandant politique, Ike Aronowicz, le jeune capitaine de l’Exodus, Saul, Marga, Yosh et quelques autres compagnons délivrent les Juifs qui sont parqués depuis des mois dans des cantonnements dispersés sur le territoire français suite à leur libération des camps de concentration allemands, et les amènent à bord de camions jusqu’à Port de Bouc d’où doit avoir lieu l’embarquement. Ils attendent les papiers qui doivent leur permettre de quitter le port, à destination théoriquement de la Colombie. Un subterfuge qui ne convainc pas les Britanniques. Des bâtiments britanniques suivent le navire dans les eaux méditerranéennes et l’empêchent d’aborder les côtes palestiniennes alors que l’Exodus n’est qu’à vingt-sept kilomètres de Haïfa. La suite sera plus terrible.
Il est difficile de ne pas ressentir un sentiment de révolte, à la lecture de ce roman-document, devant l’acharnement des troupes britanniques envers ces fils d’Israël, qui souhaitent tout simplement retrouver après des siècles d’errance le pays dont ils ont été spoliés. Depuis une vingtaine d’années, des communautés juives vivent en Palestine, en plus ou moins bonne intelligence avec les Arabes. Seulement les intérêts financiers sont en jeu. En effet, à l’ONU, un vote doit avoir lieu afin d’entériner la décision de créer un état d’Israël, en partageant la Palestine. Les Etats-Unis sont pour et s’avèrent être un soutien actif pour les délégués Juifs. L’URSS, Staline est antisémite et son action envers un comité antifasciste juif créé en 1942 est là pour le prouver, n’y sont pas favorables. Les enjeux financiers sont représentés par le sous-sol arabe qui possède une véritable richesse pétrolifère. Autre fait troublant, c’est la collusion entre le grand mufti Hadj Amin al-Husseini, qui avait choisi le camp d’Hitler durant la guerre, la légion arabe se battant courageusement aux côtés des Nazis. En cette année 1947, les Arabes ont néanmoins obtenu des Anglais que le quota de soixante-quinze mille immigrants soit maintenu et que l’interdiction de vendre des terres aux nouveaux arrivants soit renforcée. Le Pétrole, de tout temps, a toujours senti bon. Si l’on peut comprendre les récriminations des Palestiniens, si l’opinion internationale prend leur défense vis-à-vis d’Israël et des affrontements qui opposent ces deux nations, il ne faut pas oublier que depuis près de vingt siècles les Juifs sont rejetés de partout. Ils ont perdu leur terre, ils ont été spoliés, et ce qui leur est reproché aujourd’hui, ils l’ont subi en étant chassés de leur nation. Si torts il y a, il faut les attribuer aux deux camps, à leur entêtement, à leur manque de tolérance. Egalement à l’intolérance religieuse, au fanatisme, à l’intégrisme, d’où qu’ils viennent. Sans oublier l’esprit mercantile qui n’est pas l’apanage d’une nation. Et l’on peut se poser la question de savoir comment les grandes puissances réagiront lorsqu’il n’y aura plus de pétrole en jeu ? Un roman-document qui éclaire l’origine de biens des conflits et qui propose une vision non édulcorée de l’histoire. Quant aux Juifs qui ne purent débarquer de l’Exodus, ils furent envoyés sous bonne escorte britannique à Hambourg où ils végétèrent ensuite dans des camps de rétention allemands. |
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