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JAN THIRION |
La CompilAux éditions SKAVisitez leur site |
1035Lectures depuisLe dimanche 4 Juin 2017
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Une lecture de |
Nouvelles. Collection Noire Soeur. Parution avril 2017. 410 pages. 6,99€. L'étoile Jan Thirion ne pâlira pas... Accrochée au firmament littéraire depuis le 2 mars 2016, l'étoile Jan Thirion brille de mille feux, même si parfois quelques éclipses se produisent. Et autour de cette étoile, gravitent de nombreux satellites, de petites lucioles constituées de romans, nouvelles et micro-fictions. Les habitués des Lectures de l'Oncle Paul ont déjà pu découvrir certains textes, les autres ne manqueront pas de se précipiter sur cet ouvrage dans lequel Jan Thirion révèle tout son humour aigre-doux, son ironie, ses pieds-de-nez, et surtout sa tendresse, sa révolte aussi. Au sommaire, quinze nouvelles qui mettent en valeur toute la palette de l'imaginaire de Jan Thirion, dans des scènes parfois empruntées au quotidien, mais agrémentées à la sauce Jan Thirion, c'est à dire un mélange savant de douceur, de fantaisie, de noirceur, d'érotisme, de poésie, le tout lié dans un style jubilatoire qui lui était propre. Promenons-nous allègrement dans cet univers et découvrons quelques petites perles semées à l'usage d'un Petit Poucet qui veut voyager dans un univers onirique, parfois cauchemardesque, lumineux ou sombre, un parcours divers mais enchanteur. Ou pas.
Par exemple dans Le voyage à dos de cailloux, le narrateur suit une jeune fille qui veut échapper à son destin programmé dans un pays où les femmes ne sont que du bétail. Elle n'est pas la seule dans ses pérégrinations, mais le narrateur s'est focalisé sur elle. Il la suit dans son parcours de fugitive mais quel peut être son avenir ailleurs, dans un pays qui n'accepte les migrants que pour mieux les parquer, ou abuser de leur naïveté. Un leurre. Mais le narrateur ne joue-t-il pas sur ce leurre pour attiser la compassion ? Une lecture à double entrée, car le narrateur, au lieu de suivre cette femme et ses compagnes dans leur fuite, pourrait être un journaliste ou un écrivain rédigeant un article loin des zones décrites, tranquillement installé dans son fauteuil. L'art de décrire sans se déplacer comme l'avait dénoncé Jean Yanne au début du film Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.
Réussir une séparation est une histoire onirique, émouvante et effrayante à la fois. Un couple, Ma Princesse et Chéri, et leurs deux enfants. Au début tout allait bien entre Ma Princesse et Chéri, mais aujourd'hui, le regard n'est plus le même. Les relations non plus. La tension s'est installée entre eux deux et chacun fait comme si de rien n'était. Ils se préparent à partir, chacun emmenant un gosse dans un sac accroché au dos. Ils sont armés et se dirigent vers la ville haute, eux les habitants de la ville basse.
La grande sortie du dimanche met en scène Alias, réfugié avec son copain dans un immeuble délabré prêt à s'effondrer. Alias boit du vin, quitte à se perforer les entrailles, mais comme il n'y a plus guère de nourriture, il faut se contenter que ce qu'il y a. Il donne à boire aussi à des pigeons qui viennent sur le rebord de la fenêtre, principalement l'Empereur. Et comme tous les dimanches, Alias photographie les mouvements de cars dans la rue, la sortie du centre d'hébergement, les gens taiseux qui s'agglutinent dans les cars jaunes, les jeunes une peluche en bandoulière, heureux de vivre apparemment, dans un car vert. Et Alias photographie, comme tous les dimanches le départ vers ailleurs.
Dans la nuit, une pierre blanche, que fixe la narratrice. Elle se souvient de ses quatre ans, des nuits couchée dans la paillotte près de sa mère, son père veillant ou faisant semblant de dormir. De ses repas constitués d'insectes. De ce camp d'internement.
Quatre textes qui possèdent en points communs la fuite, la guerre civile, l'incarcération, l'exclusion, les enfants. Des textes forts, puissants, loin d'un marivaudage guilleret. Des textes ancrés dans une réalité qui se déroule, là-bas, dans des contrées que l'on ne connait pas, dont on a entendu parler, des exactions, des remises à niveau, la famine, la peur, la violence. Cela pourrait se dérouler hier, aujourd'hui ou demain, dans des pays qui ont pour nom exotique Corée, Cambodge, Somalie, Kosovo, Afrique du Sud... Jan Thirion écrit (écrivait devrais-je dire mais ses textes sont toujours vivants même s'ils traitent de la mort) comme s'il expulse une obsession prégnante afin d'atteindre la sérénité, apportant un témoignage qui se veut l'espérance d'une vie meilleure en dénonçant des actes de barbarie. Pour autant Jan Thirion ne se délecte pas de la violence qui peut se dégager de ses nouvelles, il la dévoile pudiquement, il la suggère, il l'enrobe d'un humanisme non feint.
Sommaire : Le voyage à dos de cailloux L'enfant couché à l'aller, au retour Lac noir Les échassiers Réussir une séparation Salon du livre et du reptile La grande sortie du dimanche Une signature héroïque Schizo Dans la nuit une pierre blanche 10 rounds Flash mortel Plume de sang Moi, gorille, auxiliaire de vie La grande déculottée |
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