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JERRY STAHL |
A Poil En CivilAux éditions RIVAGES NOIRS |
1535Lectures depuisLe mardi 22 Janvier 2008
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Une lecture de |
Le temps est venu de prendre les comiques au sérieux (Michel Lebrun)
« La mère de Tony Zank s’engouffra dans le couloir de la maison de retraite, ses spongieuses et tremblantes fesses à l’air, en hurlant : « À l’aide ! » et : « Arrêtez ce monstre ! Son déambulateur raclait le sol avec un bruit métallique et sa robe de chambre ‘Septième Ciel » pendait le long de son corps, à moitié enfilée, comme si elle avait traversé une corde à linge au pas de charge dans un jardin, et qu’un de ses bras avait accidentellement accroché le vêtement. » Autant dire qu’avec À poil en civil de Jerry Stahl (Rivages Noir n°647) on entre avec ce roman dans l’Amérique (j’entends par là les Etats-Unis d’Amérique) déjantée, celle de Chester Himes et de ses héros noirs de Harlem Ed Cerceuil et Fossoyeur, celle de Tim Dorsey et de Serge et Coleman, le tandem hallucinogène accompagnée de Sharon, la sculpturale « aux lèvres boudeuses et cruelles, de celles qui font avoir des accidents de voiture aux hommes » et celle aussi de Donald Westlake et l’inénarrable Dortmunder, le voleur sérieux qui met toujours les pieds dans le plat. Comme le disait Lebrun : « Le temps est venu de prendre les comiques au sérieux ». Car, évidemment, sous les travers de la poilade, Jerry Stahl, d’une écriture survoltée, nous entraîne férocement dans une satyre de son pays où politiciens, truands, flics, journalistes courent tous après une photographie du président… où la partie de son anatomie révélée risque de faire passer le cigare de Bill et la robe de Monica pour le téléfilm érotique du dimanche soir sur M6 (je sais, cela fait belle lurette qu’il n’existe plus et qu’il est enfoncé – ho ouiiiii – par le porno de C+ et tous ceux qui hantent nos hampes sur le satellite mais il reste un must par sa franche aptitude à révéler après dix minutes d’attente un demi sein vu de profil dans l’ombre derrière une voile de tulle pendant de la moustiquaire). Allez, j’ai été alléchant, si je puis dire… aussi je vous révèle, comme qui dirait, l’origine de la puissance du monde : « Les mots inscrits en bas étaient MONSIEUR BIOCERVEAU. Au-dessus s’étalait le machin lui-même, une forme enflée couleur chair, oblongue et sillonnée de veines, qui brillait d’une façon particulière. Un index et un pouce apparaissaient juste à l’endroit où ils pinçaient la base, sans aucun doute pour faire gonfler l’objet en question de cette manière. Pour le rendre… semblable à un cerveau. Ce qui obligeait à y voir autre chose qu’un simple scrotum d’homme blanc, c’était la face lunaire et souriante tatouée dessus. Deux yeux et un sourire. La face lunaire conférait à tout ça quelque chose de festif et de sain. Deux autres visages apparaissaient encore sur la photo (…). EN haut, bizarrement, c’était George Bush fils souriant, écervelé, avec l’expression de perplexité joviale qu’il aborait quand on lui posait une question de politique étrangère. Au même niveau que les testicules proéminents de George W., l’ai tout aussi guilleret, se trouvait Margaret Beeman, maire du Haut-Marylin depuis 1995. (…) – Mon Dieu, regardez-moi la tête que fait Marge. – Vous appelez le maire Marge ? – Plus maintenant (…). Mais je l’appelais comme ça quand on était mariés. » Alors ? C’est autre chose que M6, non ? Allez, allez donc retrouver Znak et son Dino noir les deux allumés au crack, Tina qui supprime son mari en lui faisant avaler des ampoules brisées et de la soude, Manny Rubert, ex-mari du maire et flic amoureux de Tina, Marge et son conseiller homosexuel à la poursuite de la photo. Une photographie digne de figurer dans LA collection, dans laquelle trônent celle de José bafrant un Happy meal, celle de Rocco sortant nu d’un bain de mer, celle de Nicolas, un verre à la main et un chapeau pointu sur la tête, celle de Joseph Alois se soulageant derrière un presbytère, celle de Jean-Marie visant d’un œil à l’aide d’une fléchette la cible peinte sur Marianne. À propos de collection, À poil en civil doit rejoindre celle des polars à lire d’urgence sur votre table de nuit. François Braud, Mes dix polars de l’année 2007, tome 10
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