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PIERRE SALVA |
Quand Le Diable RicaneAux éditions LIBRAIRIE DES CHAMPS ELYSEES |
343Lectures depuisLe samedi 2 Mars 2019
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Une lecture de |
Le Masque Jaune N°1739. Editions Librairie des Champs Elysées. Parution mars 1984. 224 pages. ISBN : 9782702415160. Le roman noir est comme le frelon asiatique, il a phagocyté le roman d’énigme et de suspense. Heureusement, certains auteurs ont fait de la résistance… Vous changez le nom des protagonistes en patronyme anglo-saxon, vous transposez l’action dans le décor d’une petite ville anglaise, Brighton par exemple, vous changez le nom de l’auteur par celui de la Reine du Crime et vous entrez dans l’univers d’un roman christien. En effet il existe de nombreuses analogies entre cette histoire et celles qu’a écrites Agatha Christie. Dans la trame, la façon de conduire l’enquête, sur l’épilogue qui réserve quelques surprises. Mais examinons ensemble cette intrigue qui joue sur la psychologie et le mensonge.
A cause d’une petite phrase entendue lors de la diffusion d’un film à la télévision, Sabine a décidé de reprendre sa liberté. Quadragénaire, elle s’est rendue compte que sa beauté commençait à se flétrir lorsque dans sa glace elle a aperçu quelques rides au coin des yeux. Des pattes d’oie disgracieuses, à son avis. Alors elle a pris un amant, elle qui n’avait jamais vraiment songé à la bagatelle. L’heureux élu se nomme Patrice, et il est le secrétaire de son mari Adrien, lequel possède une chaîne de supermarchés dans le pays catalan, dont le premier magasin qu’il a créé se situe à Perpignan à quelques kilomètres de leur demeure. Patrice est beau, jeune, mais s’il se montre toujours prévenant à son égard, voire empressé, il n’a jamais osé se déclarer. Jusqu’au jour où remarquant ses quelques rides, elle franchit le pas et devient la maîtresse de Patrice. Il faut dire qu’Adrien se montre de plus en plus hargneux, vindicatif, avec Sabine et elle ne supporte plus son caractère acrimonieux. Et ce n’est pas parce qu’il est hypoglycémique qu’il doit se conduire ainsi. D’ailleurs, il n’y a guère, il lui avait demandé de procéder à une simulation d’injection avec une seringue dont il disposait, mais elle n’a pas pu. Mais Sabine n’est pas la seule à subir cet atrabilaire. Christian son associé est également parfois victime de ses sautes d’humeur ou encore Bruno, son beau-frère, le demi-frère de Sabine. Cette phrase, c’est : Je le tuerai… Une phrase qui résonne en elle comme un mantra. Et elle pense que l’occasion favorable pourrait se présenter un soir où Christian et sa femme Charlotte, Marcelle la sœur d’Adrien qui possède des parts dans l’entreprise, Bruno, qui s’est invité pensant pouvoir taper sa sœur, financièrement parlant, car c’est un joueur invétéré qui perd plus qu’il gagne, doivent dîner ensemble. Patrice est là également et Angéla, la femme de chambre Antillaise sert les apéritifs dans la demeure sise sur la Côte Vermeille près de Banuyls. Adrien est déjà bien éméché tout comme Christian lorsque tout ce petit monde se rend sur le yacht, à l’aide d’un dinghy, où le repas est prévu. A la fin du repas, fort arrosé, tout le monde réintègre la côte, sauf Adrien qui a décidé de dormir sur le yacht. Après une nouvelle dégustation de boissons alcoolisées, comme s’ils n’en avaient pas assez pris, surtout Christian, tout le monde repart à bord de son véhicule. Sauf Angéla qui avait sa soirée libre comme d’habitude. C’est qu’elle a aussi d’autres occupations pas forcément domestiques et nocturnes. Vers une heure du matin, Sabine ne pouvant s’endormir, sort et se rend sur la petite plage semi-privée en contrebas de la maison. Elle se rend compte que le dinghy n’est plus accroché au ponton et que la lumière brille sur le yacht. Le lendemain matin, elle s’inquiète et Angéla se propose de se rendre à la nage sur le yacht. C’est pour découvrir Adrien mort. La police est immédiatement avertie et le lieutenant de gendarmerie Charvet est dépêché sur place en compagnie du légiste. Malgré une mise en scène savante, il est indéniable qu’Adrien est décédé d’une main malveillante. Une piqûre dans le bras, une surdose d’insuline, tout le contraire de la panacée adaptée à son cas. Adrien était un fervent du jeu d’échec, et il s’entrainait souvent à l’aide d’un ordinateur électronique. L’engin ordonne à plusieurs reprises C’est à vous de jouer. Comme si la partie en cours avait été brutalement interrompue. De plus, outre quelques impressions ou déclarations qui font penser à Charvet que l’on voudrait le mener en bateau, il existe un fait tangible qu’il aimerait bien éclaircir. Brutus, le chien Doberman (vous savez ces aimables canins qui mordent et posent les questions après !), Brutus ne s’est pas manifesté durant la nuit. Or il ne connaissait que ses maîtres et il était impossible à toute personne étrangère au couple, même les familiers comme ceux qui étaient là la veille au soir, de déambuler dans le parc menant à la plage sans qu’il manifeste par un moyen ou un autre sa mauvaise humeur.
C’est dans ce contexte qui est un peu un crime en vase clos, avec peu de protagonistes, que Pierre Salva a construit son intrigue. Quelques retours en arrière dans la narration permettent de mieux cerner les personnages, leur comportement, leurs désirs, leurs besoins, mais c’est bien lors de la découverte du cadavre d’Adrien que tout se met en place et s’enchaîne. Un roman psychologique habilement construit, un peu à la manière d’Agatha Christie et de quelques-uns des maîtres du roman policier de l’âge d’or qui convoquaient les différents protagonistes afin de les confondre. Le lieutenant Charvet, dans la partie finale, évoque toutes les possibilités, toutes les solutions possibles, pour enfin n’en retenir qu’une, la seule qui s’adapte minutieusement dans un engrenage diaboliquement imaginé. Un roman d’énigme écrit par un auteur dont on ne parle plus guère de nos jours, et c’est dommage. A noter que ce roman, publié en 1984, n’a pas perdu en cours de route un des aspects qui font aujourd’hui l’actualité. Mais, maintenant il y a une certaine renaissance du catalanisme. Evidemment, ce serait ridicule de demander l’indépendance de la Catalogne, mais une certaine autonomie interne, avec une bonne part faite à notre culture, ce serait une solution raisonnable. |