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GEORGE SAND |
Croyances Et Légendes De Nos CampagnesAux éditions CPE |
765Lectures depuisLe vendredi 6 Octobre 2017
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Une lecture de |
Collection Passeurs de mémoire. Parution 3 mars 2017. 158 pages. 20,00€. Toujours vivaces malgré les nouvelles technologies… ou peut-être à cause ! Si la région du Berry vous fait penser tout de suite à quelques images, dont celles qui figuraient dans nos livres d’histoires, connues sous le nom des Très Riches Heures du Duc de Berry, il ne faut pas s’arrêter à cette particularité de cette belle province, à ces représentations médiévales, mais en explorer l’histoire littéraire, culturel, patrimoniale, et j’en passe sciemment sinon je serais vite hors sujet. Parmi les personnages célèbres qui possèdent des accointances avec le Berry, citons Jacques Cœur, Benjamin Rabier fabuleux dessinateur animalier, Jacques Tati, le cinéaste à la pipe et son personnage de Monsieur Hulot dont le premier long-métrage, Jour de fête, se déroule à Sainte-Sévère, et bien d’autres dont une certaine Amantine, Aurore, Lucille Dupin, baronne Dudevant plus connue sous le nom de George Sand. Cet alias, elle le doit à sa collaboration avec Jules Sandeau, lorsqu’ils écrivirent ensemble Blanche et Rose en 1831 après avoir rédigé de nombreuses nouvelles, puis elle signera seule Indiana en 1832. Mais ce ne sont pas là ses débuts littéraires puisque dès 1829 elle avait écrit des récits de voyage sous son véritable patronyme, ainsi qu’un roman La Marraine. Elle est connue, hors littérature, pour son engagement féministe, fustigeant le mariage et luttant contre les préjugés, par ses frasques amoureuses et sa tenue vestimentaire masculine, lançant une mode dont elle ne savait pas combien ceci allait prendre de l’importance quelques décennies plus tard. Si ses premiers romans bousculent les conventions sociales et magnifient la révolte des femmes, c’est bien par la suite qu’elle aborde les problèmes de société, mettant en scène dans des romans champêtres le milieu paysan, avec des romans comme La Mare au diable, François le Champi, La Petite Fadette, pour ne citer que les plus connus, souvent édités dans des versions abrégées pour des collections juvéniles. Elle s’inscrit dans un mouvement que l’on pourrait désigner comme romantique quoique s’imposant à contre-courant des idées prônées en ce qui concerne la Femme, et en même temps dans ces mouvements littéraires comme le naturalisme, l’existentialisme, l’humanisme, avant la lettre.
George Sand s’intéresse beaucoup à la vie des paysans, mais également aux légendes narrées à la veillée, ainsi qu’au folklore local, les mettant en scène dans ses romans et nouvelles, avec son apport personnel en ce qui concerne la religion. Dans l’une de ses correspondances avec un membre du clergé, en 1844, elle écrit ceci : Je puis avoir beaucoup d'estime et d'affection personnelle pour des membres du clergé, et je fais point de guerre systématique au corps dont vous faites partie. Mais tout ce qui tendra à la réédification du culte catholique trouvera en moi un adversaire, fort paisible à la vérité (à cause du peu de vigueur de mon caractère et du peu de poids de mon opinion), mais inébranlable dans sa conduite personnelle. Depuis que l'esprit de liberté a été étouffé dans l'Église, depuis qu'il n'y a plus, dans la doctrine catholique, ni discussions, ni conciles, ni progrès, ni lumières, je regarde la doctrine catholique comme une lettre morte, qui s'est placée comme un frein politique au-dessous des trônes et au-dessus des peuples.
Or, dans certains des textes qui composent Croyances et légendes de nos campagnes, souvent George Sand revient sur la religion, gardant ses convictions et les intégrant dans des histoires à résonnance fantastique. Ainsi dans La Petite Fadette, dont le nom masculin est Fadet ou Farfadet, créature légendaire qui signifie aussi esprit follet ou fée, le lecteur peut-il lire ce passage édifiant :
-Mais, disait Landry, ce que tu crois là, que le diable n’existe point, n’est pas déjà trop chrétien, ma petite Fanchon. -Je ne peux pas disputer là-dessus, répondit-elle ; mais s’il existe, je suis bien assurée qu’il n’a aucun pouvoir pour venir sur la terre nous abuser et nous demander notre âme pour la retirer du bon Dieu.
Une façon de montrer que l’église joue avec les superstitions, quoiqu’elle s’en défende, lorsque cela l’arrange. De même dans Le curé et son sacristain païen, extrait de Promenades autour d’un village en 1857, un prêtre est choqué lorsque son sacristain lui demande de bénir des figurines en bois. Il prétend que ces personnages grossièrement taillés ne sont que la représentation d’idoles. Or, pourtant, les santons sont entrés dans les crèches des églises et y ont largement leur place, sans que quiconque y voie quoi que ce soit de profane. Et si dans Le métayer sorcier, même ouvrage d’origine, une superstition veut que les bœufs et les ânes aient la faculté de s’exprimer lors de la messe de minuit, ce symbole de la nativité m’a toujours étonné. Comment placer dans une crèche près du berceau de l’enfant Jésus un bœuf, un animal castré. ? Puis l’arrivée des bergers accompagnés de leurs moutons, animaux symboles de manque de réflexion et prêts à suivre un individu sans se poser de question. Mais ce ne sont pas les seuls exemples mettant en scène un curé, souvent s’élevant contre les superstitions animant ses paroissiens, ceux-ci amalgamant les anciennes coutumes druidiques, ou ayant fait un ou des vœux durant leur jeunesse, ne voulant pas revenir sur la parole donnée.
Georges Sand défend également, entre autres, les Compagnons du Tour de France, origine de la Franc-maçonnerie. Dans Le sabbat des compagnons, extrait de Le compagnon du Tour de France 1840, un vieillard, entrepreneur en menuiserie, reproche à son fils de vouloir embaucher deux ouvriers issus du compagnonnage, déclarant : Il te faut des compagnons du Tour de France, des enfants du temple, des sorciers, des libertins, de la canaille de grands chemins. L’on retrouve bien cette peur de l’étranger, issu d’autres régions, et de ceux qui pratiquent une façon de travailler, de penser, de vivre, que celle à laquelle les anciens sont habitués. Or cette appréhension existe toujours, malgré le brassage, les moyens modernes de communication. Mais elle s’exprime autrement. Les animaux, dits surnaturels, surtout les loups, font partie du folklore paysan, et l’on ne s’étonnera dont point de retrouver certains personnages qui étaient considérés comme marginaux, le meunier ou le cornemuseux.
Ce recueil est constitué d'un florilège de George Sand car si tout tourne autour des légendes, il s'agit d'extraits puisés, soigneusement, par Christophe Matho dans les ouvrages de la grande Dame de Nohant, tels que La petite Fadette, Jeanne, Légendes rustiques ou encore Les maîtres sonneurs. Et il nous incite à lire ou relire ces ouvrages, dans des versions non édulcorées, non abrégées, et l’on se rendra compte que Georges Sand fut une grande femme de lettres, dont les écrits n’étaient pas si anodins que ceux qui étaient destinés à la jeunesse pouvaient le laisser croire, et que dans ses textes, elle prônait un humanisme, mot un peu galvaudé de nos jours, dont devraient s’inspirer de nos jours bien des religieux, des hommes politiques, ou tout simplement des intégristes de tous bords.
A signaler les très beaux et charmants textes de Jeannine Berducat qui signe la préface, de Maud Brunaud, l’avant-propos, et de Michèle Dassas qui a écrit la postface, sans oublier l’iconographie dont certaines images signée de Gustave Doré mais de bien d’autres illustrateurs, dont malheureusement le nom n’apparait pas toujours.
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