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ERIC SCILIEN |
Comment Réussir Sa Vie Sans être Une Rock StarAux éditions BOOKLESS EDITIONS |
639Lectures depuisLe lundi 3 Janvier 2017
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Une lecture de |
Parution 16 novembre 2016. 132 pages. Broché 8,44€. Numérique 4,99€. La vie mode d'emploi ?
Trois tranches de vie qui pourraient relever d'un quotidien banal mais qui, à cause d'une distorsion, se voient sublimées ou au contraire se révèlent mesquines, grotesques.
Tout le monde veut changer de vie. Alex, le narrateur, a quitté la vie parisienne pour se ressourcer dans un coin perdu en Ardèche. En accord avec Nadège, sa compagne, il a décidé de retaper une vieille bâtisse et de la transformer en gîte rural. Seulement il rénove tout, tout seul, car les fonds ne lui permettent pas d'employer des ouvriers du bâtiment. Nadège assure leur pitance et les matériaux en travaillant, quelques semaines par-ci, par-là, dans des restaurants des environs. Cela n'avance pas vite car Alex commence tout et ne finit rien, une façon de procéder qu'il assume. Mais il ne faut pas l'ennuyer, le déranger pour des broutilles. Comme Christophe dont l'appel téléphonique arrive comme un cheveu sur la soupe, une invitation pour le mariage d'une amie de Nadège. Pas grave si Alex ne vient pas, la présence de Nadège suffira. Alex ressent une pointe, grosse comme un pieu, de jalousie lui perforer l'esprit et rembarre l'importun. Jusque là, rien que de très insignifiant, même si les relations entre Nadège et Alex sont parfois tendues. Non, tout bascule lorsqu'un individu, fagoté trimardeur, frappe à sa porte et lui demande de lui rendre un petit service. Rien de bien méchant, même si l'homme possède des arguments dissuasifs de rébellion et de refus. Une arme dans la main, une coquette somme d'argent dans l'autre, il exige qu'Alex l'accompagne dans son tracteur urbain, genre 4X4, afin de creuser un trou au fond des bois. Et parfois il faut attendre sept ans pour voir s'esquisser un retournement de situation !
Les plus belles victoires se forgent au cœur de la défaite. La narratrice revient sur un événement qui a compté dans la vie de son mari, lui qui s'entraînait tous les jours dans une discipline sportive ingrate en prévision des jeux olympiques. Une page d'amour et une attention de tous les jours, un encouragement constant, pour juste arriver à un exploit qui peut sembler minime en soi, mais important, en regard d'une consécration aurifère. Une prouesse qui ne sera jamais célébrée par une remise de récompense mais qui change la vie d'un homme. Une leçon de courage.
Comment réussir sa vie sans être une rock star. Titre éponyme de ce recueil, cette nouvelle met en scène un homme qui aurait aimé être mais n'y est jamais parvenu. Il aurait voulu par exemple devenir un grand guitariste, de rock de préférence, mais n'a réussi qu'à exécuté Jeux interdits, la base à une corde. Depuis il a rempli soixante-sept classeurs de coupures de presse sur ses idoles, celles des années 60/70, des groupes devenus mythiques auxquels il s'identifiait. Son problème ne réside pas dans cette insignifiance, mais dans l'ascension, le talent, la renommée acquise par son cousin Thomas. Tout ce qu'il avait voulu entreprendre devenait mesquin, tandis que Thomas possédait une notoriété, une célébrité, une aura sans conteste. Sa femme est obèse, ses enfants traînent des boulets derrière eux, tandis que Thomas est marié à un mannequin qui a défilé sur toutes les scènes internationales. Et ce n'est qu'un tout petit exemple. Thomas qui a joué avec les plus grands, aux Etats-Unis ou accompagnant Johnny lors d'un concert parisien. Alors forcément, quand Thomas est présent à une fête familiale, il accapare l'attention. Tous les yeux sont tournés vers lui. Mais Jean-Louis, petit employé municipal aux espaces verts, possède un talent caché qu'il saura exploiter le temps venu et incidemment.
En écrivant ces trois textes à la première personne, l'auteur oblige le lecteur à s'identifier à ces antihéros du quotidien, à se mettre dans leur peau, et à ressentir les mêmes affres, les mêmes désillusions, les mêmes angoisses, les mêmes déceptions. Reprenant la célèbre phrase d'Andy Warhol, À l'avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale, Eric Scilien nous offre trois portraits de personnages qui ne sont pas forcément inconsistants, mais espéraient mieux de la vie et des efforts qu'ils, et leur entourage, avaient consentis. Ce n'est pas vraiment une renommée mondiale dont ils ont besoin, mais bien d'une reconnaissance de leur talent, de leur obstination, du travail qu'ils ont effectué avec opiniâtreté. Une reconnaissance de leur présence. Dans la première de ces nouvelles, on ressort complètement vidé, et l'on voudrait pouvoir la continuer et aider le narrateur. Dans la deuxième, on ne peut que s'incliner devant la persévérance d'une femme qui veut à tout prix que celui qu'elle aime s'en sorte, aidée par une tierce personne. Quant à la dernière, humoristique et jouant sur la nostalgie, on s'aperçoit qu'il suffit de peu pour se dépasser et devenir une célébrité sinon mondiale disons de son quartier ou de son village, mais surtout de retrouver confiance en soi. La nouvelle n'est pas le genre littéraire prisé par les Français, et c'est dommage. Car Eric Scilien mérite mieux qu'une publication confidentielle. Ah, s'il avait écrit un roman de 500 pages, peut-être qu'un éditeur germanopratin se serait penché sur sa prose ! |
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