|
|
EDGAR SANDAY |
Monsieur Langois N’est Pas Toujours égal à Lui-mêmeAux éditions 10/18Visitez leur site |
591Lectures depuisLe mardi 21 Decembre 2016
|
Une lecture de |
Ayant interrompu ses études, Adrien Chave n’est à cette époque âgé que de dix-huit ans et demi. Il s’est occupé de son défunt oncle. Très riche, celui-ci est mort ruiné, suite à un sombre scandale à cause de son amante, l’artiste Anna. L’hôtel particulier de son oncle étant vendu pour épurer les dettes, Adrien n’aura bientôt plus ni logement, ni argent. Sur le conseil du boucher de son quartier, le jeune homme contacte M.Langois. C’est une sorte d’homme de loi, qui se charge d’arranger à l’amiable divers contentieux : “Toujours des petites histoires, des traites, des billets de fonds, des règlements de succession pour de pauvres bougres.” Jamais de gros dossiers, pas d’action en justice : simplifier les choses, tel est le talent de M.Langois, installé dans cette ville moyenne depuis quelques années. Adrien est engagé par M.Langois pour remplacer son ancien clerc, un type vindicatif qui a été victime d’un incident. Le jeune homme va apprendre le métier par lui-même, faisant connaissance avec certains clients de M.Langois. Il ne croit guère que son employeur ait des dons de magnétisme, comme l’évoque quelqu’un. Adrien connaît bien la jolie femme qui vient solliciter son patron : fille de banquier, Edmonde est un peu plus âgée que lui, mais ils se sont naguère côtoyés dans la haute société locale. Sans doute en reste-t-il tant soit peu amoureux. Edmonde est désormais mariée à un Anglais, sir Eric Greshild. Elle a de sérieux soucis : à cause d’une affaire d’argent, elle a dû retourner chez son père. Elle aimerait que M.Langois interviennent afin que tout rentre dans l’ordre. C’est un dossier bien plus complexe que ceux traités ordinairement par M.Langois. Pas si facile d’amadouer le puissant banquier, père d’Edmonde. D’autant qu’augmentent toujours les tensions entre elle et lui. Cerner son caractère est insuffisant, c’est un plan de bataille qu’il faut organiser contre le banquier. Quasiment un complot, avec la complicité de la petite postière de l’agence près du château. Pendant ce temps, Adrien et Edmonde se rapprochent, ce qui ne déplaît pas au jeune homme. Quant à l’ancien clerc de M.Langois, il est maintenant chargé de représenter les intérêts de sir Eric Greshild. La forte rétribution que M.Langlois réclame à Edmonde pour ses services semble exagérée à Adrien. Mais il admet l’efficacité de son employeur, lorsque l’essentiel de l’affaire paraît résolu. Néanmoins, Adrien s’interroge quand il apprend le retour dans leur ville de l’artiste Anna. Pour l’ex-amante de son oncle, qui causa le déchéance de leur famille, tout est-il oublié ? Du côté d’Edmonde, si la situation s’est améliorée pendant un temps, il se peut qu’elle soit en grand danger. Son mari est animé de mauvaises intentions. À la veille de Noël, M.Langois hésite à se lancer dans une autre intervention en faveur de la jeune femme… (Extrait) “M.Langois a certainement une faculté exceptionnelle de persuasion. Sans croire au merveilleux, on peut admettre que certains êtres ont, pour des raisons en partie physiques, cette faculté. Ainsi les orateurs qui entraînent les foules, les galvanisent. Ainsi certains ecclésiastiques auprès de leurs pénitents. Avez-vous remarqué que M.Langois parle beaucoup, et sur un ton très égal et monotone. J’ai lu que ce ton est employé par les hypnotiseurs. Bien entendu, il ne s’agit pas d’hypnotisme au sens propre, mais d’un moyen supplémentaire d’influence. M.Langois ne prend que des affaires raisonnables. Ainsi dans votre cause, tout est "plaidable", comme il dit lui-même. Il y a donc une conjonction entre certains arguments qu’il emploie et des éléments physiques d’autorité. Mais cela ne suffit pas. Il faut, en sus, quelque incident favorable pour mettre le patient en état de réceptivité. Ici, c’est la boite de cigares. Un profane n’en tirerait pas davantage, mais au regard de M.Langois, c’est comme la brèche insignifiante par laquelle un stratège donnera l’assaut d’une ville.” Publié en 1950, réédité en 1987, ce "roman d’atmosphère" d’Edgar Sanday (1908-1988) est davantage une curiosité qu’un chef d’œuvre. Si l’auteur n’était pas devenu un célèbre homme politique, puis élu à l’Académie Française en 1978, ses romans d’alors auraient disparu dans les oubliettes de la littérature. Non pas que le présent titre soit dénué d’intérêt, d’ailleurs. L’intrigue se compose de six chapitres, plus un final explicatif (encore que bien des détails restent volontairement sans réponse). Adrien Chave en est le héros et le narrateur, prenant à témoin le lecteur de son manque de maturité face à un épisode de sa vie qui le marqua. Le suspense est en majeure partie basé autour de la personnalité de M.Langois, évidemment. Énigmatique, pourvu d’un certain flegme, distant mais résolvant en effet des litiges, on ne peut que nuancer toute opinion à son sujet. Le jeune Adrien va prendre une part active dans les péripéties de l’aventure, dont il n’est pas que spectateur. L’ambiance surannée d’une ville provinciale, avec son élite bourgeoise, nous est plus suggérée que vraiment décrite. Ce qui peut, à tort ou à raison, donner le sentiment d’un roman "daté". Après tout, les cas de margoulins et de cupidité excessive ne sont-ils pas intemporels ? |