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PIERRE SINIAC |
Deux Pourris Dans L'îleAux éditions SERIE NOIREVisitez leur site |
1230Lectures depuisLe vendredi 14 Aout 2015
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Une lecture de |
Été 1960. À San Francisco, Joe Gallacher a un gros problème. Il doit rembourser au plus vite une dette envers la Mafia, en leur livrant dix-huit kilos d'héroïne. Milton Burks, chargé d'amener la drogue depuis Macao, a été retardé. Tout est prévu pour qu'il ne remette pas les pieds en territoire américain, où il est recherché pour avoir buté un flic. Gallacher sait pouvoir compter sur Milton Burks, car il possède un moyen de pression. Il envoie Mulik, un de ses hommes, à Macao afin de presser le mouvement. Le cargo sur lequel embarquent Burks et Mulik en direction de San Francisco est bientôt pris dans une tempête. Le navire coule : les deux Américains butent quelques marins pour monter sur une chaloupe parmi les rares survivants. Ils ne tardent pas à se débarrasser des autres, en plein Pacifique. Si leurs chances de survie sont compromises, le duo pense être proche des îles Midway. Ils aperçoivent un îlot salvateur : “...il ne s'agissait que d'un minuscule rocher. Un îlot qui ne figurait certainement pas sur les cartes marines. Un bloc de roc ayant vaguement la forme d'un cône, entouré d'une mince plage, probablement le sommet d'une petite île immergée depuis des temps immémoriaux.” Un bombardier de la 2e Guerre Mondiale a atterri ici, voilà quinze ans. Outre cinq squelettes, Burks et Mulik trouvent dans la carcasse de l'avion quatre bombes de forte puissance, intactes. Grâce au rapport d'une des victimes, ils ont la position exacte de cet îlot. Mulik va essayer de rejoindre Midway, à cinq cent kilomètres de là, avec la chaloupe. Burks reste sur place, avec le lot d'héroïne. Par miracle, Mulik a été récupéré par un cargo coréen faisant route vers San Francisco. Il rejoint Joe Gallacher, qui doit organiser rapidement une opération afin de retrouver Milton Burks, et surtout la drogue. Le Français Robert Sébran, trente-cinq ans, un bourlingueur qui a tué deux personnes dans son pays, possède un cruiser qui permettrait de retourner chercher Burks assez vite. Il accepte la mission, qu'il estime malgré tout trop peu payée. Il sera accompagné par Mulik et son complice le Hongrois, armés comme lui. Dès que se présente l'occasion, Sébran élimine sans hésiter les deux sbires de Gallacher. Il a mis le cap sur l'île de Burks. À cause de la fatigue, l'arrivée de Sébran se passe mal : le cruiser fait naufrage contre les rochers. Dégâts importants, mais probablement réparables. La plus grande méfiance est immédiatement de mise entre l'Américain et le Français. Le premier compte respecter ses engagements, l'autre pense déjà à filer au Mexique avec la drogue. Sans doute faudra-t-il bluffer, afin de maintenir un semblant d'entente. Le plus grave, c'est qu'une des bombes de l'avion s'est décrochée de son râtelier. Le tic-tac que les deux hommes entendent, c'est le compte-à-rebours avant la déflagration. Combien de minutes, d'heures ? Ils n'en savent rien. Il leur faut accélérer la réparation du bateau de Sébran. Même avec un rafistolage précaire, ils tentent un premier départ, sans pouvoir aller tellement loin à cause d'un incident. La situation va devenir pire encore. La nervosité entre eux est forte. Un radeau bricolé ne leur offre qu'un mince espoir… Ce roman est le sixième de Pierre Siniac (1928-2002) paru dans la Série Noire, où seront publiés une dizaine d'autres titres de cet auteur (dont quatre des sept aventures de sa série Luj Inferman' et la Cloducque). “Deux pourris dans l'île” a été réédité en 1999, dans une version revue et corrigée, aux Éd.du Rocher. L'intrigue peut faire penser à ces romans d'aventure avec leur exotisme, comme il s'en publia tant. Évoquer Macao, c'était déjà faire frémir le lecteur, imaginant un sordide repaire de joueurs et de trafiquants. On écrivit beaucoup d'histoires de baroudeurs cherchant fortune entre les États-Unis et les tropicales îles de la Caraïbe ou de l'Océan Pacifique. Si Pierre Siniac reprend un contexte de ce type, c'est en l'exploitant avec l'originalité qui lui est propre. Placer le sujet en 1960 répond à plusieurs raisons. Îlots mal répertoriés, proximité de la guerre, cargos peu exigeants sur l'honnêteté de leurs passagers, mais aussi la matière du cruiser du Français. Il est encore en bois, donc réparable, ce qui ne sera plus aisément le cas des bateaux à coque plastique construits plus tard. Soyons sûrs que l'auteur y pensa. Quant aux péripéties, Pierre Siniac utilise quelques pirouettes. Au sujet du tic-tac de la bombe, par exemple. Ou en racontant comment, parti sur une chaloupe à la dérive, l'envoyé du patron regagne facilement San Francisco, sans la drogue. L'essentiel reste de maintenir (avec l'ironie chère à l'auteur) la tension sur l'île, entre les deux repris de justice, et de partager le suspense avec le lecteur. Les romans de Pierre Siniac se lisent toujours avec grand plaisir. |