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ROLAND SADAUNE |
Un Caddie Nommé DésirAux éditions VAL D'OISE EDITIONSVisitez leur site |
2344Lectures depuisLe vendredi 10 Juillet 2015
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Une lecture de |
On est entre le 17e arrondissement de Paris et la banlieue avoisinante. Raphaël Darmont approche de la cinquantaine. Avec sa femme quadragénaire Véronique, hôtesse à l'accueil d'un hypermarché, ils forment un couple quelque peu orageux. Plusieurs raisons à ça, la principale étant les épreuves que Darmont a traversées, dont il a du mal à se remettre. Il fut impliqué, et blessé, dans un grave incident. “Le lieutenant Darmont ne se sortait pas trop mal du lynchage. Mais sitôt écoulés les mois d'hôpital et de rééducation, il se trouvait débarqué de la police. Les prétextes ne manquaient pas.” Il est désormais employé par la Sécuritex, un job lui laissant une certaine autonomie. Les humeurs de Véronique viennent aussi de ses soupçons envers la fidélité de son mari. Elle n'a pas forcément tort. Sur le parking de l'hypermarché, Darmont a fait la connaissance d'une jolie brune. Il a été immédiatement fasciné par cette Malika Métoussi. Ils se sont donnés rendez-vous dans un restaurant, avant qu'il la suive chez elle. Face à la jeune femme décomplexée, Darmont s'est montré maladroit, gêné sans doute par la différence d'âge. Il admet ne pas avoir été à la hauteur. Lors de leur rencontre suivante, même s'il n'est toujours pas décontracté vis-à-vis d'elle, Darmont s'avère un peu plus performant. Dans l'entourage de Malika, il y a le jeune Kevin Danjoux, archétype de son époque et de son milieu. Et le nommé Cheb Brami, probablement bien plus inquiétant, qui se prétend le "frère" de Malika. Darmont comprend que c'est le bon moment pour décider de ne plus revoir l'excitante brune. Néanmoins, il rend une visite clandestine à l'appartement de Malika. L'endroit n'est pas aussi déserté qu'il paraît : la jeune femme gît nue dans la douche, morte, tuée par balles. Elle a dissimulé un message posthume écrit pour Darmont, ce qui démontre que Malika se sentait en danger. Il considère cela comme un ultime cri d'amour de sa part. Il aura besoin de bien plus d'infos s'il veut mener son enquête parallèle. Darmont peut compter sur son ex-collègue Franck Limon, à condition que ses suspects personnels soit fichés. Malika a un peu menti concernant sa famille. C'est du côté d'un pavillon de Gennevilliers que Darmont espère découvrir une piste. Ce qui le mènera autour d'une manif en faveur des mal-logés, où il va se faire assommer. Le téméraire Darmont n'a pas dit son dernier mot… Ne nous y trompons pas : un ancien flic déglingué reconverti dans la sécurité qui se lance dans des investigations, ça ne signifie nullement qu'il s'agisse ici d'un roman d'enquête. Non, c'est dans un polar noir que nous entraîne Roland Sadaune. Si l'on observe Darmont en planque, on comprend la tonalité du récit : “Au fil de l'attente, les douleurs physiques s'étaient réveillées et, maintenant, elles irradiaient son corps. Il enleva le Mauser de sous sa ceinture, se résigna à s'asseoir sur la première marche de l'escalier, et posa le pistolet près de lui. La lumière s'éteignit. Il se mit à penser, les yeux dans l'obscurité, le cul rafraîchi au contact du béton.” C'est une ambiance sous tension qui attend le lecteur. Même sa troublante relation extra-conjugale avec Malika reste insatisfaisante aux yeux du héros de cette affaire, pourtant fortement entiché. Parce qu'il est marié, mais également parce qu'il sent une aura particulière, certainement énigmatique, autour de la jolie brune. Si Darmont écoute le rap de son époque, c'est plutôt la mélancolie de Léonard Cohen qui l'habite. Certes, il a des comptes à régler, et peut-être est-il encore temps de sauver son couple. Mais son existence est déjà marquée par certains froids échecs, ce qui ne laisse pas augurer d'un avenir radieux. “La confrontation s'éternisait, et Darmont en avait assez. Il avait envie de faire peur. De faire mal.” L'écriture de Roland Sadaune est aussi vive que sombre, ce qui nous offre comme toujours un très bon roman noir.
Parution juin 2015. 194 pages. 13,00€. C'est un cas, dis ? Dans un chariot de supermarché, on peut entasser des packs d'eau, des packs de lait, des packs de bière, des packs d'essuie-tout papier, et bien d'autres packs comme des packs d'emmerdes. Raphael Darmont, ancien lieutenant de police, blessé professionnellement et physiquement, voire affectivement, va s'en ramasser un plein tombereau pour avoir dépanné une jeune femme en quête d'un euro, pièce libératrice d'engin à roulettes faussement économique que plus t'en mets dedans, plus tu crois faire des économies et plus tu dépenses car plus tu jettes, date de péremption faisant foi comme autrefois le cachet la Poste. Raphael Darmont qui devait rejoindre sa femme Véronique, préposée à l'accueil du Mammouth écrase les prix et non Mamie écrase les prouts (dixit Coluche), prête donc une pièce que Malika avec un sourire aguichant lui promet de lui rendre. Il lui donne rendez-vous pour le lendemain dans un petit restaurant du quartier et ce qui devait arriver arriva. Eberlué et surtout essoufflé Darmont, qui a monté quatre à quatre les quatre étages de l'immeuble de la cité tandis que la belle se transbahutait tranquillement par l'ascenseur vers un septième ciel prometteur. Le logement ressemble plus à une caverne d'Emmaüs qu'à une chambrette d'amour mais ce n'est pas le décor qui importe, c'est le lit propice aux galipettes. Avec Véronique, c'est souvent Véro tout court, car après bien des années de mariage, l'entente n'est plus tout à fait la même. Véro lui reproche ses manquements, ses oublis, de petites dates d'anniversaire qui comptent pour elle et qu'il enfouit enveloppé dans ses problèmes. Bref, la gente dame lui fait le plus souvent le coup des jambes croisées que la visite de la grotte Chauvet. Petit aparté, Malika, elle, a la grotte chauve, ce n'est qu'un détail mais Raphael n'est pas habitué à ce manque de pilosité. De plus Véro reproche à son mari des passades, mais faut le comprendre aussi. Enfin, essayer. Malika est une ancienne caissière de cinéma, et comme les multiplexes phagocytent les petites salles, elle se retrouve sans emploi, avec un minuscule pécule qu'elle entretient en étant standardiste pour une boite qui met en relation des hommes esseulés avec des femmes compatissantes, mais uniquement par téléphone. Pour le numéro de téléphone, je ne l'ai pas en tête mais il figure dans le bouquin avec le prénom Monica. Raphaël a déclaré être directeur d'une grosse entreprise, ça en jette, en réalité il n'est que le directeur des ressources humaines, le recruteur d'une société de sécurité, fonction qui lui assure un statut alors qu'il s'est fait virer de la police deux ans auparavant pour une bavure, une rixe dans laquelle il s'est retrouvé embringué en compagnie de municipaux et d'assistants de la sécurité, son arme à feu réglementaire se retrouvant entre les mains de ses agresseurs. Non seulement il s'est récupéré sur le carreau, mais son arme dite de sauvegarde, l'officieuse que tout bon policier possède attachée à la cheville, a été également confisquée par les malandrins malhonnêtes. Darmont ne verra Malika que deux ou trois fois, et les deux personnages qui l'abordent, des amis ou connaissances supposées de la jeune femme, la décrivent sous un jour inattendu, lui instillant le doute dans son esprit. Et c'est à l'instigation de l'un des deux hommes qui lui confie avoir lui aussi été floué, qu'il se rend chez Malika. Elle recevrait chez elle un vieux, enfin un plus vieux que Darmont, pour des séances de relaxation dont on ressort fourbu. Seulement lorsque l'ex-flic s'introduit chez Malika, il se rend compte d'un changement, que des affaires ont disparu. Poussant son investigation, il découvre Malika, ou plutôt le cadavre de celle-ci recroquevillé dans sa douche. Darmont est mal parti et l'instinct du policier, du chasseur se réveille en lui. Il demande en prenant des gants et en gardant la plupart des informations pour lui, des renseignements auprès d'un de ses anciens collègues, le brigadier-chef Limon qui pense avec justesse qu'il est dans la boue.
Avec Un caddie nommé Désir, titre clin d'œil à la pièce de théâtre de Tennessee Williams, Un tramway nommé Désir, Roland Sadaune nous brosse un tableau sombre mais empreint parfois d'onirisme d'une vie en demi-teinte d'un flic reconverti et qui s'adonne à quelques passades pour agrémenter sa vie en déliquescence. Cela n'aurait pu être qu'une comédie de boulevard, un vaudeville de supermarché, seulement Roland Sadaune est trop empreint de littérature noire pour laisser passer une si belle occasion de nous fournir un drame. Il y a un peu de Day Keene dans ce roman ancré dans l'est du 17e arrondissement parisien et sa périphérie. En artiste peintre talentueux il nous brosse des portraits façon Van Gogh, mais ce ne sont pas les seules analogies picturales que j'ai ressenties à la lecture de ce roman. S'il fallait transposer ses phrases, ses scènes, son ambiance et son atmosphère en toile, j'associerai Seurat pour son pointillisme dans la description, Arcimboldo pour la composition de ses tableaux qui forment un tout avec des éléments divers mais relevant de la même famille, et Turner pour la noirceur entrecoupée d'un rayon de soleil fugace de l'ensemble du roman. Alors que l'on pense que l'épilogue va s'acheminer vers un dénouement convenu, Roland Sadaune d'un tour de pinceau renverse la situation et nous entraîne vers un final inédit et pointu.
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2014/11/roland-sadaune-minna.html
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-roland-sadaune-facteurs-d-ombres-121596771.html
L’aventure est au coin de la rue et les embrouille au fond d’un parking de supermarché. Il suffit de peu pour qu’une vie monotone et rangée, coincée entre un emploi sans gloire et un ménage sans éclat, bascule dans le rêve, celui qui fait battre le cœur comme aux temps jadis. Un euro « prêté » à une belle inconnue afin qu’elle puisse débloquer un caddie… Il n’aura pas suffi de plus pour que l’existence de Raphael Darmont se colore des teintes de l’espoir. Mais il aura suffi d’aussi peu, pour qu’elle chavire définitivement dans le sordide. Un bac à douche, un corps sans vie recroquevillé… et Raphael retrouve ses réflexes d’enquêteur… et son passé douloureux refait surface sous la forme de l’arme de « cheville » non déclarée et « égarée » lors du passage à tabac qu’il a subi… Quand meurt l’amour, entre périphérique et supermarché, les rêves se dissolvent dans la grisaille du quotidien qui ne vaut plus que par le besoin d’équité : qui tue sera tué…
« Un caddie nommé désir » c’est un tramway nommé désarroi |
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