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HERVE SARD |
Larguez Les Anars !Aux éditions LA GIDOUILLEVisitez leur site |
1304Lectures depuisLe vendredi 12 Juin 2015
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Une lecture de |
Les nouvelles enquêtes de Léo Tanguy. N° 18. Parution le 30 mai 2015. 200 pages. 10,00€. Game of drones ! Assister à son propre enterrement, telle est la situation incongrue à laquelle participe Léo Tanguy, cyber reporter indépendant. Sont également présents lors de cette cérémonie funèbre ses parents, ses amis, ses copains, et ceux qui le détestaient, bien contents de sa disparition. Tanguy est déguisé, maquillé, grimé, et personne ne le reconnait, ce qui était le but recherché. Cela ne l'empêche pas de se conduire en quidam ayant fréquenté Tanguy et d'étreindre quelques personnes, de leur parler, d'exprimer ses regrets. En réalité pour tester le terrain et les inconnus venus assister à son départ. Tout a commencé par l'épandage nocturne dans un champ de maïs de larves de pyrales, ces papillons malfaisants qui détruisent en un rien de temps les plantes amoureusement cultivées par les agriculteurs désireux de fournir à leurs concitoyens la manne nécessaire à leur nourriture. La solution résiderait bien dans l'exploitation de champs de maïs OGM, cette nouvelle génération de semences rapportant gros, surtout aux laboratoires phytosanitaires, mais les réticences sont nombreuses et la confiance limitée, une alternative à l'utilisation de produits chimiques déversés en masse. Une autre solution, soi-disant plus écologique consisterait à semer du VertuMax, une plante qui annihile les chenilles. Seulement le VertuMax est invasif et se développe comme du chiendent, et lorsqu'il s'est installé quelque part, rien ne lui résiste. Un olibrius s'est donc amusé à épandre des larves de pyrales dans le champ de Michel, grâce à des drones. Michel étant un copain du père de Léo Tanguy, le cyber-reporter s'est donc intéressé à cette affaire peu commune et ses investigations l'ont conduit jusqu'à une grange où étaient disposés sur des étagères des drones. Ce que n'avait pas prévu Léo Tanguy, c'est le coup de massue reçu sur la tête puis l'incendie de la baraquement. Léo, sorti de son évanouissement à temps avait pu récupérer un téléphone portable, contenant l'égo-portrait (pour faire simple : un selfie) de son agresseur et se carapater avant l'arrivée des pompiers. Pour tous il était mort dans l'incendie. Seuls ses parents et quelques personnes de confiance, dont la maire du village de Plouguer, sont dans la confidence de sa résurrection. Connaître la trogne de l'agresseur c'est bien, mais encore faut-il remonter jusqu'aux commanditaires. Léo entame donc son enquête aidé par des parents et des amis indéfectibles dont Potiron, un individu à verticalité réduite. Je souligne que l'appellation de nain est devenu péjorative, comme bon nombre de mots de la langue française, on se demande bien pourquoi.
Les paysans réfractaires, dont Michel, appartiennent au MPT, Mouvement Pour la Terre, qui n'est pas vraiment un parti mais un mouvement, d'où son nom, lequel est opposé au P2R, Parti pour un Renouveau Républicain. Et Républicain, maintenant on sait ce que ça veut dire depuis que le vocable a été récupéré à des fins politiques. Et c'est ainsi qu'accompagné de Potiron qui conduit la plupart du temps le combi, Léo va participer à une marche organisée à l'origine par le MPT, marche qui doit arriver à la capitale le 14 juillet, le jour du feu d'artifice.
Ils partirent dix mais par un prompt renfort ils se virent dix mille en arrivant au port... Et Léo côtoiera des personnages typiquement atypiques dont Ben-Hur qui conduit un attelage de chiens, installé dans une sorte de poubelle-container roulante. Et cette assemblée nationale déambulant joyeusement est constituée de revendicateurs et contestataires de tout poil et de toute confession, surnommée par un des protagonistes comme une bazarchie.
Ce roman ne pourrait n'être qu'une immense mascarade, au sens propre, une hénaurme farce comme l'écrivait San-Antonio, une parodie, une accumulation de scènes comiques, cocasses, absurdes, délirantes, mais tout comme dans un film de Charlot, sous le vernis du grotesque se cache un aspect plus troublant, plus actuel, plus pernicieux, plus sérieux, représentatif d'un monde scientifique en évolution et dont on a du mal à discerner si c'est bénéfique ou non pour la planète et les êtres humains. Mais c'est pointer du doigt également la perversité de l'Homme qui manigance, manipule, extrapole, invente, et s'amuse de la naïveté de ses concitoyens. On n'est jamais déçu avec Hervé Sard et ce roman qui dénonce quelques bêtises humaines est à rapprocher de cet autre opus, poulpesque lui, qu'est La catin habite au 21. Le même regard acéré et tendre à la fois sur la gent humaine, celle que nous sommes à même de côtoyer.
Léo Tanguy est mort ! À travers son site Internet où ses articles soulignaient quelques-uns des dysfonctionnements de notre société, le cyber-reporter indépendant ne s'était pas fait que des amis. Léo Tanguy est allé trop loin, cette fois : on l'a assommé, avant d'incendier la grange où il gisait. À l'origine, ce sont des épandages par des drones qui ont amené Léo à enquêter. Déverser des larves de pyrales sur des champs cultivés, c'est contaminer et détruire les récoltes à venir. Car il n'y a guère de parade contre ces papillons maléfiques, surtout quand ils attaquent par milliers maïs et céréales. Utiliser des OGM ? Il reste des agriculteurs honnêtes qui s'y refusent. Ceux du Mouvement Pour la Terre, en particulier. Le recours au chimique, à tout ce qui engraisse l'industrie phytosanitaire, ça suffit ! Un autre produit se développe depuis quelques temps, le VertuMax. Version plus écolo des traitements habituels ? Ça reste à prouver. C'est le genre de produit invasif qui, une fois sa mission première remplie, s'étend et devient aussi dangereux que les autres, sinon davantage. Énormes enjeux financiers autour du VertuMax, on l'imagine bien. Il n'est donc pas surprenant qu'on ait voulu éliminer un fouineur tel que Léo Tanguy, officiellement décédé. Sauf que le reporter assiste, savamment grimé par ses proches qui sont les seuls informés, à son propre enterrement au cimetière de Plouguer. Non, Léo Tanguy n'est pas vraiment mort, mais la prudence s'impose. Même défendre l'écologie concrète, comme le fait Nine, la maire de cette commune, c'est risquer des représailles. D'autant que le P2R, Parti pour un Renouveau Républicain, est très présent dans la région, avec un discours populiste. Le Flohic, son chef régional, semble entretenir des ambitions politiques nationales, d'ailleurs. Grâce à son ami nain Potiron, Léo Tanguy remonte la piste de son agresseur jusqu'à ses commanditaires. Bernard, l'exécutant, fut engagé par Quentin Froger, enseignant ultra-catho, qui servait d'intermédiaire pour Hamelin, un des principaux adjoints de Le Flohic. Le P2R s'oppose publiquement au MPT, d'accord, mais en venir à un acte criminel, ça sent la grosse-grosse embrouille. Rester dans l'ombre, faire confiance à la force de frappe du nain Potiron, ça ne satisfait pas tant Léo Tanguy. Alors, dans son vieux Combi, tous deux vont se joindre à la Marche avançant vers Paris. Au départ, il y avait juste deux frères paysans. Puis des centaines de personnes ont aussi voulu porter à Paris leurs revendications. Peut-être sont-ils maintenant des milliers, qui arriveront le 14 juillet sur les Champs-Élysées. Des sympathisants du MPT, des citoyens ordinaires, plus des infiltrés du P2R, très certainement. Crâne d'Œuf et La Natte, eux, ce sont d'authentiques adeptes de la bazarchie, version améliorée de l'anarchie. Ils sont les auteurs d'un chant de marche anar du plus bel effet. Il y a encore Ben-Hur, militant de toutes les causes marginales. Et la belle Camélia, qui fait concurrence à Suzie, l'amante de Léo. Et tant d'autres… Pendant ce temps, le père de Léo alimente son site Internet avec quelques révélations. Le 14 juillet à Paris s'annonce spectaculaire, cette année… Comme on le sait, Léo Tanguy est le cousin breton de Gabriel Lecouvreur, héros de la série Le Poulpe. Selon le même principe, un nouvel auteur reprend le personnage à chacun des épisodes, lui accordant des aventures bien sûr pimentées. Tel son parent poulpesque, Léo Tanguy s'intéresse avant tout aux "gros", aux puissants, à ceux qui dérèglent notre monde au profit des trusts, de la finance, de l'industrie internationale. Car ils bénéficient toujours d'appuis locaux, du soutien de décideurs politiques ou économiques. Si les "mouvements citoyens" semblent encore peu gangrenés, certains en tirent néanmoins parti. Derrière le prétexte de l'anti-écotaxe, il y avait bien des structures manipulatrices, par exemple. Léo Tanguy, avec sa sincérité, n'échappe pas à une part de naïveté à ce sujet. Il s'agit d'une comédie policière, c'est vrai. Qui n'est pas dépourvue d'humour grinçant. Le nain qui accompagne ici Léo assume sa particularité physique, car rien n'interdit d'évoquer le nanisme sans complexe. La Marche permet à l'auteur de nous dessiner de succulents portraits, évidemment. L'arrivisme politicard autant que le poids de multinationales ne sont pas ménagés, avec une belle ironie, non plus. Un regard sur notre époque, manière de nous alerter sur les "abus de pouvoir" dont nous sommes ainsi victimes. Avec tous ces drones et ces caméras qui nous surveillent, interrogeons-nous. L'excellent Hervé Sard a su capter tout ce qui fait la saveur de l'univers de Léo Tanguy, dans ce très bon polar. |
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