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LOUIS SANDERS |
La Chute De M.fernandAux éditions SEUILVisitez leur site |
850Lectures depuisLe mardi 12 Aout 2014
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Une lecture de |
L'univers de M.Fernand, c'est le quartier Pigalle, de la rue des Martyrs à la place Clichy. On l'y voit passer dans sa Rolls Silver Shadow quelque peu défraîchie. On reconnaît sa haute silhouette, son manteau de poils, son chapeau sombre à larges bords. M.Fernand est toujours accompagné par sa chienne Jouvencelle et par son amant-garde du corps Karl, un Allemand à l'accent teuton prononcé. Toutes les nuits ou presque, on trouve M.Fernand au Favori, le club de Gérard Lambert. Pourtant, malgré son allure, il a beaucoup perdu de son prestige en 1978. Il n'est plus le flamboyant Fernand Legras, qui vendit des tableaux de maîtres aux plus riches Américains. En ce temps-là, il côtoyait les célébrités du cinéma dans les soirées mondaines, se sentant leur égal. La gloire est passée, la roue a tourné, d'autant plus logiquement que les toiles qu'il écoulait étaient des faux. Aujourd'hui, M.Fernand végète avec Karl dans une chambre d'hôtel minable. S'il fréquente l'immeuble du 11 boulevard de Clichy, c'est parce qu'Annie – épouse de Jimmy Fallow – est généreuse avec lui, en argent et en alcool. Elle voudrait bien que M.Fernand aide son fils Fredo à percer dans la chanson. À cette même adresse, vivent aussi la baronne Lydie et son fils André, une belle paire de drogués. M.Fernand alimente leur vice. Et le couple Kowalski : Irène est prof, son mari est un peintre sans clientèle. Crédule, la jeune femme est sensible à l'aura de M.Fernand. Il a vécu une vie si aventureuse et connu tant de personnalités. Ça déplaît plutôt à Annie Fallows, cette admiration d'Irène. D'ailleurs, les crises colériques de M.Fernand agacent parfois ses hôtes de l'immeuble. Il reste capable de ruser, afin de ne pas perdre son crédit auprès de ces gens dont il abuse. Un mafieux corse serait acheteur d'un faux Dufy. Hélas, M.Fernand a perdu l'essentiel de ses contacts chez les faussaires. Il y encore l'alcoolique Bronstein. Lui ne fait pas de copies, mais il espère que le peintre Patrice Benamou pourra produire un Dufy. Ce dernier se doute du nom du commanditaire, et pourrait se passer d'intermédiaire. M.Fernand sait où dénicher un authentique Dufy. La baronne en possède un, qu'elle n'a pas l'intention de lui vendre. Le mafieux Albertini invite M.Fernand pour des vacances au ski, afin de mettre un peu de pression sur lui car il le sait aux abois. Venu de Périgueux, marié à une ex-prostituée dont il a éliminé le proxénète, Cabrillac est commissaire de police dans le secteur de Pigalle. Suite au meurtre d'une pute du quartier, le policier Le Guen des RG contacte Cabrillac. La faune mafieuse qui tourne autour du club Le Favori, il fait tout ce qu'il peut pour l'alpaguer. Albertini et Lambert, mais aussi Fernand Legras, qui est en attente d'un procès. Cabrillac a bientôt l'occasion d'enquêter aussi bien au 11 boulevard de Clichy que parmi les habitués du Favori… L'auteur s'inspire de Fernand Legros, marchand de tableau qui connut une belle notoriété dans les années 1960-70. Il n'était pas lui-même un faussaire, mais possédait un réseau de copieurs d'œuvres très pointus. Il avait sa technique pour faire authentifier les toiles, s'adressant aux veuves souvent ruinées des artistes peintres. Cultivant son personnage, il possédait une prestance indéniable qui lui permit de vendre des dizaines de faux tableaux. Sa vie romancée par l'écrivain Roger Peyrefitte, et son autobiographie, ont contribué à sa légende. Pour comprendre le succès de cet escroc, sans doute faut-il le replacer dans son époque. Entre culot et habileté, non dénués de charisme, ces gens sans scrupule n'avaient pas peur de se lancer dans des arnaques énormes. Comme ils visaient les plus friqués, la population les trouvaient sympathiques, et s'amusait de leurs aventures. S'agissant d'une fiction, c'est un clone de l'original que nous présente l'auteur. D'ailleurs, Fernand Legros est décédé à l'âge de cinquante-deux ans quelques années plus tard. Dans la misère, comme le héros de cette histoire. Louis Sanders réussit à restituer l'ambiance générale de cette époque, la fin de la décennie 1970. Pigalle conserve sa réputation sulfureuse, les Corses ont encore la haute main sur les boites de nuits parisiennes, et si les flics sont efficaces, ils ne se prennent pas encore pour des “experts”. Effectivement, de même que le grand banditisme évolue, le temps des grands arnaqueurs se termine. Certes, il y en aura d'autres, mais ils manqueront de brio. L'histoire est ici assortie d'une enquête criminelle, toutefois on retient en priorité le climat d'alors, et le délicieux portrait du fantasque M.Fernand. Un savoureux roman. |
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