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GIORGIO SCERBANENCO |
Les Enfants Du MassacreAux éditions 10/18Visitez leur site |
2332Lectures depuisLe mardi 12 Juillet 2005
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Une lecture de |
Giorgio Scerbanenco (1911-1969) est né à Kiev d'une mère italienne et d'un père ukrainien fusillé durant la révolution d'octobre 1917. Autodidacte, il a fait tous les métiers pour vivre : balayeur, manœuvre, tourneur. Dans le même temps il fréquente les bibliothèques publiques auxquelles il peut avoir accès. Au retour d'un séjour en sanatorium, il travaille comme scénariste et essaie de vendre des espaces publicitaires dans des publications fantômes. Il débute en littérature par un récit publié dans un magazine populaire. Pendant trente ans il collabore à une maison d'édition milanaise pour laquelle il écrit un milliers de conte, récits, nouvelles auxquels s'ajouteront des romans, le tout à l'eau de rose. Anti-Mussolinien, il doit se réfugier en Suisse où il est interné jusqu'à la fin de la guerre. De retour à Milan il devient directeur d'un magazine féminin où il dirige la rubrique courrier du cœur. A partir des années cinquante ses récits, qui virent du rose au noir, paraissent dans des collections policières. Il crée un héros, un médecin radié de l'ordre pour euthanasie, qui devient collaborateur des services de la Justice de Milan. C'est un humain qui nous ressemble, généreux, et à qui la bêtise et le crime font piquer de terrifiantes colères froides. Les Enfants du Massacre est le chef-d'œuvre de cet auteur. Dans ce récit l'ancien médecin doit dépasser son dégoût pour ausculter ce massacre commis par des gamins marginaux de la banlieue de Milan. Amoureux de cette ville, Scerbanenco la chérissait, mais dévoilait ses horribles protubérances. L'opulence et la richesse dont bénéficie la capitale lombarde, centre géographique et, de ce fait, plaque tournante de tous les trafics, déforment cette ville... C'est aujourd'hui le malaise des banlieues que Scerbanenco dénonçait il y a trente ans. Il démontrait que l'image familière de nos grands centres urbains se doublait au noir et pas toujours le soir.
À Milan, vers la fin des années 1960. Jeune enseignante, Mathilde Crescenzaghi donnait des cours du soir à un groupe d’élèves âgés de treize à vingt ans. Onze délinquants ados, choisis par l’assistante sociale Alberta Romani qui les estimait récupérables. Quelques-uns ont d’ailleurs des parents modestes mais honnêtes. D’autres ont une hérédité nettement plus lourde. Mathilde a été massacrée par ses élèves ce soir-là. Assisté par le policier Mascaranti, Duca Lamberti découvre la salle de classe après les faits. Des vêtements de la victime sont éparpillés dans la pièce. Des inscriptions salaces sont inscrites au tableau. La gardienne des locaux témoigne qu’il y a eu de précédents incidents, causés par ces voyous. Rien d’aussi monstrueux, jusqu’à cette dramatique soirée. À la Questure, Duca Lamberti interroge les onze suspects. Il va y passer toute la nuit, cherchant leurs failles en mettant sur eux une pression psychologique. Il a déjà compris que le groupe s’était enivré avec un puissant alcool. Certains disent que c’est le jeune Fiorello qui l’a apporté, et qu’on les aurait forcés à boire, probables mensonges. Ces racailles endurcies répondent qu’ils étaient bien présents, mais qu’ils n’ont en rien participé au carnage. Le faible Fiorello, dont Duca comprend vite qu’il est homo, sert de bouc émissaire au groupe. Il ne veut surtout pas passer pour un mouchard. Duca a une autre thèse que celle d’un dérapage alcoolisé, qui n’entraînera que de faibles sanctions envers les ados. Il est convaincu que c’est un adulte qui a tout organisé. Assisté par son amante Livia, qui lui sert de chauffeur, Duca entame l’enquête de terrain. Une femme d’environ quarante ans serait proche du groupe d’élèves. Ce n’est pas cette traductrice que Duca retrouve aisément, mais une doctoresse fournissant argent et drogue à l’un des caïds du cours. Qu’une femme soit la manipulatrice qu’il recherche n’est pas exclu. Quand Duca rencontre l’assistante sociale, Alberta Romani ne croit pas à son hypothèse. Elle explique pourquoi elle espérait rééduquer ces jeunes, qu’elle savait pourris. L’enquêteur rend visite à la sœur de Mlle Romani, gynécologue, impliquée contre son gré dans l’affaire. Après le suicide d’un des adolescents, une possible piste en Suisse se dessine… Passage à l’acte meurtrier de jeunes délinquants, voilà un sujet qui nous parait férocement actuel. Et qui donnerait des arguments aux éternels partisans de la plus grande sévérité envers ceux qu’ils estiment “criminels-nés”. Quand, comme l’humaniste médecin Duca Lamberti, on creuse les faits afin d’aller au fond des choses, rien n’est aussi tranché. Outre les problèmes héréditaires, parfois mais pas toujours, le parcours de chaque malfaiteur est aussi complexe que différent. L’analyse sociale présentée par Giorgio Scerbanenco à travers ce roman dense est parfaitement juste. Cela tient au fait qu’il n’y a pas de personnages anodins dans l’histoire. Du témoignage d’une simple gardienne à l’expérience marquante de l’assistante sociale, en passant par la sœur d’un des jeunes, tout le monde participe au drame qui s’est produit. C’est-ce qu’on nomme la vie en société, tous étant responsables des comportements d’autres. On pourrait souligner de nombreux passages criant de vérité. Retenons celui où Duca explique l’hystérie théâtrale des femmes malintentionnées. Sa famille, son amie Livia (marquée au sens exact par une dramatique aventure passée), son chef Càrrua (qui comprend mal Duca, tout en ayant de l’affection pour lui), le policier régulier Mascaranti, nul n’empêchera le héros de poursuivre cette enquête dans le sordide. Une noire intrigue qui, longtemps après avoir été écrite, reste profondément universelle et forte de réalisme. |
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